C'est un peu la conclusion de cette saison, depuis le début de notre investigation sur les fameux "dessous" de l'ESWC débutée en Décembre 2009, nous avons eu le plus grand mal à obtenir des réponses à nos questions auprès de l'organisateur opérationnel de l'événement, DIP Communication. Aujourd'hui c'est Jean-Marie COUTANT, propriétaire de la marque ESWC et principal investisseur qui a accepté de nous répondre. Il souhaite tourner la page sur les erreurs de cette année et nous parle de sa vision du secteur et des perspectives de la marque dans les années à venir.

 

word cupTeam-aAa : Bonjour Monsieur Coutant, merci d’avoir accepté de nous rencontrer. Tout d’abord pouvez-vous vous présenter, comment avez-vous réussi dans la vie ?

Jean-Marie COUTANT : Je suis promoteur immobilier, je suis autodidacte, j'ai démarré de rien et je suis arrivé là par mes propres moyens tout simplement. Je me suis lancé dans l'immobilier à 25 ans et j’ai peut-être eu plus de chance que les autres. J’ai compris rapidement les systèmes bancaires et j’ai réussi à prospérer avec une petite équipe d’une dizaine de personnes. On sous-traite tout, ça coûte cher mais on a pas mal de libertés derrière, en particulier pendant les périodes de crise quand il faut limiter les coûts. Je travaille avec beaucoup d’agences, d’intermédiaires, un agent de commercialisation seulement, trois experts comptables, une gestionnaire, un directeur de travaux qui supervise tous les architectes et un directeur général. Il y a en fait un responsable de chaque pôle qui sous-traite tout le reste, on a récemment lancé une branche Senior. On fait beaucoup d’opérations de marchands de biens dans la région Centre, essentiellement à Orléans qui est une ville très dynamique, il y a en particulier toutes les plateformes logistiques autour d’Orléans en plein développement.

 

Comment êtes-vous arrivé dans le sport électronique ?

Je suis arrivé là par le biais du sport, je fais du tir, j'ai été champion du monde de balltrap en 2002, en équipe de France de 1998 à 2009. Ce qui m'a plu ce sont les similitudes entre les sports, on est en équipe de 4 au ball trap. Il y a des similitudes avec la fédération de tir, ce qui m'intéresse c'est la finance (c'est un investissement du Groupe Coutant Finances), pour un développement international.

 

Il y a plusieurs fédérations dans le balltrap, la Fédération Française de Tir et la Fédération Française de BallTrap, qui vont finir par se rapprocher, un peu comme le sport électronique devrait le faire. Le parcours est la discipline la plus technique parce que toutes les trajectoires sont possibles, malheureusement elle n’est pas aux Jeux Olympiques. Mon fils fait aussi du BallTrap à haut niveau et s’intéresse bien sur aux jeux électroniques, d’ailleurs il suit de très près le développement de la marque ESWC.

 

Quel premier bilan tirez-vous de l’événement ?

J'ai découvert plein de choses au travers de ces 8 mois passés à côté de cette marque, au niveau communication j'ai dit qu'au vu de ce qui s'est passé à Disney on peut faire beaucoup mieux. J'ai attendu pour me rendre compte de ce que c'était, j'ai vu ce qui fonctionnait, ce qui ne fonctionnait pas, nous en tirerons les leçons l’année prochaine. J'ai beaucoup de questions à me poser jusqu'au 25 aout, on fera un communiqué vers cette date sur ce que l’on compte faire l'année prochaine.

 

On est invités en Corée pour les eStars Séoul où Gregorio Machadinho et moi-même présenterons ce que nous souhaitons développer au travers de l’eSport. Il y a un programme à établir qui n'est pas encore clairement défini. Nous allons tirer les bilans des comptes, une fois ce bilan définitif je déciderais si on continue avec Stéphane Cosse ou pas. J'ai noté de nombreux points, l'événement séparé en deux qui est une erreur stratégique importante. L’absence de climatisation dans le bâtiment qui n’est pas la faute de Stéphane car il nous avait été loué « climatisé » d’après le personnel sur place lors de notre visite sur les lieux deux mois avant, mais louer un bâtiment à ce prix-là qui est non climatisé alors que c'était prévu ça nous a fait mal, d’autant plus que le négatif était concentré dans cette partie là du salon. Nous devons nous rapprocher prochainement de la société locataire pour une transaction amiable.

 

L'objectif spectateur n’a pas du tout été atteint, ça me paraissait quand même des chiffres importants, on va éclaircir tout ça. L'ouverture est là pour développer à l'international, mon objectif c'est essentiellement l’international, j'ai retrouvé dans cette marque des similitudes avec la FIFA du Football. J'attendais de voir car je ne promotionne pas un truc que je n'ai pas touché du doigt. La Coupe du Monde du Jeu Vidéo, ça fonctionne ; le salon c'est un autre sujet qui reste à voir l'année prochaine, qui doit être à côté de la Coupe du Monde pour créer une osmose. Il faut que l'on prenne des positions là-dessus, pour l’instant c'est trop frais, ça ne fait que 15 jours que c'est fini.

 

Les joueurs étaient très satisfaits de l'hôtel et de la soirée de clôture, le seul fiasco, ça a été le salon, en dehors de la scène qui était magnifique et de quelques beaux stands. Si on avait réuni les deux événements on aurait fait évidemment plus de volume. Disney a été très professionnel dans l’organisation de leur événement au niveau de l’hôtel et du parc. Par contre ils nous ont complètement bloqué la communication vers le public au sein du parc, et ce n’est pas du tout ce qui était entendu au départ. S'il y a eu quelques imperfections au niveau du public, c’est en partie à cause du blocage de Disney. On était un peu trop loin de Paris à mon goût. S'il faut un événement il faut que ce soit comme les Masters de 2009 en Corée du Sud à Cheonan. Au niveau de la communication, j’ai eu des retours de Fun Radio par exemple. Ils en ont parlé à l’antenne, mais ça a été communiqué trop tard, il faut qu’on communique beaucoup plus tôt.

 

ESWC 2010D’où proviennent les soucis de facturation avec Réseau Local ? Qu’en est-il de la garantie de paiement des cash prizes ?

Je paie toujours mes factures, des fois ca prend un peu de temps, c’est toujours compliqué pour les entreprises. C'était DIP Communication qui a développé cette année l'ESWC, il y avait un contrat en sous-traitance avec DIP. Aujourd'hui toutes les portes sont ouvertes à la discussion, aux rencontres, au dialogue.  Comme je l'ai déclaré aux NSP je me suis donné trois ans, le cumul des sponsors et du Groupe Coutant Finances ont permis de financer cette relance.

 

En ce qui concerne la garantie, je tiens à préciser que ce ne sera pas financé par un emprunt, mais par les fonds propres apportés par le Groupe Coutant Finances et les sponsors. On va acheter les dollars demain et Gregorio Machadinho termine de rassembler l’ensemble des informations bancaires des joueurs et équipes afin de faire les virements dans les meilleurs délais. Ils seront bien payés. Je ne savais pas au début que Games Services n'avait pas payé les cash prizes de 2008, dès que je l'ai su j'ai dit qu'il fallait les garantir. Il fallait absolument délivrer cette caution pour rassurer les joueurs et c'est pour ça qu'elle existe. Si j'avais pu trouver un moyen de payer le jour de l'événement ça aurait été plus rapide mais ce n’était pas forcément plus pratique pour les joueurs. Il va toujours manquer le RIB de quelqu’un mais tout sera payé dans les jours à venir. J'attends en particulier avec plaisir de faire le virement de ses 8000$ à Astank, ce qui va être compliqué parce que le joueur est mineur et la somme devra peut-être être placée sur un compte bloqué.

 

En Décembre 2009, comment avez-vous connu Stéphane Cosse et le projet qu'il portait alors ? Pouvez-vous nous parler de la cession des parts de Stéphane dans Games Solution à vous-même ?

Il s'était positionné en rachetant la marque ESWC, et c'est là que je suis intervenu. Il m'a contacté par le biais du troisième associé qui était mon préparateur mental en équipe de France, on s'est rencontrés comme ça et tant mieux parce que ça m'a permis de découvrir cette marque.

Stéphane Cosse avait un contrat de développement de la marque et de la société, c'était une prestation de services. Pour divers événements on a été obligés de reprendre ses parts, mais c’est personnel et je ne peux pas vous en parler.

 

Toujours en Décembre on apprend le divorce entre Lan Alliance et l'ESWC, pourquoi n'êtes-vous pas parvenus à vous mettre d'accord ?

Ca a été négocié entre Stéphane et Désiré Koussawo, c'était signé mais finalement au moment de l'opérationnel il y a eu des conflits d'intérêt au niveau des sponsors. Ca va faire partie des regroupements et des discussions, on s'est vus plusieurs fois avec Désiré à la Coupe du Monde.

 

N’avez-vous pas peur d’investir dans un secteur qui a toujours perdu de l’argent ?

Il y a une génération d’écart entre les joueurs et les organisateurs d’événements, et encore une entre ceux-ci et les financiers susceptibles d’apporter les fonds nécessaires. Pour que ça marche il faut qu’on se rapproche, on sent que ce rapprochement est en train de se faire, à quelque chose près. Je me suis donné 3 ans pour prouver aux financiers que c'est maintenant qu’il faut investir, mais pour être pris aux sérieux il faut être en mesure de montrer quelque chose.

 

Aujourd'hui j’ai assez facilement les remontées des banques parce que c'est mon métier, ils attendent de voir quelqu'un qui va réussir dans ce domaine, ils veulent mettre le pied à l'étrier mais ils attendent de voir. Ils sont complètement ouverts, mais la question c'est qui va présenter le dossier, un jeune homme ou quelqu'un qui a des cheveux blancs, et ça compte encore beaucoup aujourd’hui malheureusement.

 

Vous avez vu les Partenaires Internationaux pendant deux jours suite à la Coupe du Monde, l’International devrait être un des leviers principaux de l’ESWC nouvelle génération ?

Gregorio Machadinho qui est en charge des relations internationales va être à mes côtés, c'est la demande des partenaires qu'il soit là parce que c'est vraiment le pivot entre les pays, c'est lui qui a développé la marque, c'était son boulot dès le départ. Il y aura un gros travail à faire avec lui.

 

Une des conclusions certaines, c'est qu'il faut se donner du temps pour 2011, il ne faudra pas précipiter dans l’organisation de l’événement. Stéphane a voulu faire ça vite parce que la marque était en déclin, il fallait la faire revivre et que l'événement soit fait. Pour le deuxième événement, il faudra se donner le temps de le faire comme il faut. C'est vrai que ca a été fait dans la précipitation, on a le résultat aujourd’hui de ce qui a été fait dans la précipitation. On a fait l'essentiel pour que l'événement soit relancé, c'est chose fait.

 

Quel est le nouveau partenaire qui devait être annoncé lors de la cérémonie de clôture de l’ESWC, est-ce en rapport avec le Qatar ?

On donnera une réponse entre le 10 et 25 aout pour le Qatar pour des raisons propres à la région. Il y a une candidature officielle qui est signée et un contrat cadre en cours qui n'est pas signé. Il y a une potentialité d'un ESWC au Qatar en 2011, on le saura bientôt. Des réponses seront apportées à ce moment-là, si toutefois ça ne devait pas déboucher sur la Corée ou le Qatar, on aura toujours la solution Paris, si possible au centre.

 

J'ai des contacts avec une personne qui a vraiment de quoi développer un événement majeur à Paris, on aurait peut-être du démarrer comme cela d’ailleurs. On a été contactés par plein de pays, la France est un bon endroit pour développer un projet mais l'état ne nous aide pas vraiment à le faire alors qu'il y a d'autres pays beaucoup plus puissants qui ont des moyens énormes et où l'état met des moyens pour ça. Ils ont vraiment des projets qui peuvent aider à développer le sport électronique. La difficulté de l'esport, par exemple en France, c'est la multiplicité des acteurs (Lan Alliance, WCG, ESL,…) qui fait qu'on y arrive pas, c'est un secteur qui n’est pas fédéré.

 

ESWC 2010Vous avez déposé de nombreuses marques de Fédérations Françaises et Internationales de Sport Electronique, comptez-vous lancer cela à court terme ou à plus long terme ?

Je l'ai déposé parce que c'était évident, l'Electronic Sports World Cup fait que tout le monde comprend que c'est la Coupe du Monde des Jeux Vidéos. Les World Cyber Games sont un grand événement, mais ce ne sera jamais la « Coupe du Monde ». C’est intéressant pour la compréhension de la marque, pour les fédérations c’est la même chose, c'est ce qu'il fallait faire. On ne pourra parler de cela que lorsqu’on aura eu certains rapprochements puisque pour l’instant notre priorité était la relance de la marque. Est-ce que ce sera des fédérations ou des regroupements d'entreprises dans un premier temps avec des licences d’exploitation de la marque de celle-ci ? On verra derrière. Pour l'instant ce n'est que des entreprises, pour faire une fédération il faut trouver quelque chose qui fédère, et pour cela il faut une marque forte.

 

C'est un milieu en plein évolution, s'il n’y avait pas eu la crise de 2008, l'ESWC aurait pu bénéficier de l'élan sur le jeu vidéo. Le fait que ce soit un secteur qui perde ou ne gagne que très peu d’argent est dû à une trop grande dispersion. S'il n’y avait qu’une seule marque ou un regroupement dans un pays comme la France, tous les sponsors seraient obligés d'aller vers elle, il faut centraliser. Le challenge pour l’instant c'est de dire que l'Esport, ça existe. Si vous réunissez tout, vous avez un vrai pôle, sinon le sponsor ne sait pas où aller. Une fois que ce sera structuré et qu’on aura passé des accords, ça pourra démarrer.

 

Si c'est ESL, Lan Alliance ou les WCG qui posent des conditions à un éditeur de jeux vidéo par exemple, c’est très difficile. Si ce sont des agences officielles au Qatar ou en Corée qui demandent quelque chose pour l'esport ce n’est pas pareil, il faut redémarrer du haut et pas du bas. Je m'étais demandé si on devait faire un développement en ligne, en faisant des événements physiques de temps en temps pour valider les niveaux des joueurs, un peu comme l'ESL. On sait déjà qu'il va y avoir autre chose que la Coupe du Monde, il y aura des étapes Masters, on réfléchit aussi sur le Online.

 

Pour que le Qatar investisse il faut apporter du sérieux à la marque et c'est ce que je fais, je consolide, si ce n'est pas ce coup là ce sera le coup d'après. Ca fonctionne, après les chiffres c'est autre chose. J'ai apporté ma contribution sur ce que je savais faire, la finance par exemple, la garantie bancaire et ma vue des choses, DIP Communication en a tiré l'analyse qu'il a voulu. J'ai des idées que je mettrais plus en avant l'année prochaine.

 

ESWC 2010Quel est l’avenir capitalistique de Games Solution, comptez-vous accueillir d’autres investisseurs au sein du capital de la société ?

Aujourd'hui nous sommes propriétaires de la marque et des noms de domaine, on va plutôt travailler sur l'ouverture de joint-ventures que d’ouvrir le capital de la marque. De l'analyse avec Stéphane des rendez-vous en Corée et au Qatar, je prendrais des décisions. J'ai des idées la dessus, il y a des pistes, des rapprochements avec d'autres réseaux.

 

La priorité numéro un était de réussir l'événement avec le peu de délais qu'on avait, une Coupe du Monde ça ne se fait pas en trois minutes. Dans le staff il y a eu pas mal de bénévoles vraiment contents et je tiens à les remercier ainsi que toutes les autres personnes ayant contribué à l’organisation. Aujourd'hui le salon c'était une découverte pour moi ; la Coupe du Monde, c'était du sport, je connaissais. J'ai eu l'occasion de m'occuper des sponsors qui étaient dans la fournaise et tout a été fait pour que ça se passe bien malgré la chaleur. La déconvenue de la climatisation, du public et de la communication est dommageable, mais ni l'un ni l'autre n'a été privilégié ou ignoré. L'objectif était que tout se passe bien pour tout le monde, mais on ne maitrisait pas le public.

 Si ça doit être refait à Paris, le choix du lieu sera primordial, pensé par rapport à ce qui s'est passé cette année, il faut amener le lieu au grand public et pas l’inverse. Trouver des solutions pour que l'ESWC soit dans un salon majeur par exemple, ça évite le problème d'aléa du public, on touche déjà un public de jeu vidéo, au pire de jeunes, et ce sera gagné pour les finales. Qui n'aurait pas applaudi Astank du haut de ses 12 ans ? Des banquiers sont venus me voir lors de l'événement, ils étaient agréablement surpris par Trackmania par exemple qui est très visuel. Ce sont des choses comme cela qu'il faut développer aussi, à côté bien sûr du côté élitiste de Counter-Strike, pour faire venir le grand public.

 

Dans le choix des jeux il faut trouver des jeux plus visuels, tout en restant en phase avec les autres pays du monde. Des spécialistes seront consultés, ce n'est pas simple de trouver des jeux présents dans plein de pays, en Asie ils sont plutôt stratégie, en Russie FPS, tout ça doit être coordonné pour trouver X pays. Pour qu'il y ait un nouveau jeu supplémentaire de sélectionné il faut une communauté.

 

Ce qui a plu aux Partenaires Internationaux c'est que je suis là pour faire du long terme, je suis quelqu'un de parole, je tiens toujours mes engagements et je ne fais jamais les choses à moitié. Dans mon métier de promotion immobilière, on vend sur plan. Sur un projet d’immeuble à 30 Millions d’Euros on a pas intérêt à se louper, il faut que la livraison soit entièrement conforme à ce qui a été vendu sur papier.

 

Le côté opérationnel avait vraiment commencé en Décembre, Gregorio avait commencé à bouger mais ne savait pas trop dans quelle direction aller. L'année prochaine ce sera top niveau, j’agirai pour que ce soit le cas. A la limite si on doit faire un ESWC au Qatar on s'est donné 18 mois et on fera quelque chose de parfait en 18 mois, ça ne me fait pas peur de le refaire à Paris mais d'une autre manière. On a longtemps hésité avec la Porte de Versailles, ça devient un peu le centre du jeu vidéo, c'est proche des moyens de transports et c'est ce qui a manqué à Marne-la-Vallée. Les Coréens se souviennent encore du Louvre donc pour les étrangers il faut que le lieu ait du cachet.