Dans une vidéo, YamatoCannon a livré son analyse sur l’ouverture du sponsoring aux entreprises de paris sportifs annoncée par Riot Games. Une évolution qu’il juge inévitable, mais révélatrice d’un modèle en fin de cycle.
Une décision attendue, un constat amer
Fin juin, Riot Games a officialisé l’ouverture des partenariats avec les marques de paris sportifs pour les équipes de Tier 1 sur League of Legends et VALORANT, en Amérique et en EMEA. Cette annonce, formulée comme un engagement « responsable », s’inscrit dans une volonté affichée de créer de nouvelles sources de revenus pour un écosystème esport sous tension. Si certains s’interrogent encore sur les conséquences de ce virage, d’autres, comme Jakob « YamatoCannon » Mebdi, n’y voient rien d’autre qu’une confirmation : l’industrie change de nature, et Riot Games adapte sa stratégie en conséquence.
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Dans une vidéo publiée il y a plusieurs jours, le technicien suédois revient point par point sur l’annonce. Il ne cherche ni à s’indigner ni à défendre Riot Games, mais dresse un premier état des lieux, marqué par une critique des choix de l’éditeur et des limites structurelles du modèle esportif actuel.
Un changement de posture qui ne trompe personne
YamatoCannon commence par rappeler que le marché des paris autour de League of Legends existait déjà de manière active et bien connue. Il souligne que les bookmakers n’ont pas attendu cette autorisation officielle pour accéder aux données nécessaires à l’élaboration de leurs cotes. Selon lui, Riot avait déjà ouvert les vannes en arrière-plan, notamment via son partenariat avec la plateforme GRID. « Les bookmakers avaient déjà accès à l’API depuis longtemps. Riot pouvait bloquer ces accès s’ils l’avaient vraiment voulu. »
Il poursuit : « Ils se présentent comme les sauveurs, alors qu’ils avaient déjà organisé le terrain. » Il considère que cette décision s’inscrit dans une continuité logique, mais que la manière de la présenter comme un encadrement éthique d’une situation subie ne correspond pas à la réalité des faits. « Ce n’est pas comme si ça se passait sans leur accord. Ils disent que c’est pour protéger l’intégrité, mais les données étaient déjà utilisées depuis des années. »

Un modèle Riot en bout de course
Au-delà de la question du betting, YamatoCannon revient sur la stratégie plus large de Riot. Selon lui, l’éditeur a toujours voulu conserver le contrôle total de son écosystème esportif, au prix d’un investissement conséquent et d’une fermeture aux acteurs tiers. Cette centralisation, qui a permis de produire des compétitions de haute qualité, a aussi limité les sources de revenus indépendants pour les équipes et pour l’écosystème dans son ensemble : « Riot a tout voulu contrôler. Ils ont coupé tous les organisateurs de tournois, tout le monde, pour avoir le plein contrôle sur la diffusion. »
Il compare ce choix à celui de Valve sur Counter-Strike, plus libéral, qui laisse aux organisateurs le soin de structurer leurs compétitions et de monétiser via des sponsors de leur choix. Il estime que le modèle Riot, bien que plus propre en apparence, est devenu insoutenable. « Ils ont voulu garder leur produit propre, si propre, pendant des années. Mais maintenant, ils ne récupèrent plus assez pour justifier les dépenses. »
Il anticipe une évolution vers un désengagement progressif de Riot dans les ligues locales et une réorganisation du circuit autour d’un nombre réduit de grands événements internationaux, centrés sur les équipes les plus populaires. « À terme, je pense que les ligues régionales vont devenir du Tier 2. Et que les trois équipes les plus populaires de chaque région participeront à des événements tournants. »
Le poids économique du secteur des paris
YamatoCannon ne nie pas l’intérêt financier que représente l’arrivée des sponsors liés aux paris. Il rappelle que les équipes, pour la plupart, sont en déficit structurel, et que les entreprises de betting sont parmi les rares à proposer des accords lucratifs, car leur modèle repose sur un retour immédiat sur investissement. « L’esport ne gagne pas d’argent. Les équipes perdent de l’argent depuis des années. Et les sponsors de betting, eux, paient très bien. C’est toxique, mais c’est rentable. »
Il estime que cette évolution était inévitable. « C’est la suite logique. C’était prévisible. » En revanche, il émet des réserves sur les garde-fous annoncés par Riot, qu’il juge peu durables. « C’est la première étape. Ça va devenir de plus en plus permissif. Les garde-fous vont disparaître. » Il voit aussi dans le choix de limiter l’accès aux sponsors de paris aux seules équipes Tier 1 une incohérence. « Le Tier 2 a autant besoin de revenus. Dire qu’ils vont les soutenir avec une partie des revenus, c’est juste pour la forme. »

Une réalité qui dépasse l’esport
YamatoCannon conclut en replaçant cette évolution dans un contexte plus large. Pour lui, les sponsors liés aux paris sont devenus omniprésents dans le sport traditionnel, et leur arrivée dans l’esport est simplement un rattrapage. « Le sponsoring lié au betting est partout. Formule 1, football, NFL, UFC. C’est devenu la norme. » Il ne dit pas qu’il s’en réjouit. Il constate. « Ce n’est pas une surprise, mais c’est triste. » À ses yeux, Riot ne fait qu’emboîter le pas à un mouvement plus global, qui rend de plus en plus difficile toute forme de résistance éthique ou structurelle. « C’est ce que c’est. Ce n’est pas un choix heureux, mais c’était inévitable. »