Riot Games autorise désormais les partenariats avec les marques de paris sportifs pour les équipes de Tier 1 sur League of Legends et VALORANT en Amérique et en EMEA. Une décision encadrée, qui reflète une évolution stratégique du modèle économique de l’éditeur.
Une ouverture (de la boite de pandore) sous étroite surveillance
En annonçant l’autorisation des partenariats entre les équipes de Tier 1 et les entreprises de paris sportifs, Riot Games pose un acte fort dans la structuration de son modèle économique esportif. Longtemps refusée pour des raisons d’image, cette catégorie de sponsors devient aujourd’hui accessible, à condition de respecter un cadre précis. Cette évolution, attendue par plusieurs organisations depuis des années, intervient dans un contexte où la viabilité financière de nombreuses équipes est sous pression. Riot justifie sa décision par une volonté de mieux encadrer une pratique déjà massive, tout en apportant de nouvelles sources de revenus à son écosystème.
Une logique d’opportunité encadrée
L’annonce a été faite par John Needham, président de la division Publishing & Esports chez Riot. Il souligne que cette décision n’est pas une adhésion à la pratique des paris en tant que telle, mais plutôt une réponse pragmatique à une réalité : les paris esportifs existent, ils génèrent déjà des milliards, et dans leur grande majorité, ils s’effectuent dans des circuits non régulés. « Le betting existe déjà autour de nos jeux, qu’on le veuille ou non. Plutôt que de l’ignorer, nous pensons qu’il est préférable de l’encadrer avec des règles claires », affirme-t-il. Selon des données de Sportradar, le volume global de mises autour de LoL Esports et du VALORANT Champions Tour a atteint 10,7 milliards de dollars en 2024, avec 70 % de ces mises passées via des plateformes non agréées.
En entrant dans cette équation, Riot ne cherche pas uniquement à générer des revenus. L’objectif affiché est aussi de réduire les risques pour les fans et les joueurs, en encadrant la pratique à travers des partenariats triés sur le volet. Toute entreprise souhaitant sponsoriser une équipe partenaire devra être approuvée par Riot et se plier à plusieurs exigences, dont l’utilisation exclusive des données officielles fournies par la plateforme GRID, avec laquelle l’éditeur collabore depuis 2023. Cette centralisation vise à garantir la fiabilité des données utilisées pour les offres de paris et à mieux détecter d’éventuelles manipulations. Needham insiste : « Nous ne voulons pas seulement créer de nouvelles opportunités commerciales, mais aussi protéger les joueurs et renforcer les standards d’intégrité dans l’esport. »
Des garde-fous pour préserver l'intégrité
Riot insiste sur la mise en place d’un « programme d’intégrité » au sein de chaque équipe souhaitant s’engager avec un acteur du betting. Cela comprend des dispositifs internes de surveillance, de prévention, et de sensibilisation, tant pour les joueurs que pour le staff. L’objectif est clair : ne pas exposer les joueurs, souvent très jeunes, à des situations à risque, et maintenir la crédibilité sportive des compétitions. « L’intégrité ne repose pas que sur Riot. C’est une responsabilité partagée par les équipes, les pros et l’ensemble de l’écosystème », rappelle Needham.
Autre point important : les revenus générés par Riot via ces nouveaux partenariats seront en partie réinvestis dans la scène Tier 2. L’éditeur prévoit d’augmenter les prizepools, de créer de nouveaux tournois, et de renforcer les formations à destination des jeunes joueurs et des organisateurs. L’ouverture à ce secteur ne se limite donc pas à un gain immédiat pour les structures les plus en vue, mais s’inscrit aussi dans une logique de soutien plus large à la pyramide compétitive.
Une exposition limitée côté public
Pour éviter tout rejet de la part de la communauté, Riot a décidé de maintenir ses propres canaux, broadcasts officiels, réseaux sociaux Riot, maillots d’équipes, à l’écart de toute publicité liée aux paris. Les activations sponsorisées seront laissées à la discrétion des équipes, dans le respect des législations locales et des conditions d’utilisation des plateformes. Riot cherche ainsi à éviter une omniprésence du betting dans l’expérience spectateur, tout en laissant une marge de manœuvre commerciale aux organisations concernées.
Cette approche vise un équilibre : capter des revenus d’un secteur déjà incontournable sans banaliser la présence des paris dans l’écosystème esportif. L’éditeur se donne par ailleurs la possibilité de réajuster le cadre si des dérives ou des effets indésirables apparaissent. « Si on doit ajuster notre approche, on le fera. Mais on estime qu’il est de notre responsabilité d’établir ce à quoi devrait ressembler une intégration responsable du betting dans l’esport », conclut Needham.
Vers un nouvel équilibre économique
En ouvrant les portes aux sponsors liés au betting, Riot acte une évolution importante de sa politique de monétisation de l’esport. Si cette décision risque de susciter des débats, en particulier sur la question de la protection des jeunes publics, elle reflète une réalité économique : les modèles actuels ne suffisent plus à faire vivre durablement les équipes de haut niveau. En encadrant strictement les partenariats et en redistribuant une partie des revenus, Riot cherche à concilier enjeux financiers, respect de l’intégrité sportive, et responsabilité vis-à-vis des joueurs et des fans. Ce tournant marque peut-être le début d’une nouvelle ère pour l’esport professionnel, où les frontières entre tradition sportive, enjeux économiques et régulation éthique seront de plus en plus difficiles à séparer.