Après une saison régulière mouvementée et une quatrième place inhabituelle pour l’équipe, G2 Esports aborde les playoffs du LEC Spring 2025 avec lucidité. Dylan Falco et Rodrigo, respectivement head coach et head analyst, étaient les invités de l’émission EUphoria pour faire le point sur l’état de l’équipe, leur philosophie de travail, et leur regard sur la concurrence.

G2 face aux doutes : lucidité, pas panique

En invitant le duo Dylan Falco et Rodrigo dans le dernier épisode d’EUphoria, le LEC offrait un éclairage rare sur les coulisses de G2 Esports à un moment charnière. L’équipe sort d’une saison régulière à la quatrième place, marquée par plusieurs défaites inhabituelles, notamment contre Heretics, KOI et Karmine Corp. Pour autant, ni l’entraîneur ni son analyste ne semblent alarmés. Au contraire, le discours est posé, presque clinique.

« Dès qu’on a vu les rosters de cette année, on savait qu’on serait challengés, explique Dylan. L’année dernière, notre domination était aussi liée au fait que certaines équipes étaient moins préparées. Là, Fnatic a bien construit, KC aussi. C’est normal d’avoir plus de compétition. » La perte de leur invincibilité perçue ne les empêche pas d’envisager les playoffs avec ambition. « Notre objectif est toujours d’aller en finale, chaque split. Rien n’a changé là-dessus. On a perdu des matchs, mais on sait pourquoi. Et on sait aussi qu’on peut corriger. »

Deux roadshows, une leçon de maturité

G2 a été la seule équipe à disputer deux matchs dans des roadshows cette saison – Madrid contre Fnatic et GiantX, Paris contre Karmine Corp et SK Gaming. Trois défaites en quatre matchs, mais une expérience jugée utile, notamment pour leurs rookies. Rodrigo insiste : « Pour SkewMond, c’est une super opportunité. Jouer dans une arène pleine, avec la pression, le bruit, c’est pas quelque chose que tu peux simuler en scrims. Il a eu son choc à Madrid, mais à Paris, il a très bien réagi. »

Le staff ne nie pas l’impact sur la routine d’entraînement. « Il y a eu des jours perdus, pas de soloQ, des difficultés de setup. Ce n’est pas idéal, mais on savait dans quoi on s’engageait. Et au final, on pense que ça paiera plus tard. » Dylan précise que, malgré l’enchaînement et une préparation réduite, la performance contre KC était meilleure : « On fait une mauvaise game 2, mais dans l’ensemble, on n’est pas loin. Ça nous sert pour ajuster ce qu’il faut avant les BO5. »

Drafts, Rumble et Ori-Noc : pas de place au hasard

L’un des passages les plus détaillés de l’émission concerne la draft, un sujet sensible chez G2 depuis quelques mois. Le bannissement systématique de Rumble a été questionné, tout comme leur gestion de certains picks atypiques. Rodrigo justifie ces choix : « On sait jouer Rumble. BrokenBlade est très bon dessus en scrims. Mais dans le cadre de certaines drafts, on considère que l’enlever augmente nos chances. Ce n’est pas une question de confort ou de faiblesse. C’est une décision stratégique. »

Concernant la combo Orianna–Nocturne, très critiquée depuis leur défaite aux Worlds contre BLG, Dylan offre une lecture plus nuancée. « En scrims, c’était excellent. Même contre Weibo ou T1, ça marchait. On pensait que c’était une solution pour le BO contre BLG. Mais ils ont eu une réponse parfaite. Là, on n’a rien pu faire. C’est le genre de compo qui marche quand les adversaires font des erreurs. Et sur scène, les gens en font moins. » Rodrigo admet que certaines drafts sont presque perdues dès la phase de sélection : « Il y a des games où tu sors de la draft et tu sais que tu as 10 % de chances. La game 2 contre Karmine Corp à Paris, c’était exactement ça. Et tu le ressens tout de suite. »

Le format Fearless, entre génie et chaos

Implémenté pour la première fois cette saison, le format Fearless (interdiction de rejouer un champion déjà pick dans la série) bouleverse les habitudes des équipes. Pour un staff comme celui de G2, il impose une rigueur stratégique plus lourde. « On a développé nos propres outils pour l’aborder, précise Rodrigo. Des logiciels internes qui nous aident à suivre les picks bannis, optimiser nos scénarios, anticiper les adaptations. »

Dylan y voit une dimension tactique nouvelle, mais aussi un risque accru : « Ça augmente la variance. Si tu fais une erreur dans les 4-5, ou si tu n’as pas prévu une réponse à un ban inattendu, ça peut vite te coûter la game. C’est comme rater ton ouverture aux échecs. Tu ne t’en remets pas toujours. » L’exigence en termes de champion pool est aussi accentuée : « Avant, tu pouvais t’en sortir avec cinq picks maîtrisés. Là, ce n’est plus possible. Chaque joueur doit être prêt à sortir un champion B-tier, voire C-tier, dans un contexte de BO5. »

Caps, Hans, BB : la motivation intacte

Alors que certains observateurs ont pointé un Caps en retrait cette saison, Dylan relativise. « Il n’a pas été aussi impactant qu’à son meilleur niveau, mais il a fait un split solide. Et surtout, on sait qu’il répond toujours présent en playoffs. Il a ce profil-là : il élève son niveau quand ça compte. »

Le staff insiste sur le professionnalisme et la passion de ses vétérans. « Hans a passé trois semaines en Corée en off-season, grindé le ladder, atteint le top 10 avec un winrate absurde. Ces gars-là aiment le jeu. BB aussi, il joue sans qu’on lui dise. Ce ne sont pas des mecs qu’il faut surveiller. Ils sont là pour gagner. » Cette autonomie est un facteur clé dans la gestion du groupe : « On essaie de leur laisser de la marge. Le but, ce n’est pas de tout contrôler, mais de donner le bon cadre. On sait qu’ils répondront présents quand il faudra. »

Playoffs : garder des armes en réserve

Le message final est clair : G2 n’a pas montré tout ce qu’il avait. Rodrigo confirme que certaines stratégies ont été volontairement mises de côté pendant la saison. « On ne veut pas tout sortir. On garde des drafts en réserve, on teste aussi des choses pour voir jusqu’où on peut aller. Mais quand il faudra gagner, on saura quoi sortir. » Dylan enchaîne : « On a toujours pris les playoffs au sérieux. Et cette année encore, notre objectif est simple : atteindre la finale. Peu importe qu’on soit 1er ou 4e en saison régulière, on se prépare pour ces moments-là. »

La volonté de revanche est palpable. Notamment face à Karmine Corp, qui les a battus deux fois cette saison, notamment en finale du Winter Split. « On aimerait bien les retrouver. Ce serait une belle finale. C’est eux qui nous ont battus au split dernier. Il y a une histoire. » Avec des propos à la fois mesurés et précis, Dylan Falco et Rodrigo tracent une ligne claire : G2 Esports n’est pas au sommet de sa forme, mais reste en contrôle. Ils connaissent leurs défauts, assument leurs expérimentations, et se disent prêts à jouer leur meilleur League of Legends au moment décisif. Pour G2, tout commence maintenant.