Après un split manqué et une élimination prématurée, Nuc s’est longuement confié dans l’émission Chatt All de Trayton sur la situation de Team BDS. Blessure au bras, responsabilités accrues, dynamique d’équipe brisée : le midlaner a offert une prise de parole rare, lucide et marquée par un attachement profond à son métier.
Un split raté et un rôle nouveau
Dans le 29e épisode de Chatt All, Nuc est venu tirer un bilan sans détour du Spring Split 2025. BDS, 8e au classement, n’a pas atteint les playoffs, ni répondu aux attentes. Pour Nuc, la chute s’est faite par glissements progressifs, jusqu’à une dynamique impossible à inverser : « C’est comme une balle dans un carré. Elle rebondit de plus en plus vite, mais dans le mauvais sens ». L’équipe, après une intersaison jugée cohérente sur le papier, a rapidement montré des signes de dissonance. Nuc identifie un problème global, structurel, plus que purement mécanique : « On a perdu des matchs qu’on aurait dû gagner, comme contre Heretics ou Vitality. Mais ce n’est pas juste de la perf. C’est une addition de petits retards, de dysfonctionnements qu’on n’a pas su résoudre ».
L’un des points de rupture concerne les rôles au sein de l’équipe. Pour la première fois, Nuc s’est vu demander d’endosser le costume de capitaine : « Ce n’est pas dans ma nature. J’ai toujours été dans des équipes où quelqu’un prenait ça naturellement. Mais là, on était cinq mecs, et personne n’était sur la même page ». Il a dû apprendre à composer avec un leadership non choisi, et souvent pesant : « Je mettais mon niveau individuel de côté pour penser collectif. C’est dur, parce que quand tu te sacrifies et que l’équipe n’avance pas, ça te retombe dessus ».
Une fatigue physique et mentale
L’un des tournants du split s’est produit après la défaite contre Heretics. L’équipe décide alors d’enchaîner les longues journées de scrims. « On a fait 11h-minuit pendant plusieurs jours. J’ai senti que mon bras ne suivait plus ». Le diagnostic est sans gravité structurelle, mais l’impact est concret : « C’était comme si mon cerveau voulait faire une action, mais que le bras ne répondait plus ». Privé d’une partie des entraînements, Nuc a même laissé sa place en scrim à Toaster, l’un des remplaçants, pendant quelques jours. Mais il n’a jamais envisagé de ne pas jouer les matchs officiels : « Si je ne joue pas, on perd à 100 %. Je le savais, et je pense que tout le monde le savait ».
La blessure physique cache aussi une fatigue plus profonde. « Ce n’était pas juste le bras. J’étais vidé mentalement. Même en 2021 ou 2022, ce n’était pas aussi dur. Et à l’époque, j’étais en galère. Là, j’ai tout ce qu’il faut autour de moi. Mais quand ça va pas dans une équipe, ça t’épuise ». Il évoque un moment de rupture intérieure : « Tu te lèves un jour et t’as plus envie. C’est là que je me suis dit : ok, faut que je coupe. Je suis allé marcher seul, sans téléphone, juste pour respirer ».
Les coulisses d’un groupe qui ne prend pas
Au-delà de son propre rôle, Nuc dresse un constat plus global sur la dynamique interne de l’équipe. Ce n’est pas tant une question de niveau, « tout le monde est bon individuellement », que de cohérence humaine : « On a perdu sur l’humain ce split. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais on n’a jamais vraiment formé un collectif ».
Il avoue aussi ne pas avoir réussi à insuffler la bonne énergie. « J’ai pas su impacter l’environnement comme il fallait. J’ai fait de mon mieux, mais je suis plus dans l’adaptation que dans le lead naturel. Il y a un côté où j’ai accepté que c’est à moi de changer ». Le contraste avec 2023 est flagrant. À l’époque, l’équipe jouait un League of Legends très méthodique, presque scolaire, qui leur avait permis de faire deux finales. En 2025, cette identité semble avoir disparu. « On n’avait plus de base. Pas de cadre commun. Pas de direction claire ».

Une prise de recul nécessaire
Avec l’élimination précoce vient un moment de pause. Nuc affirme avoir besoin de temps pour digérer. « Je vais couper. Pas totalement, mais j’ai besoin d’un vrai break ». Il compte malgré tout garder une routine légère : « Je vais continuer à jouer un peu, mais pas de tryhard. Juste du plaisir ». Il veut aussi éviter la dépression post-saison : « Il ne faut pas que je laisse mon mental s’écrouler. Je dois rester actif ».
Il sait que son rôle de capitaine pourrait revenir dès le Summer : « Il y a de grandes chances que je sois dans la même situation. Donc je dois réfléchir à ce que je peux améliorer, à comment mieux accompagner l’équipe sans m’oublier ». L’un des éléments centraux de cette réflexion porte sur le rapport au jeu lui-même. « J’ai toujours adoré League of Legends. Même aujourd’hui, malgré tout, j’aime y jouer. C’est un jeu qui me passionne encore. Mais je dois trouver un équilibre ». Il cite son plaisir à jouer Annie ou Azir, sa joie simple à réussir un trade bien senti, comme des moteurs encore vivants.
Le regard du midlaner sur le LEC
En fin d’émission, Trayton le pousse à réagir sur ses homologues. Nuc reconnaît que le niveau s’est resserré : « L’année dernière, Caps et Humanoid étaient au-dessus. Cette année, c’est plus homogène ». Il souligne aussi que l’impact d’un midlaner dépend énormément du contexte : « Tu peux être très fort, mais si ton jungler ne te joue pas autour ou que ton support ne bouge pas, t’existes pas ».
Il admet avoir été impressionné par Jojopyun : « Sur les match-ups mêlée, il est très très bon. Moi je suis plus fort sur les match-ups ranged, mais lui il a une capacité à jouer des duels très haut niveau ». Il évoque aussi Vetheo et Humanoid comme solides, et place Caps dans une catégorie spéciale : « Il peut faire une game invisible puis carry l’autre. Il a cette variance ». Enfin, il rend hommage aux coréens, notamment Chovy : « C’est l’apogée de ce que tu peux faire en midlane. Chaque move est parfait ». Et ne cache pas son admiration pour Faker : « C’est le padré. Il gagne quand il faut ».
Résilience et lucidité
Ce long entretien avec Nuc offre une rare plongée dans le quotidien d’un joueur de haut niveau confronté à l’échec collectif et à la pression du leadership. Sans détour, sans posture, il évoque son implication, sa fatigue, ses responsabilités et son envie de rebond. Plus que jamais, il se sent lié à son projet, à son équipe, et au jeu. La dernière phrase de l’émission résume son état d’esprit : « Je refuse de perdre ». Pas par ego, mais parce que la victoire, dans son cas, c’est surtout continuer à avancer.
- Lien pratique : le suivi complet du LEC Spring Split 2025