Éliminé dès les playoffs du Summer Split 2025, Solary se retrouve une nouvelle fois au centre d’un débat. Dans une longue intervention, Trayton dresse un premier constat : cap flou, recrutement insuffisant, équilibrage content/perf mal calibrés. Son propos pose la question de la vision et de la culture de la gagne.
Une vision à clarifier, une culture à construire
La sortie de route de Solary relance une interrogation récurrente autour du projet : que veut être le club, et comment y parvenir ? Depuis le 22 janvier 2019, date de son premier match en LFL, l’organisation a disputé 279 rencontres de championnat. Six ans, sept mois et onze jours plus tard, le constat reste inchangé : aucune qualification européenne n’a été obtenue et aucun titre de champion de la LFL n’a été conquis.
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Malgré quelques participations aux playoffs, la structure n’a jamais dépassé le dernier carré et son meilleur classement reste une 4ᵉ place, jamais transformée en tremplin vers les finales. Une régularité dans le ventre mou et des échecs répétés à franchir le cap décisif alimentent la perception d’un projet solide sur le plan communautaire mais fragile sportivement. Le commentaire de Trayton, livré après l’élimination, déroule un fil cohérent. Il évoque le pilotage, la stratégie sportive, l’usage du “content” et la difficulté d’attirer des talents quand les résultats n’y sont pas. L’idée centrale est simple et répétée, presque martelée. Pour lui, « Faut gagner. C’est ça. C’est le point commun. » Entre structures qui performent et projets qui patinent, « le point commun, c’est qu’il faut gagner. »
Gouvernance et cap sportif
Dès l’entame, le cadre est posé. Trayton explique que « c’est très difficile de mener une barque quand il y a plusieurs dirigeants à la tête » et que, dans les faits, « ils ont tous des réactions complètement différentes ». Cette divergence de lignes brouille les priorités. Là où certains veulent miser sur la personnalité et la diffusion, d’autres refusent d’accepter l’idée de jouer le bas de tableau. À ses yeux, la réussite des clubs qui s’installent sur la durée n’est pas d’abord affaire d’audience ou de format ; elle tient à l’obsession du résultat. « Faut savoir si tu veux avoir du live sur ton projet […] de toute façon il faut gagner. »
Le mirage d’un modèle “content & perf” fondé sur des streamers
Sur la tentation d’un modèle à la croisée du divertissement et de la performance, Trayton est catégorique. Il estime que la déclinaison tricolore d’une équipe de streamers compétitive ne tient pas aujourd’hui. « Si tu veux faire une stratégie en France avec Solary, tu es obligé de le faire avec des Français. […] Tu n’as pas actuellement de streamers qui ont le niveau pour gagner la LFL. » L’alternative consisterait à assembler des profils en fin de cycle capables d’animer et de tenir sportivement, mais « c’est très difficile », avec un plafond compétitif assumé. Pour lui, adosser le projet à ce seul levier reviendrait à revivre « ce que tu as fait au début de Solary avec les doubles splits », un scénario qu’il juge « nul » et « qui ne sert à rien ».

Recrutement, timing et image : là où le bât blesse
Le diagnostic sportif pointe un double problème : l’identification et la sécurisation des bons profils au bon moment, puis la capacité à créer un environnement gagnant. « Le vrai problème qu’a eu Solary, c’est qu’ils ont eu trop de problèmes de scouting et je pense qu’ils ont eu un problème de culture d’entreprise où ils ne savent pas trop exactement où aller. » Conséquence directe, « maintenant c’est difficile d’attirer les bons talents ».
Il cite des fenêtres manquées sur des rookies ou des jeunes en progression, reconnaît que « Myrtus c’était une très bonne idée, malheureusement ça n’a pas marché », et insiste sur l’importance de verrouiller « deux profils jeunes français qui sont très forts et à bâtir autour ». Dans son esprit, la bascule d’image est déterminante : tant que subsiste l’étiquette d’« équipe de loser », le cercle vertueux du recrutement restera hors de portée.
Mettre la performance au centre, capitaliser sur le savoir-faire média
Plutôt que d’opposer contenu et sport, il propose d’employer l’avantage comparatif du club pour servir la performance. « Je propose à des joueurs pro de venir chez moi, pas forcément de trop streamer, mais je leur dis : il y aura l’objectif du titre, il y aura le documentaire. Si vous streamez, on va essayer de vous mettre en avant. » L’idée : vendre une trajectoire de carrière, de l’image et des histoires, sans diluer l’exigence sportive. Cela suppose un organe dédié. « Après, il faudrait que Solary ait un vrai pôle performance, un service qui ne s’occupe que de ça. » L’exigence n’est pas théorique ; il revient sur sa propre expérience, où le manque de conditions adéquates nuisait au niveau de jeu. « C’était impossible de se concentrer à ce moment-là. […] Mais derrière, ils ont amélioré parce que je suis allé dans leurs locaux et ça a beaucoup aidé. Donc déjà ça c’est bien, mais c’est juste qu’il faut qu’ils s’engagent sur la performance. »
Un chemin étroit, mais réel
Trayton ne minimise pas les contraintes. Il évoque « des contraintes financières, des contraintes de temps » et la difficulté de redresser la barre après « trop de mauvais choix d’affilée ». Il n’élude pas non plus l’attraction des concurrents sur les meilleurs jeunes, ni l’effet de réputation sur les hésitations des joueurs. Pourtant, il répète qu’une bascule est possible par la performance. « Une fois qu’ils l’ont changée, tout le champ des possibles s’ouvre. »
Un run, une finale, une série accrocheuse pourraient modifier l’atmosphère, ramener le désir, créer cette dynamique que d’autres ont su installer. En attendant, l’impératif demeure. Dans un écosystème sur-concurrentiel, « il faut développer une culture de la gagne », accorder les violons en interne et accepter que la visibilité ne protège de rien sans résultats. « Évidemment il faut continuer League of Legends chez Solary, c’est l’âme du club », mais la trajectoire passe par un recentrage sans ambiguïté : « Faut gagner. »
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