Invitée de l’émission Chatt All, Laure Valée est revenue sans filtre sur les évolutions récentes du LEC. Calendrier surchargé, roadshows, formats successifs, statut des broadcasts et reconnaissance croissante de son rôle d’animatrice : elle partage une vision du circuit européen, entre ambitions de spectacle et réalités structurelles.
Une scène en quête d’équilibre
Depuis plusieurs années, le LEC multiplie les réformes : introduction du format à trois splits, expansion des événements hors studio, collaborations avec des organisateurs externes. Une dynamique que Laure Valée suit de l’intérieur, en tant que figure centrale du broadcast européen. Et si la volonté de « faire évoluer le produit » est légitime selon elle, les effets cumulés commencent à peser, notamment sur les joueurs.
« On arrive dans une phase de saturation », résume-t-elle. « Les gars sont rétamés. Ils ont fait les Worlds, enchaîné avec le First [Red Bull Event], une semaine de repos, et hop, LEC. C’est trop ». Pour Laure, cette densité nuit à la qualité du spectacle. Elle le dit clairement : « Le First, c’était pas un tournoi nécessaire. Il y a un moment où faut faire des choix ». Même constat du côté des formats : « Trois splits et trois formats différents, je trouve ça vraiment trop chelou. […] T’as à peine le temps de comprendre un truc qu’il faut déjà passer à autre chose. Moi j’aimais bien ce qu’on avait à l’ancienne ».
Le Roadshow comme vecteur d’émotion
Dans ce contexte dense, les roadshows s’imposent comme une exception bienvenue. Celui de Madrid a marqué les esprits, notamment par son ambiance électrique — malgré une organisation technique parfois chaotique. Laure en garde un souvenir puissant : « Même si c’était le bordel, c’était vachement cool. L’ambiance était folle. Les mecs dans le public chantaient les drafts, les chants allaient de table en table, t’avais envie d’y être ».
Elle souligne aussi l’intérêt de sortir du studio berlinois pour créer de nouveaux liens avec le public : « Le studio, ça devient routinier. Les Roadshows, c’est un bol d’air. Pour les joueurs, pour les casters, pour nous tous ». Mais elle reste lucide sur les limites logistiques : « Quand Riot n’est pas aux manettes directes de la prod, t’as plus d’imprévus. On a eu pas mal de galères à Madrid, des micros qui plantent, des retards. Mais au fond, c’est pas grave. Parce que le but, c’est de créer un moment ». Et de conclure : « Il y a un moment, c’est un produit de divertissement. Faut mettre le compétitif au service du divertissement de temps en temps ».
Humaniser les joueurs sans les exposer
Un autre axe fort du discours de Laure porte sur la relation entre les joueurs et le public. Elle milite pour un broadcast qui donne davantage la parole aux joueurs, même après défaite. « Tu ne peux pas créer du lien si on ne montre que les victoires. C’est dans l’échec que tu comprends qui est qui. C’est là que tu t’attaches ».
Mais cette exposition se fait toujours dans le respect du consentement : « Jamais de couteau sous la gorge. On demande toujours si le joueur est OK pour passer après une défaite. Quand BB s’est effondré au MSI, on a annulé direct. On ne force jamais ». Elle défend l’idée de créer des séquences plus vivantes, plus humaines, dans un circuit où l’image des joueurs reste souvent formatée : « Ils ont tous une personnalité. Faut leur laisser l’espace de l’exprimer. Pas juste les mettre en conf’ après un match et espérer que ça prenne ».

Un rôle de plus en plus central
Côté personnel, Laure revient aussi sur sa propre trajectoire au sein de Riot. Si elle a longtemps alterné entre LFL, LEC et événements internationaux, elle s’est vue confier ces dernières années des rôles de plus en plus exposés, jusqu’à hoster des shows entiers : « Le LCK First, c’était la première fois que je hostais un tournoi de A à Z. J’avais pas de parachute. C’était à moi de tenir le rythme, de cadrer l’émission ». L’un des moments marquants de ce tournoi reste son monologue improvisé en français sur la scène internationale : « J’ai dit à Drakos : ‘Laisse-moi le micro. Je vais interrompre et parler en français. Ils ne vont pas comprendre mais fais-moi confiance.’ J’ai senti qu’on allait perdre le public si on continuait en anglais ».
Cette prise de parole symbolise aussi la place croissante de la scène francophone dans l’écosystème LoL. Et Laure s’amuse du surnom officieux que certains anglo-saxons utilisent : « Ils nous appellent la mafia française. Parce qu’on est partout. Casters, joueurs, équipes, staff… »
L’esprit français au cœur du LEC
Loin d’en faire un complexe, Laure en fait une fierté : « J’en joue de ouf. Je leur dis : ‘De toute façon, on est meilleurs que vous’ ». Elle évoque aussi avec affection les ambiances uniques des événements comme les Worlds 2019 à Paris ou le Roadshow à venir : « Y’a pas mieux que le public français pour foutre le feu ».
Elle estime que cette vitalité française, parfois vue comme envahissante depuis l’extérieur, est en fait une richesse : « On a une vraie communauté, active, fidèle, passionnée. Et ça se ressent dans tout ce qu’on fait, en LFL comme en LEC ». Engagée, profondément attachée à son rôle et à la scène européenne, Laure Valée livre dans cet entretien un regard riche sur les équilibres fragiles du LEC. Entre exigence sportive, contraintes structurelles et nécessité de créer du lien humain, elle incarne un broadcast qui cherche à évoluer sans perdre son âme. À ses yeux, une seule boussole compte : « Ce qu’on fait doit avoir du sens. Pour les joueurs. Pour les fans. Et pour le jeu ».
