Alors que le Winter Split de la LFL devrait se transformer en Winter Invitational avec French Flair et ZYB comme projets d’influenceurs, et que celui du LEC est remodelé en LEC Versus avec Karmine Corp Blue et Los Ratones comme équipes invitées, Zaboutine consacre sa dernière vidéo à ces évolutions. Il y voit un manque de cohérence entre le modèle de ligues fermées, l’arrivée de projets invités et la valeur des slots pour lesquels des structures ont investi depuis des années.

Un Winter Split en LFL Et LEC en pleine recomposition

La réflexion de Zaboutine part d’un double mouvement : les changements annoncés en LFL pour 2026 et l’arrivée de Los Ratones et de Karmine Corp Blue en LEC comme équipes invitées après leurs performances aux EMEA Masters en 2025. Dans sa vidéo, il rappelle que la saison européenne se joue désormais avec des « invités » à plusieurs étages, ce qui modifie en profondeur l’équilibre d’un système pensé à l’origine comme une ligue fermée, un équilibre fragile au sein d'un ecosystème à bout de souffle.

Pour lui, tout part d’un constat général sur l’état du jeu et de son écosystème. Il résume sa vision en expliquant que « le constat que j’ai sur League of Legends, c’est qu’on sent que le jeu est en perte de vitesse et que du coup Riot panique un peu ». Il estime que l’éditeur a « été extrêmement rigide pendant de nombreuses années pour protéger [son] environnement » et qu’il « se met un petit peu à agiter les bras dans tous les sens pour essayer de réveiller l’audience » face à « un produit qui est relativement vieillissant ».

Cette recherche d’audience se traduit, selon lui, par des décisions qui brouillent le cadre posé depuis des années. Il prend l’exemple du LEC, où « il y a l’arrivée de Los Ratones et de la KCB en LEC » et où « ça perturbe forcément l’équité compétitive puisqu’on a une ligue avec deux invités qui ne sont pas soumis aux mêmes contraintes financières ». Il rappelle que ces équipes « n’ont pas dû acheter un slot » et que la KC et la KCB vont même « s’affronter », alors que « ça avait été formellement interdit […] suite à la saison de 2014 où les équipes LCK avaient des structures jumelles ». Dans ce contexte, la LFL et son Winter Split reconfiguré deviennent à ses yeux un prolongement logique des interrogations qui touchent déjà le LEC.

French Flair et ZYB, deux équipes d’influenceurs au cœur du débat

Sur le volet français, Zaboutine revient d’abord sur la nouvelle configuration de la LFL, avec un Winter Split transformé en Winter Invitational à vingt équipes, incluant deux slots réservés à des rosters portés par des créateurs de contenu. Il rappelle que ces places ont été attribuées à deux projets bien identifiés, French Flair emmené par TraYtoN et ZYB mené par Nisqy. Il commence par relativiser l’impact sportif du projet ZYB, qu’il présente comme un roster principalement tourné vers l’animation de la ligue. Il décrit l’équipe en expliquant que « l’équipe Zyb, donc l’équipe de Nisqy, elle est pas vraiment gênante. Hiro, Manaty, Nisqy, Riip, Blue et en coach Kameto. Bon, c’est du gag, globalement ça fait rire tout le monde. Tout le monde va être curieux et à la fin du split, tout le monde va jeter ça à la poubelle. Il n’y aura pas de problème. Je ne pense pas que ça perturbe l’intégrité compétitive de la ligue ».

Il pointe toutefois un premier sujet de fond : la façon dont Nisqy accède à cette place sans passer par les voies habituelles. Il rappelle que « Nisqy, il a pas fait les up and down, il a pas acheté son slot », qu’« il y a des équipes qui ont investi pendant des années, qui ont dû payer des joueurs » et que BDS « a dû donner son slot », quand « Gameward a renoncé parce que ça coûtait trop cher ». Il résume la situation en constatant que « là Nisqy arrive et remplace une des deux équipes sans rien payer », ce qui rompt selon lui avec le fonctionnement classique d’une ligue fermée.

L'équipe French Flair
La formation mise sur pied par Trayton en impressionne plus d'un (c) Trayton

Le débat change d’échelle quand il aborde le cas de French Flair, l’équipe de TraYtoN composée d’Adam, Bwipo, Saken, 3XA et Targamas. Zaboutine insiste d’abord sur le fait qu’il ne vise pas le créateur de contenu ni les joueurs. Il explique qu’il ne peut « pas du tout blâmer Trayton » et que « on lui donne des cartes dans son deck, il a le droit de les jouer », en rappelant qu’« il est pote avec la plupart des joueurs francophones » et qu’il « a envie de lancer un projet ». À partir de là, il décrit comment ce projet se retrouve, sur le papier, au sommet de la hiérarchie sportive de la LFL. Il résume la situation en expliquant que Trayton « se sert dans le pool de joueurs disponibles pour monter une équipe fun qui se retrouve sur le papier être la meilleure équipe de la LFL. Parce que Adam, Bwipo, Saken, 3XA et Targamas, poste pour poste, c’est quasiment le meilleur joueur ». C’est cette combinaison entre statut d’équipe invitée et niveau sportif très élevé qui nourrit l’essentiel de ses inquiétudes.

La question des passes-droits et de la valeur des slots

Au-delà des noms, Zaboutine place le débat sur le terrain économique et structurel. Il oppose la situation de French Flair et de ZYB à celle des structures qui ont payé leur place et qui doivent assumer leurs coûts au quotidien. Il souligne que d’un côté, « on a Esprit Shōnen, BK ROG ou Solary qui doivent dépenser de l’argent pour rester dans une ligue, qui doivent payer des joueurs régulièrement, qui doivent avoir accès à une gaming house » et que de l’autre, « ils ont en face d’eux des joueurs LEC qui en ont clairement rien à faire de jouer en LFL si ce n’est que de toute façon, ils n’ont rien d’autre à faire et que c’est quand même mieux que de streamer ».

Il considère que cette situation « va apporter beaucoup de hype » et que « le viewer va se régaler », mais il pose aussitôt la question des conditions de cette hype. Il s’interroge frontalement en demandant « qu’est-ce que c’est que ce passe-droit ? », et développe l’idée que « une fois que tu as ouvert cette porte, une fois que tu as désacralisé la valeur de tes slots, que ce soit en LEC ou en LFL, comment tu fais pour la refermer cette porte ? ».

Il se projette même sur les saisons suivantes en évoquant l’hypothèse où l’équipe de TraYtoN souhaiterait rester. Il imagine le scénario où, « si Trayton il a envie de garder ses joueurs et dit je veux une place en LFL, tu dis bah non Trayton écoute si jamais tu veux un truc permanent, il va falloir que tu prennes un slot en Div 2 et que tu montes ». Il décrit alors un mécanisme où Trayton « va voir Adam, Bwipo, Saken, 3X, Targamas » en leur demandant « quel salaire vous voulez », les joueurs annonçant « le salaire qu’ils désirent », et conclut que « Trayton devra aligner, ce qu’il ne pourra pas faire », ce qui entraînerait le départ des joueurs et l’explosion du projet. Pour lui, cette situation crée « un esport à deux vitesses ». Il résume l’impasse en expliquant que soit on reste sur « un esport qui est réellement fermé où le droit d’entrée est financier » et qui récompense ceux qui ont investi, soit on bascule dans un système ouvert, mais qu’il est difficile de naviguer entre les deux sans léser ceux qui ont payé leur place.

La phrase la plus forte de sa vidéo intervient lorsqu’il aborde la perspective pour le vainqueur du Winter Split de rester ensuite en LFL. Il indique avoir lu que « le vainqueur de la LFL au Winter Split peut rester en LFL pour le reste de l’année » et estime que « c’est un scandale », car on ne peut pas, selon lui, « faire décemment ce genre de chose sans rembourser les gens qui ont dépensé de l’argent pour faire partie de ton système et qui se retrouvent en compétition déloyale avec des adversaires qui n’ont même pas besoin de payer leurs joueurs ». Il en vient à dire que « factuellement, c’est inadmissible de se retrouver dans cette situation-là ».

Quel modèle pour les ligues de demain ?

La vidéo ne se contente pas de dresser un constat, elle esquisse aussi quelques pistes. Zaboutine rappelle qu’il comprend l’envie de voir naître des projets comme French Flair et qu’il trouve « super que cinq personnes puissent se dire bon, attendez les gars, on peut pas laisser ces joueurs sur le banc, on va tous les mettre dans une équipe et ils vont aller démolir des gens parce qu’ils sont bien meilleurs ». Il distingue clairement cette envie de donner une scène à des joueurs sans équipe du cadre dans lequel ces projets sont insérés. Sur le plan structurel, il plaide pour un modèle intermédiaire. Il indique que, selon lui, « un système beaucoup plus intéressant, ce serait un système semi-ouvert avec des qualifiers open et des équipes qui sont là depuis longtemps, qui ont certains accords commerciaux parce qu’ils ont réussi à se maintenir ». Il défend l’idée de « trouver un système qui soit semi-ouvert voire ouvert » et de « converger doucement vers une porte de sortie » pour les structures qui ont acheté leur slot, plutôt que de modifier brutalement les règles.

Il évoque également la possibilité d’ouvrir davantage les EMEA Masters, en estimant que « peut-être [il faudrait] faire les EMEA Masters en open et laisser les ligues locales fermées », afin de créer plus d’occasions de croiser des projets comme French Flair avec des équipes déjà installées. En toile de fond, il met en garde contre le risque de fragiliser encore davantage une LFL qui « était déjà en perte de vitesse ». Il dit avoir « l’impression que ça n’a pas été réfléchi en amont », que « en aval, ça peut tout faire exploser » et que la ligue française pourrait « se retrouver dans l’état dans lequel elle était en 2017–2018, c’est-à-dire une ligue que personne ne regarde et qui n’intéresse personne ». Il relie ce risque au poids du calendrier, aux BO3 généralisés et au volume de matchs, en rappelant qu’« on a multiplié par au moins deux mais plutôt par 2,3 le volume de game annuel à regarder » dans un contexte où « le produit est vieillissant ». La vidéo se conclut comme un appel à ouvrir le débat. Zaboutine invite à « trouver une solution » et à réagir, tout en annonçant qu’il poursuivra ce type de formats.