Ce n'est une surprise pour personne, le monde du broadcast est actuellement un milieu majoritairement masculin. Essayons donc de comprendre pourquoi.

Devenus phares dans le milieu de l'esport, les métiers de caster et host suscitent aujourd'hui beaucoup de convoitise. Certains rêvent de poser leur voix dans le micro et commenter ou analyser les parties de leurs équipes préférées. D'autres auraient envie d'interroger des joueurs comme Soaz, Ceb ou encore Lilbow au sortir d'un match intense, ou de faire vibrer une foule pendant un événement comme la DreamHack.

Et au final beaucoup d'appelés pour si peu d'élus. Les places sont chères et le travail ne paie pas forcément toujours. Triste réalité qu'il serait bien irresponsable de nier.

Mais s'il y a bien une catégorie de personnes qui manque cruellement à l'appel dans ce milieu, ce sont les femmes. Et aujourd'hui, malgré la complexité de la question, nous allons essayer de vous donner des éléments de réponse.

Introduction : Au commencement, il y avait le tweet

Nous sommes le 28 février quand Célia, aka @seizahime sur Twitter balance le tweet suivant :

De ce tweet partira une discussion avec des réflexions plus ou moins intéressantes mais qui méritent le détour. Après tout, même si les mots choisis peuvent paraître maladroits, on peut se poser la question suivante : pourquoi tant d’hommes au cast dans l’esport ? A première vue, rien ne semble freiner l’arrivée d’une femme dans ce grand milieu qu’est le cast.

Pour y répondre, nous sommes donc allés interviewer cinq femmes qui œuvrent ou ont œuvré au cast à plus ou moins haute échelle : Nox, Bulii, Hajinsun, Sekailove et Elydir. Nous les remercions toutes chaleureusement de bien avoir voulu prendre de leur temps pour répondre à nos questions.

Mais avant de s’atteler à la recherche de causes et du fond de l’affaire, nous tenons à préciser qu'il n'est pas question de faire ici le procès de brocasters ou autres professionnels du milieu. Nous allons plutôt chercher à explorer les causes, généralement systémiques, du problème et essayer de proposer des solutions.

Et maintenant que nous avons mis au clair les bases de cette réflexion posons-nous la première question qui, nous en sommes sûrs, vous brûle les lèvres :

Préambule : Les casters et autres producteurs sont-ils misogynes ?

C’est une question légitime et logique. Mais soyons clairs, nets et précis sur le sujet : c’est un grand NON. La plupart des réponses et des attitudes de la part des commentateurs ou chargés de production l’ont majoritairement démontré : l’agressivité et la haine envers les femmes ne sont pas des attitudes répandues ou majeures dans le milieu. Cela ne veut pas dire qu’elles n’existent pas mais nous ne l’avons pas constaté à notre échelle ou dans les différentes interviews réalisées pour cet article. (Notons que la misogynie est à différencier du sexisme, mais nous reviendrons sur cette autre notion plus tard).

Pour Sekailove le milieu est, au contraire, plutôt favorable à l’arrivée des femmes :

 Je trouve même que c’est plus facile de percer en tant que femme quand on s’y met sérieusement. Parce que les gens cherchent un peu la rareté, à rééquilibrer un peu la branche et à faire venir les femmes. On a cet avantage d’être rares dans le milieu. Du côté professionnel (ceux qui bosseraient avec nous dans le cast, régie…) c’est super bien accueilli.


Sekailove

Elydir, elle, évoque même la bonne volonté d’O’Gaming à ce sujet :

J’en ai déjà discuté avec Pomf. Et, je sais qu’il a fait appel à candidature comme quoi il accueillait aussi bien des hommes que des femmes mais qu’il est prêt à former des femmes, à discuter avec elles, à leur faire faire des tests et à les former comme il aurait formé des hommes. Il a fait un appel sur les réseaux sociaux en disant « Vous êtes une femme. Vous avez envie de caster. Venez nous voir, on va vous former, on va vous accueillir comme on a fait avec les hommes. On sait que vous avez parfois un peu de mal à oser. Là, je vous fais un appel du pied. Venez. » Je pense que c’est une bonne initiative.

Le milieu serait donc prêt à accueillir ces femmes et l’on pourrait donc se dire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Et pourtant la balance est loin d’être à l’équilibre. Dans ce cas, qu’est-ce qui pèche réellement ?

Au fur et à mesure des discussions avec nos interlocutrices, nous avons pu voir se dégager trois axes d’interrogation. Nous évoquerons d’abord les compétences, ensuite le processus de recrutement et enfin nous nous attaquerons à la plus grosse partie : la confiance en soi.

 

Chapitre 1 : Les compétences

Pour exercer un métier comme celui de caster ou host, il faut des compétences (en dehors de la connaissance du jeu). Mais de quoi parle-t-on exactement ?

C’est une branche qui colle assez bien aux hommes parce que ça demande pas mal d’animation, une grande gueule. Et c’est vrai qu’en tant que fille on est plus dans le retrait, dans l’analyse, dans le détail et un peu moins dans l’animation. Alors il y en a certaines, mais elles sont un peu plus rares et elles ne sont pas forcément intéressées par le cast. Et moi c’est vrai qu’en animation j’ai un peu plus de peine. Je trouve que les hommes ont bien plus de facilité là-dedans et sont plus facilement à l’aise. Une fille, si elle fait un peu trop la grande gueule ou autre, elle va être un peu plus jugée que d’autres et elle va être un peu plus trash talk on va dire, de manière générale.
Sekailove

Nous reviendrons plus tard sur la question des critiques reçues par les femmes dans le milieu. Il apparaît toutefois une différence entre la place des hommes et des femmes dans l’espace de discussion. Les hommes auraient donc plus de facilité à s’exprimer publiquement et à animer.

Pour Nox, la question du temps de jeu et de l’éducation à prendre en compte :

J’en avais discuté avec Shaunz lors d’une interview à Ubisoft. Il m’expliquait que, pour les joueuses, à âge égal le temps de jeu est inégal. Les femmes ont en général moins joué. Donc elles ont forcément moins d’expérience et elles sont forcément moins bonnes comme on peut l’entendre très souvent. En fait ce n’est pas que les femmes sont génétiquement plus mauvaises. C’est juste qu’il y a des faits et des circonstances. Elles ont généralement moins de temps pour jouer.

Un tout petit peu avant de rencontrer Shaunz, j’ai rencontré Kayane qui, pour le coup, a commencé à jouer très tôt avec ses frères. Et du coup, à temps de jeu égal avec ses frères, elle était très douée. C’est juste qu’elle a eu le temps de jouer.

Dans l’éducation, je pense, on ne laisse pas assez la place au jeu chez les filles. Elles n’ont pas le temps de jouer plus jeunes. Et on sait tous que l’apprentissage quand on est plus jeune c’est très facile et que s’y mettre plus tard c’est toujours plus dur.

Une arrivée sur un jeu sur le tard est plus compliquée. Les femmes ont généralement moins de temps à allouer au jeu qu’un homme. Intrinsèquement, ce n’est pas forcément quelque chose de volontaire. Les femmes jouent probablement moins (y a toujours des exceptions). Mais du coup même si elles s’y intéressent, soit elles n’ont pas eu l’occasion de s’y intéresser trop, soit elles s’y sont intéressées plus tard (ce qui est mon cas).

J’ai commencé à m’intéresser aux jeux très jeune, mais c’était un truc de garçon, donc je n’avais pas le droit de jouer. Ou alors ma mère considérait que je n’avais pas besoin de jouer.

Quand j’ai demandé une console, je n’en ai jamais eu. Mes frères ont demandé des consoles, on en a eu deux. Et j’ai eu droit à un jeu que j’ai reçu dans une boîte cassée, c’était horrible. C’était mon tout premier jeu et ma mère m’a dit « Oui mais ça coûtait cher », du coup moi j’avais eu une boîte cassée et pas mes frères. Mes frères avaient eu plein de jeux. J’avais vraiment le seum. Et le jeu était sur la console de mes frères, du coup mes frères étaient prioritaires pour jouer dessus.

Ma mère nie ce fait à l’heure actuelle. Je pense qu’elle ne s’est juste jamais rendue compte de ce qui s’était passé. Parce que dans l’éducation que nos parents ont reçue c’est quelque chose dont on ne se rend pas compte.

On ne remet pas forcément ça en question parce que c’est quelque chose qu’on pose très jeune et auquel on est habitué. C’est comme dire bonjour, au revoir, merci. Ce sont des choses qui rentrent dans nos têtes et que l’on ne remet pas en question parce qu’on les a apprises comme ça.

Et le fait est que moi j’ai pu commencer à m’y intéresser et jouer très tard. En effet j’ai commencé à jouer quand j’ai acheté mon premier PC (j’avais 17-18 ans) alors que je m’intéressais aux jeux depuis gamine. Donc je pense que je ne suis probablement pas la seule dans ce cas-là à avoir pu s’y intéresser plus tard ou avoir pu y consacrer du temps plus tard. Je pense que ça joue sur le niveau. Et au final, quand tu veux commenter faut un certain niveau de jeu, faut une certaine connaissance de jeu.

OK, nous avons donc vu que ce sont des métiers qui conviennent plutôt aux personnes extraverties et qui ont un certain intérêt pour les jeux. Surtout quand elles ont développé cet intérêt depuis l’enfance. Nous avons également demandé à Bulii si, pour elle, un background journalistique est nécessaire pour être host :

Ce n’est pas nécessaire mais c’est un plus. Je pense que si les gens m’ont fait confiance c’est parce que j’ai fait des études de journalisme et qu’ils savaient que si on me met sur un reportage je suis capable de le faire parce que j’ai appris à le faire. Donc comme tous les métiers de l’esport je pense que les études sont un plus. Elles ne sont pas forcément nécessaires, quoi qu’elles le deviennent. Mais en journalisme, c’est le genre de métier que tu peux apprendre sur le tas. Et aujourd’hui, parmi les journalistes, combien sont vraiment détenteurs de leur carte de presse ? Tu n’en as pratiquement pas. Donc ce n’est pas un prérequis.

 

Chapitre 2 : Le recrutement

Cooptation ou recrutement ouvert

Un autre point qu’il nous semblait important de soulever était la question du recrutement. Parce que, ne nous le cachons pas, l’esport est un monde qui évolue beaucoup dans l’entre soi et les recrutements se font souvent via cooptation. Mais l'ouverture a permis, par exemple, de recruter Cora "Songbird" Georgiou en tant que commentatrice pour le circuit international HearthStone.

Nous souhaitions donc questionner cette méthode afin de savoir si, selon nos interlocutrices, le processus de recrutement influait sur la présence de femmes dans le milieu. Notre question était : Est-ce que, à ton avis, les recrutements ouverts (à tous, contrairement à la cooptation) pourraient aider à amener plus de femmes dans le cast ?

Sekailove : « Personnellement je trouve le recrutement déjà ouvert, de base. Je n’ai pas eu de frein au niveau du recrutement, comme j’ai dit précédemment. Les homologues ou les gens qui font la même chose que nous ou qui cherchent des gens (hommes ou femmes), casters… Je ne me suis jamais sentie jugée par rapport à mon sexe dans un recrutement ou un truc comme ça. Je n’ai jamais été freinée pour quoi que ce soit. Et même j’ai été super bien accueillie en général parce que, justement, ils veulent mixer le milieu. »

Hajinsun : « Moi quand j’ai commencé en 2015, c’était une offre qu’ils avaient mise sur le forum Riot, et j’ai répondu à l’appel. Et c’est là que j’ai pris l’initiative d’aller parler aux gens d’O’Gaming. A la base j’avais aucunement à travailler avec ces gens-là. Pour moi, le plus important c’est que si t’as envie de travailler là-dedans, il faut que tu sois le premier à bouger et à faire le premier pas. Si t’as envie, il faut que tu trouves un moyen et tu vas y arriver. »

Nox : « Je pense que sur le long terme, oui. […] Oui sûrement parce que peut-être elles vont se sentir plus libre de le faire. Ça ne va peut-être pas forcément aboutir, mais peut-être que niveau candidature, il y en aura plus. Dans ce cas c’est une question de compétences et on est sur un pied d’égalité. Si t’es moins bon qu’un autre, il ne faut pas se victimiser en se disant « C’est parce que je suis une femme que je n’ai pas été prise. » Je ne crois pas non plus trop à ça. Je pense qu’il y a des inégalités et des différences mais je pense qu’il ne faut pas sur-victimiser non plus. Donc oui, sûrement. Ça laissera sûrement la possibilité à des femmes de tester, et de se lancer, et si ça aboutit c’est parce qu’elles le méritaient. Après, en cooptation je pense pas qu’on favorise les hommes tant que ça. J’ose espérer que dans mon entourage s’il y a des hommes qui voient une femme qui mérite un poste tel que celui-là, ils la pousseront à le faire. Faut pas que ce soit du piston non plus. Et que le fait d’être une femme ne soit pas un prétexte. »

Bulii : « En fait y a les deux. Y a de la cooptation comme tu dis, moi ça m’a beaucoup aidé. Parce que j’ai eu la bonne opportunité et que j’avais le mail du producteur chez Riot que j’ai pu leur envoyer un mail. Je n’ai pas eu à passer par tous ces entretiens-là. Mais honnêtement je suis un cas isolé chez Riot en tant que freelancer. La plupart des casters et casteuses ont été recrutés par des entretiens classiques. Tout le monde parle des entretiens Riot qui sont pires que des partiels parce que tu passes 10 entretiens, ensuite tu vas à Los Angeles pour une espèce de stage mais tu n’es pas sûr d’être encore là. C’est un processus de recrutement qui est absolument faramineux. J’ai l’impression que dans la plupart des esports affranchis on passe par ce processus de recrutement. Et on a tendance à prioriser des personnes qui ont un background dans la science des médias (journalistique ou broadcast) Ou alors des gens qui connaissent très très bien leurs jeux. Donc je n’ai pas l’impression. En France je sais que c’est beaucoup le cas. A l’international j’ai pas l’impression que le copinage soit le maître mot. »

Elydir : « Pour moi oui. Je pense que, mine de rien, ça et l’écriture inclusive dans le fiches de recrutement et les fiches de postes change tout. Parce que, quand on voit une fiche de poste de casteuse par exemple, quand je lis « cherche caster » et pas « casteuse » ou on ne met pas « homme ou femme » dans la fiche, on se sent moins concerné. Parce qu’on lit « caster » on se dit « bah ils ne cherchent pas de casteuse » en fait. Donc si l’entreprise ne manifeste pas l’envie de prendre un homme ou une femme en fonction de leurs compétences, on se dit qu’ils cherchent un homme et que nous, en tant que femme, on se sent encore moins légitime. Déjà qu’à la base on ne se sent pas très légitime, on ne se sent pas concernées en plus pour ce poste. »

Laure "Bulii" Valée
Laure "Bulii" Valée - Photo : Michal Konkol

Discrimination positive

Nous avons également voulu savoir si elles étaient pour la discrimination positive.

Nox : « Ce n’est pas quelque chose que je trouve juste. Il y a un vrai fait que souvent les femmes doivent sur-prouver qu’on est capable de faire quelque chose. Ce n’est pas seulement vrai dans l’esport. C’est vrai aussi au travail, ou dans la société. Mais je ne pense pas que la discrimination positive soit une bonne chose dans le sens où je pense que ça peut, au contraire, creuser des fossés en se disant « elle est là parce qu’elle est une femme » et ils ont besoin d’un quota féminin. Ce n’est pas quelque chose auquel je crois parce que je pense que ça peut mettre certaines personnes dans des situations injustes.

Il est évident que la place de femme pouvant être des modèles vont générer des envies et des motivations chez d’autres femmes. C’est évident. Mais je ne pense pas que professionnellement parlant tu peux justifier la place de quelqu’un juste parce que c’est une femme et que t’as besoin de remplir un quota. En fait c’est paradoxal parce que je ne suis pas d’accord avec ça mais en même temps on sait qu’on doit sur-prouver et du coup ça crée un déséquilibre. Je suis un peu le cul entre deux chaises. Moi si ça m’arrivait et qu’on me disait « on t’a prise parce que t’es une femme », je ne me sentirais pas bien. Ça veut dire que tu ne m’as pas prise pour mes compétences. Tu ne penses pas que je puisse faire quelque chose. En tout cas, si ça m’arrivait je ne me sentirais pas très à l’aise sur ce poste-là. »

Elydir : « Non. Parce que mettre une femme ou un homme ou une personne handicapée juste par rapport ce dont on le ou la catégorise, je trouve ça pas bien. Faut qu’on mettre en avant les gens parce qu’ils ont une réelle expertise. Mettre des gens pour mettre des gens pour remplir des quotas je trouve pas ça très agréable. Et ce n’est pas quelque chose que je vais valoriser, ça c’est sûr. Je vais être plus pour mettre en avant les gens pour leur expertise ou leur capacité plutôt que pour son sexe ou son origine sociale.

C’est l’effet néfaste qui me fait peur. Si on prend une femme parce que c’est une femme et que derrière elle n’a pas l’expertise ou les compétences nécessaire. Ça va desservir la cause. Donc du coup on va se dire « y a une femme mais ça craint parce qu’elle est nulle, du coup toutes les femmes sont nulles » donc on va être encore moins mises en avant. Les gens font des raccourcis faciles.

Et je préfère mettre en avant des femmes parce qu’elles sont compétentes mais qu’il y en ait un peu moins. Pour qu’on fasse moins du quantitatif que du qualitatif.

Les femmes aux postes actuels, ce n’est pas parce qu’elles ont des compétences et non parce qu’elles sont des femmes. Laure, si elle est là où elle en est c’est parce qu’elle a travaillé. Ce sont des femmes comme ça qui feront changer les mentalités, qui feront avancer et qui donneront envie aux filles de demain d’aller plus loin. »

 

Chapitre 3 : La confiance en soi et la motivation

Motivation

Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer ?

Nox : « Je trouvais ça vraiment trop cool en fait. Comme je disais je me suis intéressé sur le tard. Le premier vrai événement que j’ai regardé c’est la finale de League of Legends, des Worlds en 2015. C’est récent mine de rien. Et en fait j’ai trouvé ça stylé, j’ai commencé à m’intéresser aux compétitions, un peu plus par curiosité. Parce que je suis une compétitrice dans l’âme.

Quand je faisais du sport gamine, j’aimais faire de la compétition. C’était quelque chose que je tenais de mon père et de mes frères. Naturellement, je me suis dirigée vers ça pour m’y intéresser. Et en fait plus tard, quand j’ai fait les Worlds 2016, j’ai fait « c’est ultra stylé ce qu’on peut faire». C’était pas encore une idée de commenter. J’ai très vite réalisé que j’étais très nulle sur le jeu, mécaniquement parlant. On va pas se leurrer. Mais je m’y intéressais vachement. Toujours branchée sur les items, sur les patchs, Naturellement c’était quelque chose qui me rendait curieuse. Je voyais bien que ça influait sur le jeu compétitivement parlant.

Donc naturellement je m’y suis penchée et un jour, sur un coup de tête, j’ai tout envoyé valser de ma vie à Paris.Et dans la même période j’ai fait la Paris Games Week. Ca a été l’élément déclencheur. J’étais photographe. J’ai rencontré plein de gens, dont Trinity ou une femme très haut placée chez Bethesda. On discutait de ça justement. Et à un moment je sors « moi ce qui me ferait kiffer, c’est de commenter. » Je l’avais réalisé pas longtemps avant en discutant avec mes nouvelles rencontres. Et je l’ai dit pendant cette conversation.Et y avait cette femme en face de moi, et une amie. Et elles m’ont regardé « Qu’est-ce que tu attends ? Qu’est-ce qui t’en empêche concrètement ? » Et c’est vrai. Qu’est-ce qui m’en empêchait ? Rien.

 Je pense qu’on se met inconsciemment des barrières qui, une fois qu’on a réalisé qu’elles n’existaient pas, sont faciles à faire tomber. La PGW c’était fin octobre/début novembre. J’ai fini mon stage quand j’étais sur Paris. Je me suis retrouvée au chômage. Du coup j’ai try hard le jeu à ce moment-là mais pas try hard mécaniquement parlant, je suivais déjà beaucoup les compétitions. A ce moment-là j’ai vraiment fait que ça. J’ai dit « c’est ce qui m’intéresse ». Rien ne m’en empêchait.

Je me suis mise à fond là-dessus, je regardais toutes les compétitions. J’essayais de comprendre les équipes. Je découvrais plein de choses en même temps. Je suis tombée sur une annonce d’une association, avec une webtv qui cherchait des commentateurs. J’ai fait « allons-y ». Rien ne m’en empêchait. J’ai répondu et j’ai été reçue favorablement. C’est sur PCS TV (projet conqueror) où j’ai commencé à commenter du LoL. J’ai réalisé que c’était ce qui me faisait le plus kiffer sur Terre.

Je m’éclatais vraiment fondamentalement. Je passais des nuits blanches à étudier les patchs que je n’avais pas pu voir… Pendant que j’étais au bureau, sur mon téléphone, j’avais les matchs en fond. Je continue de m’investir beaucoup d’ailleurs. C’est juste que c’est ce qui me fait le plus kiffer. Ca fait un peu plus d’un an que je caste. J’étais chez PCS et pour des raisons internes, je suis partie. Et depuis j’ai rencontré du monde lié à ça. »

Hajinsun : « J’ai commencé à jouer à LoL (c’est mon premier jeu). J’ai aussi joué à Dota 1 mais mon premier jeu c’est vraiment League of Legends. J’ai commencé à jouer en 2012-2013. Au début je faisais que jouer. Et puis j’ai commencé à regarder la scène pro sur le portail millenium à l’époque en 2014. Et en 2015 c’est là que j’ai découvert l’esport avec la DreamHack Tours. J’y suis allée parce que j’avais des amis à Tours. Je n’ai pas participé aux LAN mais j’étais là en tant que spectatrice. J’ai vraiment trouvé ça génial. Mais le vrai premier événement qui a été le hook c’est les Worlds 2015. Le group stage s’est passé à Paris et j’ai travaillé en tant que traductrice pour Riot. Ce n’était pas traductrice sur scène mais plus pour le staff. A l’époque y avait le documentaire qui s’appelait Legends Rising qui était filmé et ils suivaient Faker. Ils m’ont pris pour les accompagner sur les 4 jours qui se passaient à Paris. C’est là que j’ai découvert l’esport, que j’ai trouvé ça génial et que je me suis dit que je voulais bosser là-dedans.

 Le premier joueur que j’ai interviewé dans ma vie c’est Faker. »


Hajinsun - Photo : O'Gaming TV

Elydir : « En fait ça m’intéressait, parce que je regarde énormément de streams, énormément de compétitions et je vois que des hommes. Y a quelques femmes comme Frosk, aux LEC. Mais on en voit quand même peu au niveau en-dessous. Chez O’Gaming y en a très peu. Et nous on nous demande pas mal « Est-ce que vous avez des casteuses ? » pour nos événements et on a une liste qui est assez réduite. Je me suis dit « Après tout pourquoi je sauterais pas sur cette occasion pour, moi-même essayer ? Et si ça me plaît, pourquoi pas me lancer et, dans mes rêves les plus fous, devenir une figure inspirante sur le cast

Je me sens très bien et je m’amuse. Et je pense que c’est la base du cast. Au départ faut s’amuser. Et transmettre ce sentiment d’amusement au public c’est très important. Moi ça m’a bien plu.  »

Peur de se lancer et critiques

Comment perçoit-on les critiques et retours de la communauté quand on est une femme dans ce milieu ?

Sekailove : « On a un avantage mais en même temps on a un désavantage de devoir faire plus attention à ce qu’on dit ou ce qu’on fait pour éviter de devoir se ramasser des remarques du genre « t’as sucé qui pour monter là ? ». Automatiquement on va avoir ce genre de remarque quand on va commencer à monter, à grader et c’est inévitable mais bon. Heureusement cette minorité ne représente pas la communauté entière. Mais elle est inévitable.

La communauté va nous juger beaucoup plus et être beaucoup plus sévère avec nous si on fait des fautes ou qu’on dit des choses un petit peu fausses donc ça peut freiner je pense si on prend trop en compte les commentaires qu’on peut lire dans un chat. C’est pour ça que moi, en général, les commentaires je vais pas trop les lire quand je cast. Ou alors je vais les lire entre deux games. Et je vais flouter psychologiquement ceux qui me dérangent.

Ça se rapproche indirectement des gameuses dans l’esport qui ramassent tellement cher pour continuer qu’au final elles s’arrêtent rapidement parce que psychologiquement elles ne peuvent pas aller plus loin.

Un autre truc qui peut freiner une femme dans le cast : l’expérience. Certaines vont se jeter dedans, direct taper à la porte des grosses structures pour le cast sans avoir spécialement accumulé d’expérience de leur côté. Et elles vont arriver et seront peut-être un peu hésitantes, fragiles, pas trop sûres d’elles. Elles auront peut-être des problèmes d’analyse, elles ne connaitront pas assez le jeu. Du coup ça va générer des commentaires négatifs ou des réactions négatives sur les réseaux sociaux sur les réseaux sociaux ou sur les chats et ça peut engendrer ça. C’est vrai que le fait de ne pas avoir l’expérience derrière fait qu’on n’a pas forcément le respect. Parce qu’on sort de nulle part. C’est peut-être l’effet qui peut être un peu négatif pour une femme. »

Hajinsun : « On va peut-être être un peu plus jugée au début parce qu’il y a des gens qui vont se dire « ah mais t’es une fille, qu’est-ce que tu connais du gaming ? » mais il faut faire ses preuves. Ca peut être fatigant. Les femmes peuvent être plus sujet à être critiquées plus facilement. Et on va être plus jugée sur notre physique par rapport à un homme. Mais c’est pas que dans le milieu de l’esport je pense. Dans le milieu du sport traditionnel c’est la même chose. A la télé c’est la même chose. Ce sont des mentalités qui sont en train de changer. Mais on va avoir besoin de temps pour que ça change.

Je pense que ça dépend. Personnellement on m’a jamais dit « Ah mais t’es une fille. Qu’est-ce que tu connais de StarCraft ? ». Du coup c’est vraiment au cas par cas et ça dépend de la communauté. Et c’est vrai que la communauté LoL, elle est très jeune et toxique par rapport à la communauté StarCraft.

J’estime que j’ai vraiment eu de la chance.  »

Elydir : « A partir du moment où on se met en avant sur Internet, qu’on voit notre physique, qu’on soit homme ou femme, on va forcément se prendre des remarques. On va forcément être catégorisé parce que l’anonymat fait que les gens peuvent se permettre plein de choses. Et je suis pas à la place des gens mais y a tellement de gens qui aimeraient se lancer et qui n’osent pas parce qu’ils veulent se protéger et qu’ils ont peur, que ça en pourrit le système. J’en parlais avec Gloponus hier d’ailleurs. Je lui disais « est-ce que toi tu rencontres de la toxicité ? ». Il m’a dit « bien sûr, tout le temps » donc ce n’est pas une question d’homme ou de femme. C’est une question d’anonymat sur Internet et d’éducation des viewers, des gens sur Internet qui vont commenter et se permettre d’aller trop loin dans le possible et dans ce qui existe, qu’on peut réceptionner en tant qu’humain.

Faut avouer que j’évite de lire le chat. Je n’ai pas envie et je me dis que si les gens veulent me transmettre des avis constructifs, ils le feront via mon twitter. J’ai eu que des gens bienveillants qui m’ont donné ma chance, qui m’ont appris. Et j’espère que ça va continuer. »


Elydir - Photo : Alex Carreté

Conseil pour se lancer

Qu’est-ce que tu donnerais comme conseil aux femmes qui veulent se lancer ?

Sekailove : « Dernièrement j’ai été contactée par des filles suisses et françaises qui m’ont demandé des conseils. Elles sont déjà coach ou manager d’équipe de leur côté. Les conseils que je donne ce sont ceux que j’ai appliqué de mon côté au début. Je me suis penchée sur deux-trois équipes que je connaissais déjà ou que j’ai pioché dans des Discord. J’ai demandé si c’était possible de spectate leurs scrims et en échange je vous donne volontiers la VOD (que je mettais sur Youtube en non-répertorié). Et sur leurs scrims je castais. Ensuite je demandais simplement un retour sur le cast.

C’est ce que je faisais sur des petites équipes, des grosses équipes. Et après je redonnais les VOD. Eux ça leur plaisait parce qu’ils voyaient ce qu’ils avaient fait. Et moi j’avais un retour des équipes qui me disaient ce qu’il fallait que j’améliore dans le cast, qu’est-ce que j’avais dit de bien, de moins bien, qu’est-ce que j’aurais pu faire de plus. J’ai fait ça pendant 6 mois. Ensuite je me suis lancée sur des tournois et des LANs. Ça m’a permis d’acquérir un peu plus d’assurance parce que je faisais du solo cast. Je devais faire attention à tout, éviter les silences… Bref, débuter en solo cast sur des petites équipes ou des grosses. Avoir le culot d’aller les chercher et dire « voilà je m’entraîne ». Après, beaucoup regarder des tournois, des compétitions, qui sont castés dans la langue qu’on aimerait exécuter. Et s’inspirer, écouter un petit peu ce qui se dit. Voir un petit peu à quel moment c’est intéressant de dire ça ou ça. C’est la base mais c’est ce qui me semble le plus juste à faire pour acquérir de la bouteille et de l’assurance.

Dès qu’on se lance dans un truc, faut pas s’arrêter à cause des commentaires. Typiquement, moi j’ai lâché parce que niveau gaming et esport j’avais un blocage pour mon niveau de jeu. Mais niveau cast le blocage est beaucoup moins important puisque c’est de la parole. Faut juste ignorer les gens, un peu comme quand on streame. C’est un conseil que je donne : streamez. Faut streamer de son côté. Quand on se sent, pourquoi pas faire des casts de scrims en live et inviter la communauté à interagir directement et apprendre à mettre de côté les commentaires inutiles et avancer avec les constructifs. »

Hajinsun : « Le plus important c’est d’être proactif, d’aller vers les gens, de se faire connaître. Et vraiment ne pas avoir peur. Faut se faire confiance et s’entourer de personnes qui te font confiance et qui savent te critiquer et te donner les bons conseils. »

Bulii : « Qu’elles n’aient pas peur d’être ridicules. Parce que, moi, c’est ce qui m’a bloquée en premier lieu. Je regardais les LCS. Je regardais Sjokz et les autres. Et quand je m’entraînais dans ma chambre (je voulais être caster à la base), j’avais honte d’envoyer ma démo à O’Gaming ou des gens comme ça. Je pense que beaucoup de femmes n’osent pas, de peur d’être ridicules parce que tu sais que tu vas être jugée. Tu sais que tu vas avoir Twitch derrière qui va complètement t’aligner. Mais c’est pas grave en fait. Si tu fais de l’esport, tu le fais pour toi. Tu le fais pas forcément pour le regard des autres. La passion que t’as envie de donner aux fans d’esport. Juste, ne pas avoir peur de se planter. De toute façon, même si t’as l’impression d’être prêt, tu regardes tes vidéos 5 ans plus tard, tu te rends compte que t’étais nul. Juste osez. »

Les « role models »

As-tu des « role-models », des personnes qui t’inspirent par rapport à ce que tu fais ?

Sekailove : « Je ne connais personne dans le cast. En général je vais me référencer par rapport à des casters de ma branche (Overwatch). Je vais me baser sur des Adyboo ou Lutti que j’ai d’ailleurs rencontré au Meltdown Genève lors de l’ouverture. J’ai pu discuter avec lui. Je lui ai demandé des conseils. Il m’a dit « Fonce, on cherche des filles pour l’Overwatch League, quand t’auras pris de la bouteille, tu seras accueillie à bras ouverts ». Du coup j’ai un peu cet objectif en tête, caché parce que j’ai aussi ma vie professionnelle à coté et actuellement ce que je fais n’est pas rémunéré. C’est « pur passion ». Ça peut aussi être un frein d’ailleurs pour une femme (comme pour un homme). J’ai plus des références masculines parce que je me penche sur Overwatch et du cast féminin je n’en ai presque jamais vu. Je n’ai même pas forcément retenu.

Une qui s’est penchée sur le cast sur CS:GO et que j’adore c’est Miss Harvey. Elle fait partie de mes grandes références féminines parce que, justement, elle a fait beaucoup de choses pour la cause. Que ce soit au niveau de l’esport, au niveau du gaming, au niveau de plein de choses et elle est très active niveau associatif. »

Hajinsun : « Susie Kim au départ, pour ce qu’elle représente. C’est un peu la maman de l’esport coréen. Sinon Smix, ça fait des années qu’elle travaille sur du SC2, maintenant elle fait aussi du Counter-Strike et je l’aime beaucoup. Sjokz aussi, je trouve qu’elle a une grande énergie sur scène. Elle arrive à s’imposer. Pour le desk host j’ai beaucoup regardé de vidéos de Kaelaris. »

Nox : « Non, pas tellement. Parce que j’ai toujours fait mon petit bonhomme de chemin. Après, plus tard, quand j’ai découvert qui était Laure, j’ai trouvé que c’était hyper cool ce qu’elle faisait et qu’elle méritait d’être prise en image. Parce que je trouve ça incroyable ce qu’elle fait. J’aime beaucoup ses interviews et c’est une des rares femmes emblématiques en France que je vois. Plus tard, je me suis dit qu’elle aurait pu être un modèle. Parce que si je pouvais arriver à son niveau mais en tant que cast, ce serait ultra stylé. »

Bulii : « Oui, bien sûr. Des personnes comme Smix, Soe, Sjokz évidemment qui est un très très grand exemple pour moi, qui m’a beaucoup aidé. Elle me donne énormément de conseils. Elle m’a pris sous son aile quand je suis arrivée. Je pense que c’est ça qui est essentiel. Avoir des « role-models », des personnes qui sont dans le milieu et qui ont réussi justement. Parce que moi c’est ce qui m’a motivé, en tant que joueuse, à vouloir aller plus loin. Et aujourd’hui dans le broadcast on voit de plus en plus de filles. Y a moi qui suis arrivée, y a Ovilee qui est arrivée, y a Riku en Asie. Je parle essentiellement de League of Legends parce que c’est le jeu qui me touche le plus mais j’imagine que sur d’autres scènes esportives y a de plus en plus de présence féminine en broadcast et c’est par le biais de personnalités fortes qui sont motivantes que je pense qu’on en aura de plus en plus.

Je m’inspire beaucoup des femmes que j’ai citées mais également de Darren tulett sur BeIN. C’est un anglais qui est venu en France et qui fait son travail en français et moi ça me parle énormément pour une française qui veut faire son travail en anglais. En tant que journaliste, je m’inspire beaucoup du sport.»

Elydir : « Frosk sur le cast, en host y a Laure et Sjokz. Je suis très League of Legends. Après y a des role-models masculins qui m’inspirent aussi, par exemple mon dieu tout puissant dans le cast c’est quickshot mais y en a aussi des très bons comme gloponus. Je le trouve très inspirant dans ce qu’il fait. Il a tout donc il m’inspire aussi.

Pour moi, les role-models ne t’inspirent pas parce que physiquement ils sont bien mais ils m’inspirent parce qu’ils ont un réel talent, une expertise dans ce qu’ils font et je les juge pas du tout physiquement. Je m’en fous que ce soit un homme, une femme, grand, petit, jeune… Je m’en fiche à parti du moment où ils font quelque chose qui est inspirant pour moi c’est un role-model. »

Metoo et le harcèlement

As-tu vu des changements depuis #metoo ?

Sekailove : « Pas dans le milieu du cast. Dans le milieu de l’esport et du gaming, oui énormément. Du stream aussi. Mais le cast, je ne sais pas. Personnellement je ne l’ai pas spécialement observé. Je cast, je fais ma soirée, tournoi, lan… Mais il n’y a rien de spécial qui tourne autour. Peut-être parce que je suis déjà bien implantée sur la scène suisse ou sur LCO et du coup il n’y a pas de souci. Peut-être que si je venais d’arriver ce serait différent. Mais mon expérience fait que les gens respectent un peu mon travail. »

Hajinsun : « Je pense que les clichés persistent. Quand tu vois que les analyst desks, les casters c’est des hommes et que tu vois des femmes que sur les interviews, y a des gens qui vont dire « elles sont là juste parce qu’elles sont jolies ». « Elles ne connaissent même pas le jeu. » « Elles ne savent pas de quoi elles parlent ». Y a toujours des gens qui vont dire ça. Mais dans la société actuelle, je pense que tout le monde fait plus attention à ce qu’il dit.  C’est en train de changer petit à petit. »

Nox : « Une anecdote qui n’en est pas une, moi aussi j’ai subi des comportements en LAN, ça m’est arrivé. Je fais de la photo en LAN. Et ça m’est arrivé de faire face à des comportements pas règlementaires, voire carrément dégueulasses. Le fait est que, comme je t’ai parlé des femmes dans le cinéma. Les premières femmes qu’on va voir émerger seront celles qui auront une certaine force de caractère. Je ne m’avance pas trop quand je dis que Laure a un certain caractère. Elle a su s’affirmer et avancer. Celles qui oseront rentrer dans le lard des mecs qui ont pu avoir ce genre de comportement avec elles et qui auront osé s’affirmer en tant que telles et ne pas se laisser marcher dessus. Il est possible qu’il y ait des femmes qui n’osent pas se lancer à cause de ce genre de chose. C’est le cas dans d’autres situations donc je ne vois pas pourquoi ce serait pas dans le jeu vidéo en fait. L’esport est un monde assez spécial, mais ça n’échappe pas à certaines règles plus générales. Et si ça arrive ailleurs, ça arrive forcément dans l’esport. Ce n’est pas ma force de caractère. Mais je pense que ça arrive. Et ça doit en freiner certaines, casteuses ou joueuses d’ailleurs.  »

Bulii : « Ca se fait petit à petit et je pense déjà qu’il y a un gros écart entre ce qu’on pouvait voir y a 3 ou 4 ans et ce qu’on peut voir aujourd’hui. Y a déjà plus de femmes qui sont présentes aujourd’hui. On ne peut pas parler d’effet boule de neige parce que les choses se font très lentement. Mais y a une évolution. Y a plus de femmes, que ce soit en broadcast, en production… Pour moi le seul secteur qui pèche, c’est les joueurs. Y a très très peu de joueuses. Mais après, tu parlais de metoo, je pense que le harcèlement est encore un gros problème encore aujourd’hui. Et j’espère que la sensibilisation qui est en marche dans tous les secteurs (pas seulement vidéoludique) portera ses fruits.Le fait de débrider les langues est une très bonne chose mais, d'un côté, j'ai aussi peur que ça puisse freiner certaines personnes qui se disent "je n’ai pas envie de vivre ça, je vais rester loin de ce milieu" parce qu’elles auraient pu entendre des choses. Donc j’espère que ces témoignages seront bien pris en compte et que ces entreprises fassent en sorte que ce genre de chose cesse et que ça ne se produise plus.

Moi honnêtement je n’ai jamais eu de problème, j’ai toujours été bien accueillie. Et honnêtement si j’avais un truc à dire je le dirais parce que je suis freelancer et qu’ils ne me tiennent pas par le collier. Après c’est pareil que partout en entreprise. Tu vas tomber sur une personne qui va être un peu désagréable, elle va te faire une petite réflexion de travers, ce n’est pas propre au milieu du jeu vidéo ni propre à Riot selon moi. J’ai eu globalement une expérience très positive depuis que j’ai commencé dans l’esport donc ça m’a surpris d’entendre certaines choses. »

 

Conclusion

Le milieu du broadcast est donc en pleine évolution. Et nul ne sait où il en sera d’ici 5 ans. Si la photo que nous prenons aujourd’hui en 2019 fait état d’une majorité d’hommes sur les postes les plus en vue, l'évolution est en marche. Comme nous l’avons vu, il y a des femmes prêtes à s’investir et partir de zéro, et des hommes prêts à les y aider.

Bien sûr, il faudra peut-être encore du temps avant que les mentalités changent et qu’il soit aussi normal de voir des hommes comme des femmes à tous les niveaux.

Merci encore une fois à Sekailove, Hajinsun, Nox, Bulii et Elydir pour leur gentillesse et leur disponibilité. N’hésitez pas à les suivre sur Twitter et les soutenir :