Avec la clôture de la 21e édition de la Lyon e-Sport, la rédaction est allée s'entretenir avec Doigby. Nous sommes revenus sur le tournoi Fortnite, qui a vu s'imposer Kyzen et Clément, mais également sur le dispositif mis en place pour suivre en intégralité la compétition.

La 21ème édition de la LES vient de s'achever. Lors du tournoi Fortnite, Kyzen et Clément se sont imposés. Quel est le bilan pour toi de la compétition ?
Elle a été très animée. Une première journée difficile puisqu'il y avait beaucoup de poules. Le format était un peu compliqué à suivre avec peu de joueurs dans les parties, ce qui rendait l'ensemble un peu lent. Je savais qu'on allait un peu souffrir lors de cette première journée. Et, en même temps, c'était le premier jour pour notre dispositif pour qu'également mes équipes se mettent à l'aise. Par contre le deuxième jour, la qualité des games était impressionnante. Je suis juste choqué qu'il n'y ait plus 10 équipes qui survolent la scène. Elles sont 40 à pouvoir se tenir la bourre sur chaque événement. Je n'aimerais peut-être pas être un joueur Fortnite aujourd'hui même si ça rapporte bien. Je pense que dans la tête, tu n'es pas tranquille vu le niveau. Mais en même temps, c'est ça le jeu ! Plus l'éditeur va s'investir, plus il y a des choses à « gagner », plus il y a de concurrents et c'est là que tu ne peux que reconnaître l'excellence. Plus il y a de joueurs, plus le talent va prendre de la place. Et on avait des talents monstrueux. Il manquait quatre, cinq joueurs de la scène francophone parce qu'ils n'avaient pas l'âge nécessaire pour participer (ndlr : il fallait avoir 16 ans minimum). À part ça, il y avait l'élite de l'élite qui était présent avec cette envie de montrer ce dont elle était capable, vu que c'était la nouvelle saison et qu'avec les réseaux sociaux, tout le monde cherchait à savoir qui avait mieux compris le jeu. Ça a beaucoup joué  ! Sur la semaine à venir, je dis une bêtise mais si Clément lance un live, il peut faire peut-être 3000 à 5000 viewers, et pour lui ça peut être dingue ! C'est devenu une référence en un rien de temps, et c'est pour ça que c'est beau les LANs. 

Pour toi, peut-on dire qu'il y a un progrès des joueurs et du circuit français dans son ensemble ?
Oui totalement ! Il y a vraiment un monde ! Si on compare à la LES de l'an passé, les staffs se sont renforcés. Tu le ressens vraiment In-Game. Les joueurs sont accompagnés psychologiquement, au niveau de tout et de rien. Maintenant, quand ils viennent en LAN, ils ne pensent tous qu'à leur jeu ! Avant, tu as ceux qui venaient et devaient en parallèle s'occuper de petites broutilles. Là non. C'est très professionnalisé. Ça prouve que la scène est attirante et que les gens veulent plus s'investir dans le milieu. Moi ça me fait trop plaisir ! Je me reconnais dans tous les profils : le joueur, le coach ! Chacun a son combat à mener et au final c'est ensemble qu'on trouve cette belle victoire parce qu'avec ces événements pareils, c'est le gaming et l'esport français qui sont réellement les gagnants de tout ça.

Parlons maintenant du sujet principal : ton projet et ton dispositif pour couvrir l'ensemble de la compétition Fortnite. Es-tu satisfait de ce dernier ?
Je suis très satisfait parce que le discours, le message et en même temps l'idée sont passés auprès du public ! C'est ça qui me fait le plus kiffer. Après oui, je ne vois que les défauts, je suis un gros relou à ce niveau-là. On pense déjà à la GA et je suis en mode « Ne jugez pas le projet tant que vous n'avez pas vu la GA ! » Il n'est pas à son maximum et c'est ça qui est beau. Mais je suis quand même très content de voir que l'idée a été bien comprise. C'est posé, il y a un repère et on ne peut qu'évoluer, s'améliorer ! Je n'ai que ça en tête et pour la GA, on va essayer de faire quelque chose d'encore mieux au-delà de ces petits défauts. Tout s'est bien déroulé de notre côté puisque c'était la première fois avec cette équipe que j'ai monté au fur et à mesure où il a fallu trouver les bons profils à chaque poste pour que cela corresponde à mes besoins, mes attentes. Je me rends compte de ce qu'implique être entrepreneur et devoir donner sa confiance, déléguer. Ce n'est pas forcément évident pour moi qui aime bien toucher à tout. Mais au-delà de tout ça, je suis super fier d'eux, et je me dis que maintenant ils ont fait le baptême du feu, et on va pouvoir aller plus loin la prochaine fois ! Hâte d'être à la suite. 

Ce projet est-il pour amener un vent de fraîcheur dans la couverture de la compétition ? 
Totalement. C'est dans mon ADN de vouloir innover, surprendre. C'est ce que j'essayais toujours de faire même quand j'étais sur League of Legend. Ensuite, pourquoi j'en ai eu envie ? Parce que je suis attaché aux principes des LANs depuis tout petit. C'est ce qui m'a donné envie de me mettre dans ce milieu-là. La PGW perdue de 2012 m'a donné envie de m'investir à 100 000 % parce que j'avais ressenti certaines émotions sur scène en tant que joueur et je me suis dit « ma vie est là ». Pour moi le cœur de l'esport, ce sont les LANs. C'est ce que je dis à tous les joueurs, surtout à ceux de Fortnite qui ont l'habitude de jouer online : « Venez tester vos réelles compétences en LAN parce que vous n'êtes pas le même être humain. Il faut apprendre à se connaître, trouver ses défauts pour les corriger au maximum, trouver ses qualités pour appuyer dessus ». En LAN, tu te redécouvres ainsi que tes coéquipiers. Ça permet de fluidifier certaines choses qui seront utiles lorsque tu retournes online. Les LANs c'est très important. Je les ai quasiment toutes faites que ça soit en pro ou en fun avec la Stream Team notamment où l'on faisait ce que l'on avait à faire. Cette année, je me suis dis « J'y vais ou pas ? ». Non. Tout s'est goupillé avec la volonté de vouloir y être mais avec l'optique de vouloir me rendre utile. De plus, je pouvais aussi à la LES amener un petit coup de jeune. Avec les années, et cette grosse année de Fortnite, j'ai eu un peu de crédit et de légitimité. C'est plus facile quand je propose des choses, on me fait confiance. C'est bien tombé, on s'est mis vite d'accord avec la LES. Je suis très heureux du week-end, très fatigué, mais avec le sentiment du devoir accompli avec une grande hâte de montrer la suite car j'ai la tête dedans à 100 %. 

Ton dispositif était installé très proche de la zone des joueurs. Dans un premier temps, était-ce une volonté d'amener au plus près tes spectateurs de leurs joueurs favoris ? Ensuite, le fait d'être en live continu permet à tes spectateurs de se rendre comtpe des difficultés qui peuvent subvenir à tout instant ? De montrer que dans une LAN, tout n'est pas rose, parfait, et c'est ce qui fait parfois leur charme… 
C'est totalement le concept. C'est là où j'ai vécu les LANs. En étant dans la zone joueur. C'est très important pour moi. On y voit des choses que l'on ne voit pas ailleurs. J'ai été moi-même affecté, en tant que joueur. Soit par des mauvaises interprétations, soit par des choses que tu fais bien en jeu et que l'on ne remarque pas ou alors le contraire, une chose que tu fais mal et on va te pointer du doigt parce qu'ils n'ont pas entendu la communication... Tous ces trucs qu'on ne sait pas forcément mais où le public se permet de donner son opinion. Cela me frustrait un peu mais je le gardais pour moi.C'est la fameuse carapace en tant que joueur que je conseille pour se protéger. Je trouve que les joueurs pro sont assez matures maintenant pour se remettre en question. Tout le monde n'y arrive pas par hasard quoi qu'il arrive. Comme je le dis au public, les joueurs sont plus durs envers eux-mêmes que ce que vous allez être. Même si tu lâches ton tweet un peu « piquant », crois-moi que le joueur qui entre dans sa chambre, il est pire que ce que tu as fait. Je voulais apporter une petite solution à cela. On voit vraiment tout. On a accès à tout. S'il y a un truc un peu ambigu, je peux faire venir un joueur et le laisser s'exprimer. Cela donne un peu plus de visibilité et tu as l'impression d'y être. C'était vraiment le but du concept. La LES m'a dit à un moment : « Tu ne veux pas aller sur scène ? ». Je ne me voyais pas avoir un discours pour les personnes qui étaient sur le live alors que j'étais sur scène. Ce n'est pas cohérent. Moi mon but c'est de montrer la réalité pour déjà donner envie aux gens qui hésitent de tenter l'aventure, et ensuite partager des choses qui m'ont marqué dans la vie. La LES, c'est faire des rencontres, commencer à apprendre à se connaître soi-même par rapport à pleins de choses et surtout le tryhard. En LAN, en physique, quand tu vois la tête des gens, des adversaires, tu as encore plus envie d'être meilleur qu'eux. Ça fait ressortir ce qu'il y a de plus tryhard en toi. C'est pour toutes ces raisons-là qu'il fallait que je m'investisse sur les LANs et que j'y apporte ma touche. 

Ce type de projet, de couverture peut-il amener un nouveau type de professionnalisation dans la couverture d'une compétition ? Et amener de nouvelles idées qui sont peut-être à apporter aux autres LANs  en France ? 
Quand j'ai mis le dispositif en place à la LES, j'ai vraiment dit que mon objectif premier, c'était de le faire sur plusieurs LANs. Il n'y avait pas un intérêt de venir, faire un one-shot, se prendre la tête et laisser la scène se débrouiller. Non. L'idée, c'est au moins cette saison et ce circuit des LANs. Je trouve qu'il y a beaucoup de cycles dans le milieu du gaming, et le cycle de début d'année jusqu'à l'été, celui des LANs, c'est la priorité. Ensuite, des questions se posent : « Qu'est-ce qu'on y fait : est-ce que j'y vais, est-ce que j'y vais pas ? ». Si je n'y vais pas, il faut que je fasse des événements à côté, donc le lendemain ou le surlendemain. Si j'y vais, ce sont mes jours de repos parce qu'il faut rattraper. J'adapte mon planning en fonction. Et puis ça a pu se faire car j'avais les conditions. J'avais précisé que si je n'avais pas mon dispositif, je ne venais pas. Ça sert à rien que je vienne, que je me mette derrière un pupitre et que je commente les games comme tout le monde de manière un peu aseptisée. Surtout pour la scène Fortnite qui est une nouvelle scène et qui parle à beaucoup de gens. Ce n'est pas pareil pour LoL ou un historique existe et où le besoin d'un cadrage spécifique est nécessaire. Fortnite, je trouve que c'est convivial, familial. Il existe une certaine proximité. C'est vraiment ces valeurs que j'ai voulu mettre en avant en LAN. Ce dispositif était important et l'appliquer à d'autres échéances est une volonté absolue. 

Quelles nouvelles améliorations peut-on espérer pour les prochaines échéances ?
Le décor peut être plus optimisé. On avait également un défaut au niveau des lumières qui ont été oubliées à Paris. Peu de personnes je pense l'ont remarqué sauf peut-être pour ceux qui font de la prod. Il y a aussi la communication entre mes équipes à améliorer. Maintenant qu'ils se connaissent mieux, on va pouvoir fluidifier tout ça. On peut penser aussi aux assets graphiques, la préparation de l'événement. On n'a eu qu'une semaine et demie pour la LES. Là je vais avoir 1 mois et quelques pour préparer la GA. Au niveau assets, virgules, peut-être teasers, la communication en amont... Il y a tout à améliorer en vrai sur tous les pôles. C'est ça qui est bon. Et puis, comme je suis investi sur tous les sujets, on a déjà les pistes d'amélioration. De la communication à la technique, en passant par l'animation, la fluidité au niveau de l'apparition des joueurs ou de talents/potes qui sont dans la LAN que l'on pourrait inclure au dispositif. Là, c'était fait à l'arrache. Mais on a la base qui est déjà faite. On a peut-être fait le plus dur. Maintenant, il faut le reproduire, surtout que l'on sera plus attendus. Cela ne sera plus le même regard. À la GA, les spectateurs seront plus en mode « alors, c'est quoi les nouveautés ? » et c'est ça qui est difficile avec la communauté. Elle suppose que tout est acquis. Ils ne se rendent pas compte que ça reste tout aussi difficile à refaire. Le travail reste identique à fournir. Et puis on live sur Twitch, on fait des vidéos sur YouTube, on se déplace beaucoup… Il faut arriver à tout gérer et ce n'est pas facile. C'est pour cela que je me suis entouré et que j'ai augmenté mon crew. 

Tu as amené ton propre staff. Tu le dis toi-même, tu les as choisis, tu as ciblé les postes dont tu avais besoin. Est-ce que le staff a été défrayé entièrement par tes propres moyens ou as-tu reçu une aide extérieure pour t'aider ?
J'ai été aidé sur la partie matériel à hauteur de 50 %. Cela représente ¼ du budget qui ont été investis sur l'événement. Ça reste une petite aide très cool car comme je l'ai dit, j'ai eu très peu de temps. Cependant, je suis quasiment sûr et certain que je serai très aidé sur les suivants parce qu'on va pouvoir proposer les choses plus proprement auprès de certains groupes et c'est ça qui est bien. Je vais pouvoir vraiment choisir qui je veux, qui est-ce qui m'accompagne sur ce genre de projet. Ne pas prendre une opportunité parce que telle marque passait par là. C'est important d'avoir une marque qui comprend les valeurs de ce projet-là, qui les défend et du coup on va faire un travail de fond qui sera plus que correct. Je pense que je serai un peu plus épaulé sur les prochaines éditions. Mais sur celle-ci, c'est moi au trois quarts qui ait pris le risque et auto-financé, ainsi que la LES qui m'a mis gentiment à disposition au moins le lieu et validé le fait que je puisse le faire.

La LES a-t-elle été coopérative pour te mettre dans les meilleures conditions concernant ton dispositif ? 
Une LAN, c'est toujours difficile. Forcément ils ont leur intérêt, moi les miens. Parfois on a des intérêts communs mais pas la même vision pour les défendre. C'est toujours des discussions, des hauts et des bas. Dans l'ensemble je suis très satisfait de ce qui a été fait de leur part. On a très bien collaboré jusqu'à la fin. Finalement, dans l'ensemble, je suis vraiment très content de ce qu'ils ont proposé. Je reconnais tout le travail qui a été fourni sur tout l'ensemble de l'événement. Je ne vois pas le « oh ils ont été cool avec moi » ou « ils ont été peu à disposition ». Il y a encore plein de choses qu'ils auraient pu améliorer ou auxquelles ils ne pensent pas. Par exemple : je pars dans le public et j'ai dix minutes à peine car mon concept au départ, c'est d'être en live tout le temps, pour voir les gens, faire des photos. C'est dans leur intérêt aussi parce que c'est cool pour eux de voir quelqu'un comme moi se déplacer assez facilement et aller à leur rencontre. J'adore et je suis là pour ça. Et ils ont mis 10/15 minutes à comprendre qu'il fallait mettre un dispositif. Et tu te retrouves coincé au bout de 40/50 minutes à passer pour le méchant qui ne reste pas alors que c'est pas lié. Tu demandes un peu plus de réactivité mais c'est normal. Ce sont des bénévoles, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. Mais ceux qui ont été impliqués sur le dispositif, c'est très satisfaisant et je pense qu'on est tous partants pour refaire cela l'année prochaine si toutes les conditions se présentent.

Chez Team-aAa, on a pour coutume de laisser la parole aux personnes que l'on interviewe. Un dernier mot ?
Merci encore une fois à vous, merci à *aAa*. Pour moi, C'est une structure qui m'a fait énormément rêver étant petit, principalement sur CS:GO. Mais je suis content et c'est ce que j'explique beaucoup à la communauté d’aujourd’hui : on est très bien lotis. Il y a eu un travail de fond aussi fourni par d'autres générations. *aAa* en fait partie. Je connais des gens aussi en interne qui sont là de longue date, qui font ça bénévolement limite en perdant de l'argent mais parce qu'ils croient à cette idée-là. Sans ce travail-là des anciens, ce serait difficile dans l'impact du gaming et de l'esport. *aAa* au début, ça faisait rêver réellement tous les petits. Ça été la structure la plus légendaire sur CS:GO. Et ça pour moi, ça restera gravé à vie pour tout le temps. Merci pour tout ce travail qui a été fourni, bonne continuation, et j'espère vous voir encore pendant cinq, dix ans en LAN.