Turtle Entertainment vient de parvenir à lever des fonds auprès de Crédit Agricole Private Equity, une des multiples branches de la banque d'investissement du Crédit Agricole, dont la spécialité est entres autres le Capital Risque, mais est-ce vraiment une bonne nouvelle ? Revenons sur celle-ci en détail.

 

Fallait pas faire une LAN ce week-end

 

Tout d'abord, qu'est-ce que le capital risque ? C'est un mode de financement que les banques proposent en général aux start-ups afin de permettre à celles-ci de croître rapidement grâce a une injection conséquente de liquidités. En général pour passer d'environ 2 Millions d'Euros de Chiffre d'Affaire annuel à 20 Millions. Mais ce mode de financement en laisse beaucoup sur le carreau, ainsi la banque peut se permettre de faire crouler 4 entreprises dont les résultats sont décevants sous les dettes au bout d'un an si seulement une s'en sort et lui rapporte 10 fois la mise initiale.

La première interrogation qu'on peut se poser concerne la taille de Turtle Entertainment, qui est une entreprise déjà bien développée, avec plus de 150 salariés, dont le potentiel de croissance est limité. Pourquoi ce potentiel de croissance est-il limité ? D'une part parce que Turtle atteint déjà le coeur de son marché, à savoir le gamer-compétiteur en ayant le quasi-monopole des compétitions en Europe. D'autre part, cette croissance est limitée par celle du marché du jeu vidéo, et en particulier du jeu PC, alors que ce dernier s'effrite au profit des consoles de salon. Ces facteurs n'en font pas du tout le candidat idéal pour un investissement Capital Risque, qui est censé faire exploser le chiffre d'affaire d'une petite structure en quelques mois, à cette échelle Turtle est déjà un Mammouth. Le chiffre d'affaire consolidé de 2008 serait d'environ 13 Millions d'Euros, ce qui lève des interrogations sur l'opportunité pour CA-Private Equity d'investir dans une entreprise qui a déjà connu une forte croissance et peine désormais à consolider son business model pour parvenir à dégager des bénéfices.

Ensuite un deuxième point plus inquiétant vient de la source de financement elle-même, une banque. On le sait, Intel fournissait une grande partie des revenus de Turtle, la maison mère de l'ESL, or ce système était un partenariat, qui apportait un plus en terme d'image à Intel. Les finances d'Intel et donc sa politique marketing s'étant particulièrement dégradées, les budgets qui alimentaient Turtle se sont taris, et c'est sans doute pour cela que Turtle Entertainment s'est tourné vers les banques.

 

Mais le crédit Agricole n'a rien à gagner avec Turtle Entertainment en terme d'image, ce n'est pas la guichetière de votre agence qui prête pour faire la pub d'un prêt spécial gamer a 0% avec le dernier processeur à la mode dedans. Ce sont des investisseurs, qui attendent des bénéfices, un retour sur investissement rapide, et si le Crédit Agricole semble maintenant se rappeler qu'il existe du potentiel dans les jeunes entreprises, c'est lié en grande partie au fiasco de Calyon, la banque d'investissement du Crédit Agricole qui est quand même parvenue à faire disparaître 3,55 Milliards d'euros sur l'année 2007-2008, réinjectés gracieusement par les caisses régionales de la première banque de détail Française. La filliale Private Equity est donc une bonne occasion pour le groupe de se refaire une image, or en y regardant de plus près, les "Success Stories" vantées par le site de cette dernière sont très modestes.

 

Ainsi Metabolic Explorer n'a pas su exploiter le grand boom de l'économie verte, pas plus qu'Aden Classifieds dans un autre domaine. Quant aux autres entreprises, en dehors de Direct Energie, elles ne vous diront probablement rien. En effet le système de Private Equity n'a pas énormément de succès en France, on peut quand même attribuer à Société Générale Assets Managment le succès de l'agence de voyage Kelkoo (200-2004). Mais bénéfices et e-sport n'ont encore jamais rimé, encore moins sur une vision court-termiste, et l'e-sport a maintenant besoin d'une vision et d'un business model stable à long terme pour croître.

Enfin la somme investie en elle-même ne fait qu'ajouter des interrogations. Nos confrères d'Esportsfrance annoncent le chiffre d'un Million d'Euros sans préciser de source. Nos contacts au sein de l'ESL nous indiquent "bien plus", Crédit Agricole Private Equity donne un chiffre global, sur l'ensemble des start-ups Allemandes, de 8 à 12 Millions d'Euros par an. On peut donc raisonnablement situer l'investissement pour Turtle entre 1 et 2 Millions d'Euros. Si ces chiffres semblent vagues, il faut néanmoins se méfier des effets d'annonce dans le monde de la finance.

L'avenir qui semble se dessiner pour ESL est à quitte ou double. A défaut d'une croissance forte et de bénéfices rapides, le Crédit Agricole Private Equity retirera ses fonds, en laissant l'entreprise dans un plus mauvais état qu'à son arrivée, c'est donc un pari risqué pour Turtle Entertainment. D'autant plus que la situation financière des banques est encore fragile, que le Crédit Agricole a laissé une partie non négligeable de ses fonds propres dans la crise financière, et que ce genre d'investissements à risque est souvent le premier fusible en cas de besoins de liquidités des banques de détail. Lorsque la banque se retirera et vendra ses parts, car c'est son objectif à terme, deux solutions s'offrent en général, l'Introduction en Bourse (ou IPO) et le rachat par un autre groupe plus puissant.

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