Invité de l’émission /CHAT ALL de Trayton, Romain Bigeard, General Manager de G2 Esports, est revenu sans détour sur les coulisses du projet League of Legends 2025. Il évoque la gestion du groupe, les moments de tension, le rôle central de Caps et l'importance du mental dans la performance.
Une parole libre sur le quotidien de G2
Dans l’interview accordée à Trayton dans le cadre de l’émission /CHAT ALL, Romain Bigeard s’est exprimé longuement sur son travail à la tête de G2 Esports. En poste depuis fin 2022, l’ancien manager de LFL et ex-référent du développement esport chez Riot Games explique avec clarté ce qui constitue aujourd’hui la colonne vertébrale du projet League of Legends de l’organisation allemande. Bien au-delà du recrutement et des drafts, il insiste sur le suivi humain, la création d’un cadre de performance durable, et la solidité du collectif à travers les épreuves. Face à une équipe qui a connu des hauts et des bas ce split, Romain revient notamment sur la série de défaites subie par G2 au printemps, l’épisode marquant du blackout de Madrid, et l’évolution de joueurs clés comme Caps, toujours central malgré les années.
Dès les premières minutes de l’entretien, Bigeard rappelle que son rôle de General Manager va bien au-delà de l’image que l’on s’en fait. « Je suis le GM de G2 sur League of Legends. Si on prend un parallèle avec le foot, c’est comme un directeur sportif. Mon travail, ce n’est pas juste de prendre des joueurs. C’est de créer un écosystème d’entraînement cohérent, avec les bons profils, et de m’assurer que chacun fait ce qu’il a dit qu’il allait faire. » La notion d’accountability revient souvent dans sa bouche. Elle renvoie à l’idée que le groupe progresse quand chaque maillon est solide, respecté et exigeant envers lui-même. Ce principe a été mis à l’épreuve quand G2 a enchaîné trois défaites d’affilée au printemps, un passage difficile que Bigeard n’élude pas. « Tu perds trois games de suite, forcément, ça secoue. Mais ces moments-là forcent à remettre les choses à plat. Ça provoque des discussions importantes, des débats, ça permet à l’équipe d’avancer. »
Dans sa gestion quotidienne, il se voit plus comme un chef d’orchestre que comme un patron autoritaire. Il protège le staff des interférences, structure l’agenda, et veille à ce que les joueurs soient accompagnés sur tous les fronts. « Le but, c’est qu’ils aient la meilleure version d’eux-mêmes en match. Et ça passe par plein de choses invisibles : l’alimentation, le sommeil, les routines, l’état d’esprit. »
Madrid, l’épreuve fondatrice
G2 a vécu un moment inattendu et marquant lors de l’étape madrilène du LEC Spring Split. Ce week-end-là, un énorme blackout a plongé la ville dans le noir et désorganisé toute la logistique des équipes. Romain Bigeard en garde un souvenir aussi galère que fondateur. « On s’est retrouvés à marcher avec nos sacs sur une sorte de périph, comme des galériens. Plus de métro, plus d’Uber, plus de terminaux de paiement. C’était le chaos total. On a dû faire les courses à la lampe torche. »
Cet épisode a agi comme un révélateur. « Ce genre de merde, ça transforme un groupe d’individus en un vrai groupe. Ce soir-là, on est devenus des potes. » Le manager évoque avec un sourire les attitudes très différentes de ses joueurs face à la situation. « Caps était hyper pragmatique. Il disait : ‘On va dormir à l’aéroport, comme ça on est les premiers dans la file demain’. Lui, il était dans le contrôle. D’autres, comme Labrov, étaient un peu dans la lune. Mais au final, tout le monde s’est serré les coudes. »
Au-delà de l’anecdote, Romain insiste sur la valeur sportive de ces expériences. « Pour moi, ça vaut tous les scrims du monde. Jouer dans une arène, avec du public, dans un cadre inhabituel, c’est ça la vraie pression. C’est là que tu vois si ton équipe tient debout. » Il critique au passage les organisations qui refusent ces événements pour rester en bootcamp : « Tu peux pas recréer ça dans un studio fermé. Le but, c’est de performer quand tout déraille autour. »
Caps, leader calme et figure centrale
Interrogé sur les performances de Caps, parfois jugées en retrait cette saison, Bigeard refuse de pointer un joueur du doigt. « Dire que Caps ne perf pas très bien, c’est un statement fort. Pour moi, c’est toute l’équipe qui était un peu en-dessous pendant cette phase-là. » Il affirme que le midlaner danois reste au centre du projet, tant par son implication que par son expérience. « Caps, c’est quelqu’un qui adore toujours autant le jeu. Il joue beaucoup, il est passionné, et surtout, il est lucide. Il a décidé d’être plus adulte cette année. Il aide beaucoup les jeunes. Il ne râle pas, il guide. »
L’arrivée de Skewmond, rookie très prometteur, a aussi renforcé son rôle de mentor. « Il l’a bien pris. Ils s’entendent bien. Et ça se voit. Leur duo mid-jungle peut faire très mal. » Sur la question du niveau individuel, il n’a aucun doute. « Caps a tout vu. Même s’il clique un peu moins vite, ce qui n’est pas le cas, son game knowledge est immense. Il a tout vécu. Et je pense qu’il en a encore sous le capot. »
L’invisible qui fait gagner
Romain consacre aussi un long passage à la structure invisible qui soutient l’équipe au quotidien. Il met en avant Ismael Pedraza, le performance coach de G2, dont le rôle dépasse de loin la préparation physique. « Il est responsable du bien-être global. Il veille sur leur sommeil, leur alimentation, leur état mental. Il fait des entretiens individuels, il m’aide à ajuster les plannings. C’est une pièce essentielle du puzzle. »
Pour illustrer son propos, il partage une anecdote parlante : « Riot avait demandé à des joueurs des Worlds de noter l’importance du mental. Certains disaient 70 %. Puis on leur a demandé combien de temps ils y consacraient vraiment. La réponse ? Zéro. Ça m’avait marqué. » Depuis, il en a fait un point central de sa méthode. « Ils font du sport tous les matins. Rien de fou, 15 à 20 minutes d’exercices simples, mais ça change tout. » Lui-même s’impose une routine physique très stricte, qu’il compare à une forme de discipline dans un MMO. « Il faut avoir du cardio pour survivre à la vie. »
Avant Paris, un groupe solide et lucide
Alors que G2 s’apprête à disputer un nouveau match à domicile, cette fois à Paris dans le cadre de la tournée LEC, Bigeard se dit confiant. « Madrid, c’était un beau test. Paris, ce sera mieux produit, je pense. Et nous, on sera prêts. » Il reconnaît que le public sera largement acquis à la Karmine Corp, mais ce n’est pas un problème. « On a joué contre T1 en Corée. Des publics hostiles, on connaît. Ce sera du folklore. Et de toute façon, la KCorp va en faire une narrative, on les connaît. » Avec un groupe stable, soudé et bien accompagné, G2 semble armé pour la suite. La scène change, les joueurs passent, mais certains principes restent. Et derrière eux, un manager qui veille à ce que chacun fasse ce qu’il a dit qu’il ferait.
- Lien pratique : le suivi complet du LEC Spring Split 2025