kt rolster

Interrogé sur son stream à ce sujet, Flash a révélé l'existence d'un accord entre les équipes KeSPA sur les salaires de leurs joueurs.

 

 

Lumière sur le salaire moyen d'un progamer

 

Les salaires des joueurs StarCraft II ont toujours été relativement mystérieux pour le grand public. Si sur LoL, des rumeurs font état de sommes astronomiques avec des propositions de rachat s'élevant à plusieurs millions de dollars, la KeSPA a toujours laissé flotter une certaine nébuleuse autour des salaires des stars du RTS en ne révélant que des informations partielles. Il a fallu attendre décembre 2015 et un rapport de l'agence du contenu créatif coréenne sur le salaire moyen d'un progamer pour que la KeSPA publie un démenti chiffré sur le sujet. Un échantillon de 25 joueurs est alors sélectionné au sein des cinq plus grosses équipes : Jin Air Green Wings, SK Telecom T1, KT Rolster, Samsung Galaxy et CJ Entus. Il est à noter qu'à cette époque, l'ensemble des joueurs de ces cinq équipes totalisait 41 membres et que MVP a été laissée de côté. Le communiqué de la KeSPA est donc grandement remis en question par la communauté et la fédération est accusée de n'avoir pioché que dans le haut du panier, éliminant l'équipe avec le moins de budget ainsi que les B-teamers des cinq formations sélectionnées. Quoiqu'il en soit, le salaire moyen ainsi calculé fait état de 45 880 000 Wons, soit environ 39 000$ par an (équivalent mensuel : ~3250$).

 

Cette somme exclut les récompenses de tournois, les revenus du streaming et les droits à l'image dûs lors des opérations commerciales avec les sponsors. Si elle peut sembler raisonnable pour jouer aux jeux vidéo, il ne faut pas oublier que la carrière d'un joueur professionnel a les même inconvénients que celle d'un sportif : en Corée du Sud, la plupart d'entre eux ont arrêté leurs études pour accomplir leur rêve d'intégrer une équipe et ne peuvent pas compter sur un diplôme pour leur reconversion. La plupart des joueurs foreigners professionnels, qui ne peuvent pas prétendre à de tels salaires (en dehors des membres d'Evil Geniuses par exemple qui pouvaient toucher jusqu'à 100k$/an) ne sont soit pas à temps plein, soit ont terminé leurs études, sont ont prévu de les reprendre après un ou deux ans d'arrêt. La même étude conduite par l'agence coréenne révèle que la plus grande inquiétude des joueurs du pays du matin calme concernait leur futur incertain : à partir de 25 ans, il est indispensable en Corée d'avoir un bon diplôme, ce dont ils ne peuvent pas se targuer. Ceux d'entre eux qui ne parviendront pas à trouver un nouveau poste dans l'esport, comme MC qui a par exemple saisi une opportunité de coach chez Kongdoo, vont rencontrer de grandes difficultés à réintégrer la société.

 

 

kjespa

Le rapport de la KeSPA en décembre 2015. De gauche à droite : Jeu / Taille de l'échantillon / Salaire moyen / Nombre de joueurs au-dessus de 100M Won par an. En haut, League of Legends, en bas, StarCraft II.

 

Les droits des joueurs KeSPA mal protégés

 

Mais Flash a apporté un nouvel élément. L'ancienne star de KT Rolster a déclaré que les équipes KeSPA s'étaient mises d'accord pour fixer une limite aux salaires de leurs joueurs à 70M Won, soit environ 60 000$. Cette limite ne saurait être franchie sous aucun prétexte, et aurait pour but de ne pas créer d'écarts trop importants entre les différents membres d'une même formation (sur Brood War, Flash ou Jaedong gagnaient en moyenne quatre à cinq fois plus que la moyenne de leur équipe) et de permettre aux équipes avec moins de budget, comme MVP par exemple, de ne pas être complètement impuissantes face à leurs concurrents. Mais surtout, cette limitation aurait pour objectif de débloquer d'avantage de budget pour League of Legends. Et l'initiative soulève plusieurs problèmes.

 

Premièrement, cette limite n'a jamais empêché les plus grosses équipes de voler tous les talents des plus petites structures, coulant petit à petit Prime et MVP. En revanche, elle protège les managers qui peuvent proposer le salaire maximum à leurs stars et ne courrent donc aucun risque que celles-ci s'en aillent chercher une herbe plus verte ailleurs. Cette initiative a donc stoppé une surenchère potentiel des salaires mais n'a pas protégé les formations ne pouvant pas proposer le plafond annuel à leurs membres clefs. Deuxièmement, elle ne protège pas non plus les joueurs d'un même roster d'avoir des écarts de salaire pouvant aller du triple au quadruple puisque cette somme est une limite et en aucun cas le salaire moyen, qui rappelons-le, s'élevait à 46M selon un calcul plus qu'incomplet et probablement faussement optimiste. Elle n'accomplit donc aucun de ses deux objectifs mais crée un sentiment de malaise quant à la protection des joueurs qui n'ont pas leur mot à dire. Bien que la pratique soit légale et utilisée dans certains sports afin d'empêcher les équipes les plus riches d'acheter tous les meilleurs joueurs pour remporter automatiquement son championnat, Flash s'est déclaré très déçu de l'existence d'une telle restriction sur StarCraft qui ne donne pas envie aux meilleurs de se donner à fond : quand on touche déjà le maximum, pourquoi chercher à se dépasser ?

 

 

 

La comparaison douloureuse avec Brood War

 

Et quand on connaît les sommes que les stars touchaient sur Brood War, on comprend cette frustration. En 2010, sur les trentes meilleurs joueurs de la KeSPA, onze d'entre eux touchent d'avantage que cette limite de 70M. Flash, Jaedong et Bisu gagnent respectivement 250M, 220M et 200M par an (soit entre 210 000 et 170 000$). EffOrt, Calm, FanTaSy, Stork, free, Sea et BeSt prétendent à des salaires allant de 95M à 72M, et Light empocherait 70M, le plafond fixé sur SC2. Pour une star comme Flash qui n'a pas eu la chance de Jaedong de finir chez Evil Geniuses, la différence est colossale. A titre de comparaison, FanTaSy, qui gagnait 5000€ par mois en 2010, demandait un salaire minimum de 800€ après son départ de SK Telecom T1 en 2014 et avant son recrutement par dead Pixels. Cet écart de valeur entre un joueur de Brood War et de StarCraft II prouve encore une fois l'incroyable différence de popularité entre les deux jeux en Corée du Sud.

 

Avec cette information, Flash a ouvert un grand débat. Si la somme semble être correcte pour certains tandis que d'autres la trouvent ingrate pour des joueurs qui consacrent leur vie au progaming dans un pays où les études ont une importance capitale, c'est surtout l'existence d'une collusion entre les équipes KeSPA qui en fait tiquer plus d'un. Qui plus est, cette limite ne semble pas avoir équilibré les salaires des joueurs au sein d'un même roster, en témoignent les prétentions de FanTaSy après son départ de SK Telecom T1. Les B-teamers ou joueurs moins réguliers, ne pouvant pas compter sur leurs gains en compétitions, sont restés beaucoup moins payés que les meilleurs joueurs qui pouvaient en plus compter sur des cashprizes. Nazgul, manager de Team Liquid, a réagi plusieurs fois sur le thread TL associé. Voici un passage de ses interventions.

 

nazgul

Liquid Nazgul

 

Je suis absolument choqué par certaines réactions ici. Comment pouvez-vous justifier quelque chose comme ça (NDLR : la collusion) en disant "c'est toujours beaucoup d'argent" ? C'est un point de vue absurde. Si Flash vaut des centaines de milliers, alors il devrait être payé des centaines de milliers. Ce sont des sommes pouvant changer sa vie qui vont lui manquer. Comparer cela à des salaires moyens est complètement stupide. Les athlètes qui sont les meilleurs dans leur discipline devraient être récompensés justement. Il a pris infiniment plus de risques dans son choix de carrière que quiconque et a accompli beaucoup plus qu'un employé de bureau payé 60k$ ne fera jamais.

 

Je ne suis pas fondamentalement opposé à une limitation des salaires. Je suis convaincu que ça peut être une bonne chose pour certains sports (le football est dément). Cependant, la bonne méthode pour mettre en place un plafond salarial est de constituer une réunion de joueurs l'approuvant pour l'amélioration du sport. Une union de joueurs a tous les droits des joueurs en tête, et même un joueur encore débutant mais plein de potentiel devra faire partie de cette union afin que tout soit organisé d'une façon qui bénéficiera au mieux à la grande majorité des joueurs (à l'exception des superstars comme Lebron James) et des équipes. De cette façon, ils pourront protéger les joueurs moins bons qui pourraient autrement se faire royalement pigeonner par un marché complètement libre. Un plafond salarial approuvé de la sorte entre les sociétés et sans des accords corrects ne serait rien de plus qu'un comportement de cartel indigne de confiance.

 

[...] C'est un comportement abusif ayant pour but de blesser les groupes n'ayant pas la parole ou le pouvoir. Combien Flash gagne de plus que le salaire moyen en Pologne n'a rien à avoir avec une question d'idéologie. Comprenez bien que je pense que les plafonds de salaires sont une bonne chose dans le sport, mais vous ne pouvez tout simplement pas les implémenter sans mettre en place une régulation correcte et sans donner la parole aux joueurs. Si c'est unilatéral, alors cela n'aide en aucun cas le sport. Il faut être capable de différencier quand un plafond salarial est bon et quand il est mauvais pour la confiance. Les sports où ils ont été instaurés avec succès sont bien différents de ce qui est arrivé ici.

 

 

Et vous, qu'en pensez-vous ?