Responsable du label EA Games, Frank Gibeau possède une vision d’ensemble d’Electronic Arts, du Free to Play Casual au Blockbuster sur Console. Une vision qu’il a partagé auprès de GamesIndustry.biz lors de l’E3. Au programme la Wii U, la nouvelle plateforme Origin (le Steam d’EA), Star Wars : The Old Republic et le juste équilibre d’un éditeur de jeux vidéos.
GamesIndustry.biz : John Riccitiello, le PDG d’Electronic Arts était sur scène lors de la conférence de Nintendo, c’est la première fois qu’il apparaît avec eux. EA mise gros sur la Wii U.
Frank Gibeau : Nous avons été vraiment ébahis par l’innovation unique que Nintendo apporte avec la manette Wii U sur une console très performante. Sa capacité à afficher des graphismes haute définition et à permettre d’accéder à des expériences de jeu d’une manière complètement novatrice et inédite nous a vraiment frappé. Nous avons été très excités par ce que Nintendo nous a présenté, nous y avons réfléchi et cela colle avec ce que nous essayions de faire de nos franchises comme FIFA, Madden et Battlefield. Il y a beaucoup de chevaux sous le capot de cette console, d’innovations et Nintendo dispose d’une réputation fantastique. Nous ne sommes pas intégristes sur une console en particulier au niveau du groupe EA et si nous trouvons quelque chose en quoi nous voyons un succès commercial et critique, disposant d’un business model qui nous convient, nous nous lançons.
Depuis combien de temps travaillez-vous discrètement avec Nintendo sur cela ?
Depuis un certain temps, je ne peux pas rentrer dans les détails. Nous avons eu des exemplaires de la console et nous avons travaillé sur des jeux. A la conférence de presse de l’E3, ce qui était vraiment important pour nous était d’établir la relation et de parler de quelques éléments, ce que nous pensons et ce qui nous excite, et nous montrerons des jeux quand ils nous paraîtront prêts être présentés.
C’est toujours important pour EA d’être le premier à se déplacer sur une nouvelle plateforme ?
Absolument. Ça nous a servi sur la PlayStation 2 et la PlayStation 3. Arriver tôt sur une plateforme est important pour une entreprise devant faire de nombreuses transitions et deviner quelle direction prend le marché des consoles. Avec la Wii U il est important pour nous d’être présents dès le jour de la sortie afin de construire le plus grand public possible.
Le risque est que si ça n’a pas l’impact que vous escomptez, c’est un gros pari…
Nous faisons cela depuis 25 ans et nous avons plus souvent raison que tort dans la sélection des plateformes. J’espère que nous avons raison sur celle-ci. C’est le pari que nous faisons.

Vous avez récemment annoncé Origin dont le but est d’étendre le public touché par les ventes numériques et de vendre directement les jeux aux consommateurs. Comment se déroule cette transition d’un fournisseur de contenu vers un fournisseur de services ?
C’est quelque chose que nous faisons depuis trois ans chez EA. Il s’agit de transformer EA d’une entreprise lançant simplement des produits manufacturés vers une entreprise de services en ligne et Origin est la prochaine étape ou le prochain jalon de cette stratégie. Avant cela nous avons créé une technologie appelée Nucleus qui nous permet d’avoir un système d’authentification et d’enregistrement unique. Nous avons changé la façon dont nous développons les jeux pour que vous puissiez y accéder sur Smartphone et Tablette en plus du PC et des consoles. Tout cela fait partie de la transition vers le numérique par laquelle nous passons et Origin est la plateforme sur laquelle nous serons en mesure de publier des jeux et de servir nos clients sur plateformes mobiles et PC. Ensuite nous lierons cela aux consoles d’une manière originale au fur et à mesure de leur développement.
Nous sommes numéro un mondial pour la vente de boîtes de jeu, nous aimerions devenir également leader dans la distribution numérique. Et nous pensons qu’EA dispose d’une force unique liée à ce que nous pouvons faire avec notre contenu, parce que nous sommes à la fois un créateur de contenu et un vendeur sur ce métier. En général pour nos jeux ce n’est pas qu’un site de vente en ligne, c’est une communauté, c’est une plateforme, Origin dispose de caractéristiques comme vous pouvez le voir sur Steam, PSN ou Xbox Live, mais est unique à EA.
Star Wars : The Old Republic sera en vente numérique exclusivement chez Origin, doit-on s’attendre à ce que d’autres titres numériques soit réservés à Origin ?
Ça dépend du titre et de ce que nous cherchons à faire. Dans le cas de Star Wars, nous essayons de construire un public pour Origin. C’est aussi une opportunité pour nous de mieux gérer les téléchargements et le management de la communauté depuis la beta par exemple. Pour beaucoup de raisons, cela avait un vrai sens pour un MMO, dont le déploiement est très complexe. Je pense qu’à long terme vous verrez que nous permettrons à d’autres vendeurs numériques de distribuer nos produits car nous souhaitons atteindre le public le plus large possible. Mais en même temps si nous pouvons utiliser du contenu exclusif ou d’autres idées pour augmenter l’audience d’Origin alors nous le ferons parce que c’est une plateforme que nous voulons faire croître.
Mais dans ce cas c’est plus que du contenu exclusif, c’est un tout nouveau jeu basé sur l’une des plus grosses franchises du divertissement. Ne prenez-vous pas le risque d’aliéner vos partenaires en ne le vendant que via Origin.
Pour nous cela avait un sens de prendre cette décision et de faire croître la plateforme ainsi. Nous continuerons à être de bons partenaires pour nos canaux de distribution classiques au fur et à mesure où ils feront évoluer leur business model pour prendre en compte le numérique. Mais en même temps il y a déjà des exclusivités de plateformes comme Halo ou Uncharted, EA a aussi droit à ses propres exclusivités.
En parlant de Star Wars, il y a eu beaucoup de spéculations sur le jeu en ce qui concerne son coût, et EA a dit lui-même que c’est un des projets les plus coûteux dans lequel ils aient été impliqués. Pouvez-vous clarifier les rumeurs qui suggèrent que vous avez explosé vos budgets sur le jeu ?
Je ne prête pas beaucoup d’attention à cela, j’ai beaucoup de questions d’analystes et de journalistes à ce sujet. Ce sur quoi j’essai de me concentrer c’est, est-ce un bon jeu et est-il prêt à sortir ? Vous regardez un jeu qui dispose de 200 heures de jeu pour chacune des six classes, ce qui n’inclut pas le craft, les raids, le multi-joueur. C’est vaste. C’est un jeu gigantesque, et il coûte de l’argent. Mais si vous parvenez à lancer un de ces produits, il persiste pendant longtemps. Ultima a bientôt dix ans et toujours des dizaines de milliers d’inscrits, ce qui nous est largement profitable. Est-ce que j’aurais souhaité que ça ne soit pas aussi coûteux ? Évidemment, mais je pense que tout le monde pense comme moi. En même temps cela ne nous fait pas énormément de bien de commenter son coût prohibitif. Au final ce qui importe est la qualité de service et la satisfaction des joueurs.
Ultima nécessite quand même des dépenses étant donné que le jeu reste « en vie »
Oui, mais vous ajustez celles-ci en fonction de la croissance ou de la décroissance de la base d’utilisateurs et des profits générés.

Les budgets des titres AAA augmentent de toute façon, non ? Deviennent-ils hors de contrôle ?
Cela dépend si c’est une première version d’un jeux ou une deuxième, où la technologie est déjà disponible. Dans la plupart des cas EA est à l’aise avec les budgets de ses blockbusters actuels. Nous venons de loin, quand j’étais en charge du label Games il y a environ trois ans, nous sortions 20 titres par an. Désormais, il n’y en a plus que 6. Nous avons réduit le nombre de titres en développement, mais en même temps il est vraiment important pour nous de faire quelques super jeux plutôt qu’un paquet de jeux un peu au dessus de la moyenne. Cela coûte de l’argent mais en même temps il y a de nouvelles façons de monétiser ces titres en ligne, à travers des packs de contenu téléchargeable ou en permettant d’y accéder via d’autres plateformes. Nous sommes très à l’aise avec la situation actuelle, et cela coûte de l’argent pour accéder à cette compétition et nous sommes d’accord que c’est un marché dans lequel il faut à tout prix être dans le top 20. Si vous n’êtes pas dedans cela devient extrêmement difficile à moins que vous ne soyez à l’échelle ou disposiez de studios low-cost. Ce sera difficile pour beaucoup d’éditeurs qui n’ont pas l’échelle d’Electronic Arts, sa largeur ou sa profondeur de rester en jeu. Ça va devenir de plus en plus comme le marché du Cinéma.
Toutefois dans le même temps nous investissons agressivement dans des éléments peu chers comme le free-to-play. La branche free-to-play grandit extrêmement vite au cœur d’EA Games, 4 à 5 services sont lancés et nous avons déjà 17 Millions d’utilisateurs. Et si vous lancez quelques titres pour atteindre une bonne échelle ils sont aussi profitables qu’un jeu console. Ce que nous essayons de faire est de suivre la stratégie des quelques grosses sorties majeures des studios de cinéma, disposer de jeux dans le top 20 (qui pour nous cette année seront Battlefield, Need for Speed et Mass Effect 3). Le lancement de quelques nouveaux services comme Star Wars est unique, et en plus de ce la nous lançons quelques jeux en modèle free-to-play, qui lorsqu’ils auront atteint l’échelle suffisante, disposeront d’un public énorme et seront très profitables, ils ne cannibaliseront toutefois pas les jeux principaux car ils atteignent en fait des marchés que nous ne couvrons pas. Sur Need for Speed World, la Russie et le Brésil sont numéros un et deux, suivis par l’Ukraine. Je ne peux pas vendre de boites sur ces territoires, mais j’atteins le public en lui proposant du contenu Need for Speed. C’est un moteur qui n’est pas aussi avancé que Frostbite 2 mais la production est bonne ainsi que les mécaniques de jeu, et c’est basé sur un modèle free-to-play avec micro-paiement. C’est très excitant pour nous parce que ce n’est pas sur consoles, c’est sur smartphones, tablettes, free-to-play, navigateurs, réseaux sociaux.
C’est intéressant que vous évoquiez la Russie, l’Ukraine et le Brésil. Y-a-t’il d’autres marchés qui vous échappent ?
Il y a beaucoup de choses différentes. Il y a des technologies émergentes dans lesquelles nous sommes toujours intéressés. Des choses exotiques comme les télévisions intelligentes, où vous obtenez le contrôle du composant et fournissez directement le jeu. C’est à un horizon proche et çà pourrait être une technologie très dérangeante pour les fabricants de consoles. Mais pas pour nous parce que nous serions très heureux de le faire. Nous aimerions avoir plus d’activités en Asie mais nous travaillons agressivement pour y parvenir. Il pourrait être intéressant de voir comment l’Inde évolue en tant que marché de jeux vidéo au fur et à mesure que la classe moyenne s’élargira et que le pouvoir d’achat et le haut débit progresseront dans cette économie. Actuellement c’est plutôt limité mais c’est quelque chose qui nous intéresse.
EA semble être dans une position forte, de la console au réseau social en passant par le free-to-play et la distribution numérique. N’y a-t-il pas un danger de trop étendre le modèle et de couvrir trop de segments ?
Bien sûr, il y a toujours ce risque. Mais j’ai une équipe de gestion disciplinée qui priorise et comprend que nous venons d’un endroit il y a trois ans où nous faisions trop de choses pas assez bien. Nous avons atteint un stade où nous sommes beaucoup plus attentifs. Nous pensons dans ce cas nous spécialiser autour de propriétés intellectuelles et être capables de les mettre sur plusieurs plateformes plutôt que d’avoir trop de licences et d’essayer de faire trop de choses/ C’est beaucoup plus simple de trouver comment rendre FIFA disponible sur console, smartphone, tablettes et de baser la croissance là-dessus. Se concentrer sur le meilleur et atteindre un public plus large à travers plusieurs plateformes semble être une formule qui fonctionne pour nous.
Modifié le 17/04/2019 à 13:45
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Deux mois puis plus rien avant les grosses MAJ.
Modifié le 17/04/2019 à 13:45
BioWare + EA + la thune mise dedans = il sera MaJ bien plus que deux mois.
Après est-ce qu'il sera bon ? C'est une bonne question.
Modifié le 17/04/2019 à 13:45
Modifié le 17/04/2019 à 13:45
Même calcule, Mythic Entertainment + EA + Argent = Warhammer Online
Après, j'espère que le mmo sera de qualité mais j'ai de gros doutes :/
Modifié le 17/04/2019 à 13:45
Tu n'as pas dû beaucoup y jouer, si tu y a joué.
Sans pour autant être un MMO compétitif ou quoi que ce soit du même calibre, Warhammer Online; du fait de ses nombreux bug exploits etc. a été l'un des plus amusants de ces dernières années. Certes, pour connaître ce genre de "protips" il fallait jouer un peu plus d'une heure par jour...
Modifié le 17/04/2019 à 13:45
Donc tu pourras ajouté que le lancement de Warhammer Online était catastrophique