Après sa victoire en finale de la 6 French League face à Vitality, nous avons interviewé Léo "Alphama" Robine, pépite de Giants Gaming, à propos de la ligue française et des finales de la Pro League à venir.

Après une saison régulière de haute volée, Giants Gaming a ce week-end à nouveau démontré toute l'étendue de son talent en remportant les Playoffs de la 6 French League, sacrés champions de l'édition inaugurale du championnat français et champions de France 2019.

Pour Alphama, cela représente beaucoup. Son premier titre depuis la Gamers Assembly, certes, mais également le premier depuis l'arrivée de Korey dans le collectif et le premier depuis que les Franco-Européens évoluent chez Giants Gaming. C'est de plus le titre le plus prestigieux remporté par la pépite française, ce dans le cadre d'un événement mémorable.

Après sa formidable victoire, nous avons eu l'occasion d'échanger avec Alphama. Pendant une vingtaine de minutes, il s'est confié sur son aventure de joueur professionnel, le parcours de son équipe en 6 French League et bien entendu sur les finales mondiales de la Pro League à Tokoname, Japon, auxquelles il prendra part avec Giants le week-end prochain.

Tu viens de remporter la 6 French League 2019 : ton premier titre national, votre première victoire depuis la GA, la première avec Korey à vos côtés, qui plus est la première sous les couleurs Giants. Ta réaction à chaud ?
C'était une super expérience. C'est le seul genre d'événement où on peut rencontrer la communauté française, une part très importante de la fanbase de l'équipe. C'est super cool pour les cinq francophones de l'équipe de pouvoir rencontrer tout le public français et d'avoir en plus de cela la famille qui puisse venir. D'un côté perso, il y avait les parents de certains joueurs, c'est un moment aussi rare que spécial dans la mesure où c'est rare que les familles se déplacent. Gagner un événement aussi personnel est vraiment important, vraiment agréable, tout comme le fait de le faire devant telle foule : bondée, passionnée, avec autant de gens qui scandent notre nom, aussi bien que celui de Vitality d'ailleurs. C'était un match qui - en plus d'être dans l'adversité, autant agréable à jouer que je l'imagine à regarder - était très fairplay, avec des amis de toujours. C'était vraiment une super expérience.

Tu l'as dit, tu as disputé cette finale face à tes amis de toujours. Mais il y a également une rivalité, un nouveau classico qui est né face à Vitality. C'est forcément mieux de disputer le titre national face à ces Vitality...
Tout à fait. C'est ce que l'on m'avait demandé dans l'interview d'avant-match, qui j'aimerais affronter en finale. J'avais répondu Vitality, parce qu'on a un passif, notre dernière rencontre s'est soldée sur un 7-0 pour eux, donc on avait une revanche à prendre. Surtout, le Millenium vs Vitality, devenu LeStream vs Vitality puis Giants vs Vitality, c'est devenu un classico de la scène française avec deux équipes Pro League au top niveau européen et s'affrontant sur leur territoire national pour voir qui est la meilleure. Evidemment, tomber contre eux, pour une finale en classico, c'était la belle histoire.

« Il y avait une atmosphère incroyable, c'était vraiment fort en émotion »

Je rebondis sur ce que tu me disais précédemment. C'est la grande scène de l'ESWC, c'est le feu, tout le monde hurle, scande ton nom, ça crie. De ton côté, comment as-tu vécu la chose ? Ce fut si je ne m'abuse une de tes plus grosses scènes.
Oui, une de mes plus grosses scènes car au Six Invitational, on n'a malheureusement pas su sortir de la phase de groupes. La scène du Major de Raleigh était je pense similaire, on parle aussi de milliers de personnes, j'en ai fait une comme ça donc cela reste effectivement de l'ordre des premières expériences. C'était vraiment très impressionnant. Malheureusement pour moi et j'ai de la chance d'avoir de bons coéquipiers, je n'ai pas fait une première map de finale très satisfaisante de mon point de vue. J'ai fait trop d'erreurs, je pense. Peut-être était-ce dû à ça, peut-être pas, je pense que je n'étais juste pas dedans sur la première comme je trouve m'être réveillé sur la seconde. Jouer sur la scène, c'était super impressionnant, ça a peut-être impacté mes performances personnelles, mais je suis sûr que ça a galvanisé l'équipe, tout le monde a sorti des perfs individuelles géniales, on a super bien joué en équipe, c'était vraiment agréable. A chaque round gagné, on entendait les  « GIANTS » en provenance de la foule, à chaque round perdu, c'était les  « VITALITY » et les ultras qui craient. On sentait qu'il y avait une atmosphère incroyable dans l'événement et c'était vraiment fort en émotion, que ce soit sur le stage comme du côté des spectateurs.


Crédit photo : Marjorie Poncin

On a pu noter des différences entre votre jeu « habituel » et celui de 6 French League, notamment dans la fluidité ou l'aisance d'action, on a vu un AceeZ qui appuyait très probablement sur Z et MAJ en continu. Est-ce quelque chose de volontaire, inhérent aux matchs et à leur enjeu ?
Je pense que ce qui fait que nous avions moins de pression sur cette ligue - tout en la prenant au sérieux - c'était dans l'idée qu'elle devait nous servir à jouer un jeu plus agressif, nous permettre de tester des choses spécifiques. Par exemple, tenter de mettre Maurice (AceeZ, ndlr) sur un rôle plus spécial et au centre de notre plan de jeu, c'était l'occasion de le faire sur un match officiel et de savoir si nous pouvions réutiliser cela plus tard. C'est peut-être aussi dû au niveau de la French League, les équipes étant parfois plus naïves sur certaines choses, cela nous permet de tester certaines choses. L'idée était de se servir de cette expérience-là pour parfois jouer plus libéré et tester des choses en match officiel qui pouvaient être utiles pour plus tard.

Tout au long de la saison, il y a eu ce conflit entre Pro League et French League, ne pas trop se dévoiler sans en faire trop peu et ne pas assurer la victoire. Ce week-end, c'était particulier, car c'était les Playoffs. Vous aviez vraiment à coeur de gagner quitte - on le pense - à vous dévoiler un petit peu. Comment avez-vous géré le fait de disputer les Playoffs de la 6FL ce week-end, sachant que vous aviez les finales de la Pro League le week-end prochain ?
Déjà, je vais me servir du parloir que tu me tends pour dire quelque chose qui me semble important. On a souvent opposé 6FL et PL, marquant la différence d'importance pour les équipes professionnelles, etc. Pour moi, ce n'est pas une bonne idée. Je trouve que ce sont deux ligues intéressantes, avec des objectifs différents, forcément des audiences différentes, un cashprize différent et elles restaient aussi bien l'une que l'autre importantes pour nous et l'occasion de tester des playstyles différents, de jouer des matchs officiels, d'engranger et de permettre de fournir de l'expérience à Korey et moi. Le fait d'avoir des matchs officiels chaque semaine en plus de la Pro League, mine de rien, ça te fait avoir un planning important, chargé, ça t'oblige à scrim à côté, à faire des semaines qui sont lourdes et c'est hyper intéressant d'avoir autant de playdays par semaine, d'apprendre à ton équipe à être capable d'évoluer avec autant de pression. In fine, j'ai ce point de vue là où il ne faut pas opposer les deux, mais au contraire les jouer de la bonne manière. C'est une approche qui a été proposée par le staff.
Pour ce qui est de ne pas utiliser nos strats pour ne pas compromettre nos perfs, il y a du vrai comme il y a du faux. Evidemment, à chaque événement international, n'importe quelle équipe proposera un lot de strats qui sont nouvelles, innovantes, dédiées à l'événement afin de créér un effet de surprise face aux adversaires n'ayant pas pu les analyser. Effectivement, ce sont des strats qu'il est pour nous impossible de montrer en French League car elles n'y étaient tout simplement pas consacrées, tout comme on a préparé des choses la veille du match contre Vitality, ou pendant le match, que ce soit des counters, des adaptations, qui elles concernent la French League et dont on ne se servira probablement pas aux finales de Pro League. Ça peut se faire sur le moment, ça peut-être planifié, mais en tout cas, l'idée, c'est que notre petit pool de strat réservé aux finales de Pro League soit gardé au chaud et honnêtement, vu tout le travail fourni en termes de strats, je pense que nous avons un stratbook assez complet pour pouvoir piocher dedans et montrer des choses différentes à chaque fois pendant ces finales de French League sans toutefois compromettre toute chance de gagner au Japon.


Crédit photo : James Cao

 

« Cette French League a tenu ses promesses »

Sans cette French League, penses-tu que vous seriez sur la même dynamique qu'actuellement ? En d'autres termes, a-t-elle répondu pour votre cas aux attentes que vous en aviez ?
Ouais, je dirais qu'elle a rempli tous ses objectifs pour nous. Si je dois mettre quelque chose derrière ces objectifs, ça serait de prendre autant d'expérience que possible en faisant le maximum de match officiel possible. Des stats sont sorties il y a pas longtemps montrant qu'au Major de Raleigh, nous étions l'équipe avec le plus de matchs officiels à son actif, en jouant tous les Minors, les qualifiers, l'Invitational, la Pro League, la GA... On a vraiment fait énormément de matchs, ce qui était donc un des objectifs de cette French League. L'objectif principal de la gagner a aussi été atteint. Celui de jouer contre d'autres équipes françaises et partager des choses avec elle, voir notre subtop française, vivier national se mettre à l'épreuve contre nous, voir des amis avec qui j'ai joué pendant très longtemps et avec qui je joue toujours, c'est toujours un vrai plaisir. Tous nos objectifs ont été atteints dans le cadre de cette French League, elle a tenu ses promesses.

« On sait comment jouer contre une équipe de jeunes joueurs talentueux »

Depuis plusieurs mois, nous pouvons vous qualifier d'équipe émergente aux performances en forte croissance. Aerowolf, également révélation et solide équipe APAC du moment, est-ce pour les finales de Pro League un adversaire qui vous correspond, votre miroir ?
Je ne dirais pas que c'est notre miroir dans le sens où notre équipe a un "core" de joueur depuis Millenium qui fait qu'elle a plus ou moins toujours été au top niveau. Millenium, ça a quand même une belle histoire et j'ai l'impression qu'on fait perdurer cette histoire, même s'il ne reste évidement que Hicks et risze ainsi que Crapelle. On reste une équipe présente dans le paysage de Rainbow Six depuis un moment, avec des joueurs connus. Aerowolf, c'est typiquement cette équipe de jeunes à la Team oNe, au Brésil. Des joueurs très jeunes, avec un potentiel de fou et supers talentueux, bosseurs et qui émergent grâce à la réunion de tous ces talents. Je ne dirais donc pas que c'est une équipe miroir, mais si je dois dire un mot sur Aerowolf, je dirais que ce sont des joueurs jeunes, talentueux, qui ont faim de prouver des choses. Nous, on sait comment jouer contre une équipe de jeunes joueurs talentueux, on l'a fait contre Na'Vi et d'autres équipes, on a fait de meilleurs résultats que Team oNe sur les Minors où on s'est croisé. Je crois qu'on sait deal avec ce genre d'équipe et je pense qu'on a toutes les armes de notre côté pour les vaincre, en sachant qu'il ne faut surtout pas les sous-estimer, étant donné qu'ils ont fait un massacre en APAC cette saison.


Crédit photo : Rainbow Six Esports

Vous sortez d'une grosse finale de 6 French League et allez enchainer sur votre deuxième finale de Pro League. Quel est l'état d'esprit du groupe ? Vous sentez-vous confiants ? Il y a-t-il une saveur particulière pour ce nouvel événement international ?
C'est notre deuxième finale de Pro League en équipe, on a fait un Six Invitational et un Major, c'est la fin du quatuor de ces quatre gros événements majeurs internationaux depuis la création de l'équipe, où on y a tous été. Je dois le dire, on n'a jamais été satisfaits de nos résultats sur nos trois derniers events majeurs. Le meilleur que l'on ait fait, c'est un quart de finale et ce n'est pas satisfaisant pour nous. Nous, on veut gagner. Ça a une saveur particulière, parce que je pense qu'il est temps pour nous d'enfin réussir sur un événement majeur à montrer qu'on est la meilleure équipe du monde sur le moment, c'est vraiment quelque chose qu'on veut atteindre et je pense qu'avec la saison qu'on a montré et notre capacité maintenant à bien jouer en LAN, comme on l'a prouvé sur les Minors et en gagnant cette French League, je pense qu'on a toutes les cartes en main pour réussir et gagner cette Pro League. Maintenant, il n'y a plus qu'à. Plus qu'à laisser les actes parler à notre place et tout mettre en place pour réussir.

« On a toutes les cartes en main pour gagner cette Pro League »

En ce qui te concerne, depuis un an maintenant, tu exploses avec ton équipe et fais le tour du monde. Comment vis-tu ce bond en avant perpétuel depuis le début de ton aventure aux côtés de tes mates ?
C'est trop bizarre. Tu bosses pendant trois ou quatre ans dans le monde amateur pour espérer atteindre ton rêve. Une fois que tu le touches, ça devient ton métier et tu te rends compte de toutes les responsabilités qui accompagnent ton travail. Il y a plein de choses dont on ne se rend pas compte quand on souhaite devenir joueur pro, tu as une image à entretenir, un métier à conserver, tu as plein de choses à faire autour de ça, beaucoup de responsabilités, beaucoup de gens qui te suivent, qui comptent sur toi pour réussir, tu dois le fait de vivre de ta passion à tous ces gens-là au final. Tu dois leur rendre la pareille en travaillant, en faisant le maximum pour réussir. Quand tu les déçois avec des résultats qui ne sont pas satisfaisants, tu te déçois toi-même, ta famille et les milliers de fans qui font que tu vis de ta passion. Toutes ces choses font que ce n'est pas facile tous les jours, qu'on a aussi un emploi du temps chargé, ce qui nous empêche souvent de passer du temps avec notre famille. C'est franchement de biens maigres sacrifices pour vivre de ma passion et continuer à faire ce que je fais et je suis ultra heureux de faire ça, ultra reconnaissant pour la chance qu'on m'a donnée et je me remets perpétuellement en question pour ne jamais avoir à décevoir les gens qui ont placé leur confiance en moi.

L'interview touche à sa fin, je te remercie pour le temps que tu m'as accordé, pour ta sincérité, ta sympathie. Je te laisse le mot de la fin, que peut-on vous souhaiter pour Tokoname ?
Merci à toi et à *aAa* pour l'interview et pour tes compliments, c'est toujours un plaisir. Merci à tous nos fans qui étaient présents à la Paris Games Week, à tous ceux qui scandaient notre nom dans le public, je vous assure qu'on vous entendait sur scène à travers nos casques anti-bruits. Merci également à tout mon entourage, tous les parents des joueurs qui ont fait le déplacement - parfois de très loin - pour venir voir ces matchs, honnêtement, je tiens particulièrement à les remercier. Ce qu'on peut nous souhaiter-là, c'est rebelote, ce week-end, on a gagné et j'espère gagner à nouveau le week-end prochain.