Nous continuons notre rétrospective des différentes régions à l'approche des Worlds 2019 de League of Legends avec, aujourd'hui, les trois équipes de la région Europe : G2 Esports, Fnatic et Splyce.


 

       

 Splyce

        Tamás "Vizicsacsi" Kiss 
        Andrei "Xerxe" Dragomir 
        Marek "Humanoid" Brázda 
        Kasper "Kobbe" Kobberup 
        Tore "Norskeren" Hoel Eilertsen

Durant le dernier Championnat du monde, les Splyce étaient chez eux mais faisaient face à une épreuve au moins aussi difficile que d'affronter les Invictus Gaming en finale. Jusqu'au dernier moment, les Serpents ne savaient pas si une place en LEC leur serait accordée. Il fallut attendre la dernière minute pour que l'équipe ait une réponse positive de Riot, leur permettant de continuer d'écrire leur histoire sur la scène européenne. Dans une interview en début d'année, Duke nous disait : "Splyce est un peu le cerbère des LCS. Nous ne sommes pas favoris mais si une équipe veut réussir à se distinguer dans le championnat, alors il faut qu'elle soit capable de nous battre." L'équipe fut reconstruite à la hâte autour de Kobbe et Xerxe, avec les arrivées de Vizicsacsi, Norskeren, et du rookie Humanoid. Leurs capacités étaient alors très difficiles à estimer, entre trois vétérans ayant déjà prouvé leurs capacités en Europe, un joueur expérimenté mais qui n'avait jamais réussi à totalement s'imposer comme l'un des meilleurs de la ligue, et un midlaner qui, s'il ne découvrait pas le milieu professionnel, faisait ses premiers pas dans la ligue la plus regardée du continent. Quatrièmes à l'issue de la saison régulière au printemps, les Serpents parvinrent à franchir le Round 1 des playoffs, avant de s'incliner contre Fnatic.


(c) Riot Games

Néanmoins, même si leur place était méritée, les observateurs n'étaient pas totalement convaincus par leur niveau, disant que cette place était certes dûe au mérite des Serpents, mais aussi aux mauvaises performances de Vitality, Misfits et Schalke 04, que beaucoup attendaient à un niveau supérieur. À ce moment-là, Splyce jouait un style de jeu plutôt classique, se reposant davantage sur une excellente macro et de bons teamfights que sur des mécaniques individuelles, que la meta semblait de plus en plus remettre à l'honneur. De nombreuses interrogations se posaient afin de savoir si les joueurs et le coaching staff pourraient dépasser cela et permettre à l'équipe de se sublimer. Lors du Summer Split, elle répondit à cette problématique par l'affirmative, s'offrant une place sur le podium en saison régulière de manière incontestée. Cependant, le premier tour des playoffs fut cruel, faisant place à une équipe Rogue qui réalisa sa meilleure prestation de l'année, en éliminant les Serpents sans leur laisser prendre une seule manche. L'équipe dut passer par le premier tour du Regional Qualifier, se heurtant à des Origen plus que remontés qui affichèrent un niveau de jeu bien supérieur à celui de la saison régulière. Au bout des cinq manches, les Serpents furent les derniers debouts. Le match suivant contre Schalke 04 eut des allures de formalité, malgré une troisième game plus serrée que les deux premières. Sur un 3-0 sec, les Splyce validèrent leur billet pour le Championnat du monde. Ils tentèrent ensuite d'obtenir un meilleur seeding, mais les Fnatic furent intraitables, et envoyèrent les partenaires de Kobbe disputer le Play-In. Splyce est ainsi la cinquième structure européenne à retourner aux Worlds, à égalité avec SK et H2K, et derrière G2 (4 participations) et Fnatic (7 participations).

Longtemps considéré comme classique avec un tank en toplane, un jungler plutôt utilitaire, un support défensif et la responsabilité d'infliger des dégâts laissée à l'ADC et au midlaner, le style de jeu des Splyce a évolué cette année pour s'adapter davantage à la meta. L'une des évolutions les plus flagrantes fut celle de Vizicsacsi en toplane, qui a petit à petit délaissé les tanks pour évoluer sur d'autres types de champions. Il conserve un goût prononcé pour les personnages orientés sur les actions collectives plutôt que sur les duellistes purs, s'illustrant davantage sur des Gangplank/Gnar/Kennen que sur des Aatrox. Il reste l'un des rares joueurs actuels pouvant s'illustrer sur certains tanks, et même si sa Poppy n'est pas sortie durant les playoffs, il faudra que ses adversaires n'oublient pas ce pick en draftant contre Splyce. Souvent décrié, Norskeren est parvenu lui aussi à agrandir son éventail de champions, notamment en passant de personnages résistants et défensifs (Braum/Tahm Kench) à des personnages plus offensifs (Rakan/Nautilus), devenant l'une des forces vives de son équipe. Il lui arrive encore de faire quelques erreurs de jugement qui peuvent coûter cher aux Splyce, notamment lorsqu'il essaie d'aller prendre la vision trop profondément sur la carte alors que son équipe est dominée, mais l'époque où il devait se faire porter par ses mates semble révolue. Il a encore quelques difficultés à s'illustrer sur des champions autres que des tanks, mais la meta permettant actuellement à plusieurs d'entre eux de briller, cela ne devrait pas trop handicaper son équipe. Pour sa première année parmi l'élite, Humanoid a plus que réussi à s'adapter. Alors que son style de prédilection l'orientait vers des mages classiques (Azir/Ryze), il est parvenu à s'illustrer sur les assassins, relativement présents actuellement, sur Corki, et même sur quelques bruisers AD.


(c) Riot Games

Son éventail de champions reste moins impressionnant que celui des plus grands midlaners au monde, mais il est suffisamment complet pour faire face à toutes les situations tant qu'il n'est pas surclassé mécaniquement. Xerxe avait déjà montré qu'il était un jungler très agressif et la meta de cette année lui a permis de s'illustrer. Le Roumain maîtrise l'intégralité des champions dominants la jungle et peut parfaitement porter une partie. Quelques zones d'inquiétude restent présentes, comme son absence de victoire sur Sylas, l'un des personnages clefs dans la jungle. Adepte du counter-jungle, il brille généralement un peu moins sur les champions qui ne le pratiquent pas et devra prouver qu'il peut s'illustrer avec d'autres styles de jeu, surtout quand son équipe se retrouve en difficulté. L'as des Serpents est sans contestation possible Kobbe, pilier de son équipe aussi bien au Spring qu'au Summer Split. Discret, l'ADC est entré par la petite porte dans le rang des meilleurs ADC européens, et avant que la majeure partie du public n'en prenne réellement conscience, il trônait fièrement parmi les Rekkles, Upset et Perkz, tel un reptile se dorant au soleil. Bien que privilégiant grandement les tireurs classiques, il peut sortir des mages si le besoin s'en fait ressentir, même si cette situation a peu de chance de se produire pendant le Championnat du monde. Malgré son expérience, le Danois a réalisé certaines actions un peu trop audacieuses en fin de split et devra contenir sa fougue lors des grands rendez-vous s'il veut prendre une dimension internationale.

Les Splyce devraient avoir achevé de convaincre le public, après avoir acquis cette qualification sans recrutement flashy, sans déclarations fracassantes mais uniquement à force de travail et d'abnégation. L'équipe ne s'est pas reposée que sur ses forces et a sans cesse cherché à mieux comprendre le jeu, à corriger ses défauts, voire même à proposer des tactiques inattendues. Maintenant qu'ils sont passés de gardiens du milieu de tableau européen à force vive de la région, il ne leur reste plus qu'à faire leurs preuves face aux autres régions. Les vers de Nicola Boileau correspondent parfaitement à l'état d'esprit de l'équipe, et l'on concluera d'ailleurs avec eux :
"Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,
Polissez-le sans cesse, et le repolissez,
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez."