Movistar KOI et G2 Esports éliminés sans victoire lors du bracket Stage du MSI 2025 : l’Europe est la première région à quitter le tournoi sans résultat probant. Une débâcle qui relance sur la toile un débat de fond sur la place réelle de la région EMEA dans la hiérarchie mondiale de League of Legends.
Une remise en cause inévitable POUR LE lec après un MSI raté
Le titre se veut volontairement un tantinet provocateur, mais il fait suite à de nombreuses discussions qui ont actuellement lieu sur la toile, sur Reddit comme sur les divers réseaux sociaux. L’Europe a quitté le Mid-Season Invitational 2025 sans bruit, sans éclat, et surtout sans victoire pendant le Bracket Stage. G2 Esports et Movistar KOI, les deux représentants du LEC, ont été éliminés dès leur entrée dans le bracket, ne réussissant pas à dépasser le premier tour de l'arbre.
Un 0-4 cinglant (3-12 en termes de maps), sans contestation possible, qui remet en cause plus qu’une simple performance ponctuelle aux yeux de certaines personnes. Le LEC, longtemps vu comme une ligue capable de rivaliser avec l’élite asiatique, semble aujourd’hui incapable de se maintenir dans le groupe des régions dominantes. Et dans la foulée du tournoi, une question revient avec insistance : le LEC est-il devenu la plus faible des ligues majeures ?

Les champions du LEC n'auront pas fait long feu (c) Riot Games
MKOI et G2 au MSI : aucune victoire, beaucoup de doutes
G2 Esports, seed 2 de la ligue LEC et passé par les play-ins, avait réussi à s’extirper de deux BO5 serrés contre FURIA et GAM Esports, validant ainsi sa qualification pour le Bracket Stage. Mais une fois dans cette deuxième étape du tournoi, le second seed EMEA n’a jamais existé, montrant à son tour de très grosses lacunes. Battu 1-3 par Gen.G malgré une première manche convaincante, G2 a ensuite été balayé 0-3 par FlyQuest. La série contre les Nord-Américains a particulièrement marqué les esprits : aucun sursaut, aucun plan clair, une domination constante de FlyQuest, incarnée par Inspired, impérial dans la jungle.
Movistar KOI, champion du LEC Spring Split et premier seed européen, a directement fait son entrée dans le Bracket Stage (Main Event). Opposé à Bilibili Gaming, le champion chinois du Spring, le club espagnol a résisté une manche avant de céder 1-3, dépassé dans tous les compartiments du jeu. Relégué en Losers'Bracket, MKOI s’est ensuite incliné contre CTBC Flying Oyster, une formation issue de la ligue du Pacifique LCP. Une défaite encore plus significative : pour la deuxième année consécutive, une équipe européenne tombe face à une région considérée historiquement comme « mineure ».
Au total : quatre séries disputées, quatre défaites. Une élimination conjointe, nette et sans appel, et ce, dès le premier tour de l'arbre. Même en remettant certaines choses en perspective, comme un éventuel décalage horaire ou une fatigue cumulée au regard de la longueur du split, le constat est sans appel : c'est un échec tout simplement.

Chez G2, le naufrage a fait mal (c) Riot Games
« Qu’est-ce que l’Europe apporte encore à la table ? »
Les réactions n’ont pas tardé. Sur Reddit, dans certains médias spécialisés, chez les influenceurs nord-américains et même au sein de la scène EMEA, le ton est dur. Beaucoup s’interrogent sur la place réelle de l’Europe à l’international. « Qu’est-ce que l’Europe apporte encore à la table ? » questionnait un utilisateur dans un fil très relayé sur r/leagueoflegends, avant d’ajouter : « Le LEC est un bon produit, mais ça ne suffit pas pour justifier deux places au MSI. »
Le streamer Ludwig a lui aussi mis les pieds dans le plat : « Quand est-ce qu’on commence à se demander si l’Europe mérite encore deux équipes au MSI ? L’Amérique du Nord, objectivement, est meilleure aujourd’hui. » Une sortie qui, si elle peut paraître provocatrice, s’appuie sur une dynamique de fond : cela fait maintenant plusieurs tournois internationaux que le LEC déçoit, sans réel signe de progression. Pour rappel ou information, la ligue LTA bénéficie de deux places, une pour la conférence nord et une pour la conférence sud.
Même au sein de la région, certains commencent à douter. Dans une interview post-tournoi, BrokenBlade (G2) avouait : « On n’est pas assez proactifs, on n’impose rien, et ça se voit dès les premiers scrims. C’est un problème qu’on ne règle pas depuis des mois. » Un constat partagé par plusieurs coachs européens qui pointent un manque de rigueur structurelle dans la préparation et l’adaptation en tournoi, dont TheRock, head coach de la Karmine Corp Blue, qui s’est exprimé sur X :
Tout ce qu’on a vu au MSI, les punitions en draft et en jeu, ce sont des choses visibles dès qu’on regarde les playoffs LCK ou LPL. La différence ? En Europe, on ne se fait pas punir aussi durement, donc certains mauvais réflexes perdurent. Ce qu’il nous faut, c’est un travail plus systématique, plus intentionnel. Pas seulement plus d’heures, mais un engagement total dans la manière de s’entraîner, mentalement et émotionnellement. Moins de discours, plus de travail.
Une prise de position qui résonne au sein d'une scène où beaucoup s’interrogent justement sur la qualité des scrims, la rigueur de la préparation, et la capacité des structures européennes à s’élever au niveau d’exigence des grandes ligues asiatiques.

Du côté de T1, la préparation semble avoir été sérieuse, comme d'habitude (c) Riot Games
Une hiérarchie mondiale qui évolue sans l’Europe
Pendant que l’Europe piétine, les autres régions avancent. La LCK et la LPL dominent sans conteste, mais la LTA et certaines ligues dites mineures donnent le sentiment de gagner du terrain. La LCP, à travers CFO, a montré un niveau de coordination et de tempo supérieur à celui de MKOI. La LTA North, avec FlyQuest, a infligé une correction à G2 en à peine plus d’une heure de jeu cumulé. Cette bascule est loin d’être anecdotique : elle redéfinit les équilibres globaux.
Le problème est que le LEC ne semble plus capable de se distinguer. Ni mécaniquement, ni stratégiquement. Le style européen, autrefois salué pour sa créativité ou sa flexibilité en draft, paraît aujourd’hui rigide, prévisible. Les drafts de MKOI contre BLG ou CFO ont été largement critiquées en ligne, notamment pour leur manque d’adaptation à la méta en place. De son côté, G2 a semblé perdre sa capacité à accélérer le jeu, à surprendre ou à casser le rythme adverse.
La comparaison avec le passé est douloureuse. En 2019, G2 atteignait la finale du MSI et des Worlds, symbolisant un âge d’or européen. Six ans plus tard, la région quitte le MSI sans avoir gagné une seule série dans le bracket, dépassée par toutes les ligues majeures… et même par certaines “mineures”. L'Europe, ou plus symboliquement le LEC, semble s'etre reposé sur ses acquis pendant plusieurs années, et à force de se reposer sur les souvenirs d’une époque révolue, celle où l’Europe pouvait prétendre jouer les trouble-fêtes au plus haut niveau, le LEC donne parfois l’impression d’évoluer en vase clos, sans remise en question réelle. Les automatismes restent les mêmes, les méthodes peu renouvelées, comme si la gloire passée suffisait à légitimer le présent. Mais dans une scène qui évolue vite, où les standards montent chaque année, cette inertie finit par peser lourd.
Vers une perte de statut international ?
L’idée d’une réduction du nombre de slots européens commence à prendre forme dans certains débats. « Si l’Europe n’est plus capable d’envoyer une équipe compétitive, pourquoi maintenir deux places ? » lit-on dans plusieurs tribunes. Et l’argument se défend : le MSI est censé réunir les meilleures formations du monde. S’il s’agit d’y voir l’Europe chuter systématiquement en première semaine, la question du mérite se pose.
D’autant que le LEC ne souffre pas d’un manque de moyens. La structure est solide, la production au rendez-vous, le bassin de joueurs reste important. Mais les résultats ne suivent plus. Et à ce niveau, seule la performance compte. KOI et G2 avaient une occasion de prouver que l’Europe pouvait encore exister à haut niveau. Elles l’ont manquée, lourdement.
Une partie du problème pourrait résider dans les choix opérés par les équipes elles-mêmes. L’Europe dispose encore de très bons joueurs, mais leur répartition semble incohérente : des talents dispersés, rarement réunis dans des projets ambitieux, et trop souvent éclipsés par des vétérans dont le niveau interroge. Certains semblent s’accrocher à leur place comme à un privilège acquis, occupant des slots clés sans réel impact compétitif. La remise en question doit sans doute être conduite à l’échelle de la ligue, mais elle passe avant tout par les équipes. C’est à elles de relever le niveau d’exigence, de reconstruire des projets cohérents, de retrouver une forme d’ambition sportive. À l’inverse, certaines structures semblent s’être installées dans une logique de présence plus que de performance, comme si leur place au sein du LEC suffisait à leur légitimité. Le départ de Rogue, remplacé par NAVI, pourrait amorcer une dynamique différente sur le moyen terme. À condition que d'autres suivent cet exemple et acceptent, elles aussi, de remettre en jeu leurs certitudes.
Le plus inquiétant reste peut-être l’absence de perspectives claires. À ce jour, aucune équipe européenne ne donne vraiment le sentiment de se construire pour rivaliser avec les meilleures formations mondiales. Aucune dynamique collective forte, aucun projet cohérent qui semble mûrir sur le long terme. Le vivier de joueurs existe, mais les talents sont éparpillés, parfois sous-exploités, parfois enfermés dans des structures sans réelle ambition. La jeune génération n’émerge qu’à la marge, souvent freinée par des schémas figés et des statuts indéboulonnables.
C’est dans ce contexte que de nombreux observateurs ont évoqué, à l’issue du MSI, le cas de la Karmine Corp. Deuxième du First Stand derrière Hanwha Life, la structure française a marqué les esprits en Corée du Sud, là où MKOI et G2 ont échoué à convaincre à Vancouver. Certains y voient la preuve que la KC aurait pu faire mieux que les deux représentants européens au MSI. Mais si l’argument se comprend, il reste à nuancer. MKOI a battu la Karmine à deux reprises lors des playoffs du LEC Spring, dans des confrontations directes en BO5.
Rien ne permet donc d’affirmer avec certitude que la KC aurait obtenu un meilleur résultat à l’international. On peut certe imaginer qu’elle aurait bénéficié d’une dynamique positive, d’un « buff » de tournoi comme elle semble en avoir connu en mars dernier, mais cela reste hypothétique. À ce stade, l’Europe manque de garanties solides, de certitudes compétitives. Et tant que les équipes continueront à privilégier le confort à l’exigence, le statu quo s’installera. Pendant que l’Europe se regarde encore dans le miroir de son passé, les autres régions, elles, avancent.

La KCorp avait permis à l'Europe de briller durant le First Stand (c) Riot Games
Une alerte sérieuse, mais pas encore un verdict définitif
Le MSI 2025 marque un tournant. Non pas par ce qu’il révèle, les faiblesses européennes sont connues, mais par ce qu’il confirme avec brutalité : le LEC semble être en train de décrocher. Quatre défaites en quatre séries, aucune victoire dans le bracket stage, un écart qui ne cesse de se creuser… Il devient difficile de défendre la place de l’Europe dans le groupe des ligues majeures. La question n’est plus rhétorique. Elle est posée.
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Cela étant dit, certains rappellent que cette débâcle n’est pas un phénomène isolé, ni totalement nouveau. Le recul de la région est amorcé depuis plusieurs saisons, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il faille tirer des conclusions hâtives ou plaider pour des solutions radicales. Le MSI reste un instantané, un point de passage, et non une vérité définitive. Il faudra sans doute attendre les Worlds à l’automne prochain pour mettre toutes les cartes sur la table, et juger sur pièce si l’Europe peut encore répondre présent quand cela compte vraiment.
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