Alors que le Fearless Draft s’est imposé comme le format standard des compétitions internationales depuis le coup d'envoi de la saison 2025, YamatoCannon dresse un premier bilan. Il revient sur ses impacts stratégiques majeurs, la redéfinition de la performance, et les défis inédits imposés aux équipes.

Un format qui redéfinit l’exigence compétitive

Dans l'une de ces dernières prises de parole, YamatoCannon revient sur les conséquences concrètes de l’introduction du Fearless Draft, devenu la norme sur l’ensemble de la saison. Six mois après sa mise en œuvre, le format révèle ses effets : sur les drafts, sur les profils de joueurs valorisés, sur l’approche stratégique des séries, et même sur la définition de l’excellence compétitive. Le constat est clair, ce changement de règles rebat les cartes à tous les niveaux.

Le Fearless comme test ultime de flexibilité

YamatoCannon explique que le format impose une flexibilité stratégique permanente. Il n’est plus possible de jouer la même composition ou le même style à répétition. Les équipes doivent être capables d’exécuter plusieurs plans de jeu, parfois très éloignés les uns des autres, dans une seule et même série. Il affirme qu’« être une équipe très isométrique dans ton style, c’est-à-dire jouer le même plan encore et encore, ça se fait lourdement punir ».

Cela implique des compétences élargies à tous les postes, que ce soit jouer tank top, jouer via le mid, ou adapter son style à des compositions poke, hard engage, scaling ou snowball. Il insiste sur la complexité de ce que cela demande. « La flexibilité, c’est probablement la chose la plus compliquée dans le jeu. Il faut déjà s’accorder sur comment on veut jouer le draft, puis être capable d’exécuter mécaniquement les champions et les teamfights… alors que tu ne sais pas comment la série va évoluer. »

Il estime que seules les équipes capables de couvrir l’ensemble du spectre peuvent survivre sur la durée. Certaines, selon lui, ont même construit leur effectif sans savoir que le Fearless serait généralisé, ce qui a pu les désavantager structurellement.

La fin des automatismes, une pression nouvelle

Ce format révèle aussi les limites des joueurs spécialisés ou trop centrés sur un nombre restreint de champions. YamatoCannon pense que « les joueurs avec du confort sur un style précis sont ceux qui souffrent ». Il cite l’exemple de Labrov, qu’il décrit comme un joueur très figé dans ses choix. « C’est le genre de joueur qui pickait Rell chaque fois qu’il le pouvait. Si elle était ban, il jouait Rakan. Si Rakan était ban, peut-être Blitzcrank. Ce type de profil est très vulnérable avec la Fearless. Après une game, ton confort est brisé. Tu dois t’adapter. »

À l’opposé, il souligne que les meilleures équipes du moment réussissent à maintenir un haut niveau d’exécution quelle que soit la direction prise par la draft. Il affirme que « leur manière de jouer les fights, de se replier et de se réengager, de combiner les sorts, c’est quelque chose qu’il n’a jamais vu avec autant de constance ». Mais même les meilleurs ne sont pas à l’abri. Il déclare que « même les meilleurs peuvent se retrouver dans des situations où ils n’arrivent pas à exécuter. La précision dans la manière de jouer un draft, c’est quelque chose qui va s’améliorer, mais qui reste très difficile à maîtriser avec autant d’itérations ».

Game 5, tensions maximales et déséquilibres réels

YamatoCannon soulève également une faille dans le format : la gestion de la dernière manche d’une série. Il estime que « la sélection du side en game 5 est incroyablement cassée. Si Varus, Pantheon, Gwen et Rumble ont été joués, alors Red Side peut setup un counter pick. Si au contraire, beaucoup d’OPs restent ouverts, alors Blue Side peut first pick l’un d’eux et gagner trop d’avantage ».

Il évoque une draft entre Bilibili Gaming et FlyQuest où Galio est first pick dans une situation où l’adversaire n’a plus de réponse possible. Pour remédier à ce genre de déséquilibre, il avance deux solutions concrètes. D’abord, ajouter une banque de temps en phase de draft pour permettre aux équipes de mieux réfléchir dans des situations inédites. Ensuite, s’inspirer de la LPL et proposer un 1v1 entre deux joueurs pour déterminer le side en game 5. Il pense que « ce serait très tendu, très engageant pour le public, et ça résout une vraie inégalité ». Il précise même : « Imagine un 1v1 pour le side selection, avec tes meilleurs joueurs ».

Il évoque aussi l’idée d’un blind pick final, mais reconnaît que cela reposerait sur un équilibrage parfait du jeu. Un scénario qu’il juge difficilement atteignable dans l’état actuel du patching.

Un format exigeant, mais salutaire

Malgré ces défauts, YamatoCannon considère que le Fearless Draft est une réussite globale. Il affirme qu’« on ne voit plus de mirror match en boucle parce que les équipes se contentent d’un handshake. C’est beaucoup mieux ». Il insiste sur le fait que le format valorise à la fois la profondeur stratégique et la qualité d’exécution individuelle. Il souligne que les drafts en fin de série sont très difficiles à anticiper car les scénarios rencontrés sont rarement reproductibles à l’entraînement. Il pense que le temps jouera en faveur des staffs, des coachs et des joueurs, qui sauront affiner leur préparation au fil des compétitions.

Enfin, il termine sur une réflexion plus large autour du calendrier compétitif. Il rappelle que la Golden Road, cette idée d’une saison parfaite, doit rester centré sur quatre tournois : Spring, MSI, Summer et Worlds. Il affirme que « la Golden Road commence au printemps. Si on commence à ajouter tournoi sur tournoi, alors ça n’a plus de sens. Il faut appeler ça autrement ».