Arnaud "BiOs" Billaudel, le coach des Français de BDS Esport, a répondu à nos questions à quelques jours de la participation de son équipe au Six Sweden Major, auquel le groupe encadré par l'ancien *aAa* ne vise que le titre et rien d'autre.

BiOs prend la parole avant le Six Major

Au moment où nous écrivons ces lignes, les 16 meilleures équipes du moment convergent vers Gävle, la ville suédoise qui accueillera le second Six Major de la saison et le dernier rassemblement transcontinental avant le Six Invitational 2022.

BiOs, ancien capitaine de la Quadriforce, y sera de la partie avec BDS Esport, le meilleur représentant francophone sur la scène internationale, qu'il a rejoint au début du mois de septembre. Les attentes de l'équipe sont très relevées pour ce nouveau tournoi majeur auquel elle participe, Elemzje et ses partenaires de jeu ne sauraient se satisfaire que d'une victoire. Mais comment y parvenir ? C'est ce dont nous avons notamment discuté avec BiOs, quelques jours avant son départ pour la Suède.

*aAa* : Depuis quand coaches-tu BDS ?
Arnaud "BiOs" Billaudel : Je coache BDS depuis le début du Stage 3, au début du mois de septembre. Je n'étais pas officiellement dans leurs rangs, mais je les conseillais déjà un petit peu avant, par exemple au Major qu'ils ont fait en août.

L'équipe a longtemps été sans coach, ce qui était une volonté affirmée. Quel a été l'élément déclencheur de ton arrivée ? Qu'est-ce qui a fait que BDS a eu besoin d'un coach et que leur choix s'est tourné vers toi ?
C'est suite à leur défaite au Six Invitational. Ils se sont demandés ce qu'ils pouvaient faire de mieux et ont estimé que la différence entre eux et les meilleures équipes brésiliennes, c'était l'absence d'un coach de leur côté. Alors ils ont tenté, ils n'avaient rien à perdre et cela ne pouvait pas être négatif.

Comment travailles-tu avec le reste du staff technique ? Comment s'articule votre collaboration ?
Chacun est à sa place : eagle est analyste, Catwo est manageuse et moi je suis le coach. Après, on s'entraide aussi, on ne reste pas strictement sur nos positions. Je suis quelqu'un qui aime beaucoup tout ce qui est stat et analyse, donc je m'y penche quand même beaucoup et je dois avoir un lien particulier avec l'analyste de l'équipe par mes fonctions, ce qui est le cas. Par exemple, pour les finales de la French League, jusqu'à 4h du matin, on s'échangeait des infos sur nos adversaires. Catwo est manageuse, mais s'occupe de l'accompagnement psychologique de l'équipe.

Différents postes se développent dans les staffs techniques de nos jours, comme les coachs dits "stratégiques" et ceux dits "mentaux". Lequel es-tu ?
Je fais un peu de tout. De par mon parcours, j'ai fait du management, du coaching tactique, beaucoup d'analyses et du coaching psychologique lors de mes six mois passés chez Acend. J'ai porté la casquette de coach mental avec eux par manque de temps et d'envie, la compétition ne m'intéressait plus, il n'y avait vraiment rien à faire lors de nos premiers mois ensemble. Je ne passais donc que très peu de temps avec eux et m'attardait surtout sur les questions d'ordre psychologique de l'équipe, c'est d'ailleurs sur ce point-là que j'ai beaucoup aidé pour les qualifications à la Challenger League. J'ai apporté une énorme plus-value à plusieurs joueurs et ils m'en ont remercié. Donc je suis capable de tout faire et je fais un petit peu de tout, d'autant plus avec mes joueurs qui sont très calés tactiquement. S'ils savent quoi faire et que leurs intentions sont bonnes, je les laisse faire, mais je les corrige lorsqu'ils n'ont pas le recul nécessaire.

L'équipe avait donc de grosses lacunes psychologiques et c'est en grande partie pour cela que tu as été appelé en somme...
C'est surtout pour un besoin de recul des joueurs sur eux-mêmes. Il faut garder en tête que BDS est une équipe qui a perdu à un round prêt contre NiP au Six et Empire au Six Mexico Major. Ce ne sont pas réellement des échecs, car à un round prêt, ils auraient pu tout gagner. Cela veut dire qu'ils n'ont potentiellement pas besoin de moi pour gagner ce Major ou le prochain Six. Mais je vais leur apporter une plus-value qui fera peut-être la différence et leur permettra de remporter des titres internationaux.

Tu as déjà coaché RaFaLe et BriD chez Vitality, est-ce un plus ?
Oui, cela a déjà facilité mon intégration au groupe. Je ne connaissais pas bien Shaiiko, Renshiro et Elemzje mais le courant passait déjà bien avec eux-deux donc c'était idéal. Je pense également qu'ils ont pesé dans la balance lors de mon recrutement.

Tu portes ce brassard de coach depuis plusieurs mois/années, mais vivra ici ta première "grosse" expérience à ce poste...
Oui, mais il ne faut pas oublier mes six mois chez Vitality, lors desquels j'ai participé au Major de Paris et à une saison de Pro League [rires].

Certes, mais j'entends surtout par là ta première expérience de coaching stable et pérenne...
Oui ! C'est la première fois que c'est mon travail à temps plein.

Qu'est-ce qu'être coach après avoir été joueur ?
Être coach est pour moi 100 fois moins bien que toutes les sensations que tu peux vivre en tant que joueur et cela me manquera toujours. Quand je vis un match, je le vis toujours moins intensément, je suis moins joyeux que mes joueurs en cas de victoire, ou à l'inverse je suis un peu moins touché par les défaites, ce qui n'est d'ailleurs pas plus mal pour me permettre de prendre du recul. C'est quand même moins intéressant, les sensations ne sont vraiment pas les mêmes mais c'est tout de même sympa de pouvoir apporter mon bagage et partager ce que j'ai pu vivre. C'est une page qui se tourne, je ne suis plus joueur, mais je peux continuer à profiter de la compétition et à faire profiter aux autres de mon expérience.

Ton passé comme joueur t'aide-t-il beaucoup dans tes fonctions aujourd'hui ? Est-ce important d'avoir été joueur pour coacher ?
Alors oui, à 100 %, cela ne fait aucun doute. Il y a plusieurs types de coach, mais j'ai quasiment vécu tout ce que peut vivre un joueur et je peux donc comprendre à quoi il peut penser à l'instant t, même quand il ne parle pas. Stratégiquement, je sais ce que c'est qu'un match, je peux comprendre pourquoi telle ou telle personne a fait une erreur et juger de sa gravité, même donner les conseils pour éviter de la reproduire. Ça aide beaucoup beaucoup beaucoup, c'est même une des choses les plus importantes dans mon coaching étant donné que je n'ai pas de diplôme vis-à-vis de cela.

Tu es de retour sur le devant de la scène, au plus haut, comme coach. Quel effet cela te fais ? Es-tu inquiet, ou ambitieux ?
Je ressens beaucoup d'excitation, je suis trop content de retrouver le haut du tableau, de rejouer des gros matchs comme lorsque j'étais joueur. Jouer de grosses compétitions, c'est tellement différent... et kiffant à vivre ! Au Major, je vais croiser des équipes que je ne connais pas bien, car je ne m'intéressais pas trop à elles lorsque j'ai coaché chez PENTA ou Acend, j'avais autre chose à faire, mais c'est trop excitant de nous y préparer, d'essayer de les piéger, c'est trop bien. Ce n'est pas stressant, au contraire, c'est vraiment excitant !

Tu nous parlais d'une expérience pas mirobolante chez Acend, tu découvres donc un nouveau pan du coaching avec cette nouvelle expérience...
C'est ça, oui. Mais cela s'explique également par le fait que les scènes T2-T3 soient un quasi-néant compétitivement parlant sur Rainbow Six. S'il y en a, les compétitions ne sont vraiment pas optimales. Actuellement, l'European Challenger League pouvait se résoudre à jouer trois matchs sur une saison et à revenir l'année prochaine. C'est compliqué de s'investir à 100 % là-dedans.

Parlons désormais un peu plus du Major. Vous sortez d'une saison quasiment parfaite en European League, dont vous avez terminé le Stage 3 invaincus. Comment abordez-vous ce nouveau rendez-vous ? Quel est l'état d'esprit de BDS ?
On veut continuer sur notre série d'invincibilité, les gars sont déterminés, pas vraiment anxieux, dans un bon état d'esprit, pas forcément revanchards, mais juste concentrés à faire le taf et on verra ce que ça donne.

Votre défaite en finale de la 6FL a-t-elle pu affecter l'équipe malgré l'enjeu moindre qu'au Six Sweden Major ? Vous met-elle un coup au moral, ou vous passe-t-elle au-dessus ?
La French League...[il marque un arrêt]. Je vous invite à regarder la différence entre les moments où Vitality gagne un round, et ceux où nous en gagnons un, ou encore quand on fait un beau comeback sur Bank et qu’on gagne la carte. Je ne m'en sers pas d'excuse, bien au contraire, nous n'avons pas réussi à nous conditionner, à rendre cet événement important et donner notre vie pour le remporter. Nous considérons que notre défaite n'est pas si grave pour la suite, cela ne nous a pas heurté, même si cela ne nous fait forcément pas plaisir puisqu'on voulait tout de même gagner. On n'a pas réussi à mettre ce supplément d'âme dont a fait preuve Vitality et c'est de notre faute. Cependant, il était absolument hors de question de déployer le jeu que nous allons déployer au Major, lors duquel vous allez voir de nouvelles strats qu'on aurait pu montrer contre Vitality, qui nous auraient certainement permis de remporter des rounds, mais qu'on garde pour le Major. L'année dernière, les gars ont joué la 6FL à fond, ils l'ont gagnée, mais ont été counter-strat par Empire au Major qui a suivi. C'est quelque chose qui les a beaucoup marqués et ils ne s'y sont pas repris à deux fois. Cela dit, félicitations aux Vitality, qui étaient peut-être dans la même optique, mais qui ont su mettre le supplément d'âme nécessaire pour gagner. Honnêtement, il y avait beaucoup de 50-50, des situations pouvaient aussi bien tourner en notre faveur qu'en la leur, cela a basculé tout le temps du leur certainement grâce à ce supplément d’âme. Supplément d’âme qu’on aura cette fois-ci forcément au Major, nous ne sommes donc pas inquiets suite à cette défaite.

Vous prendrez part au Six Major, mais êtes également qualifiés aux finales EUL ainsi qu'au Six et cela devrait entrer en compte. Comment allez-vous organiser votre préparation, qu'allez-vous prioriser ?
On fait ce Major, et on verra par la suite. Nous ne sommes concentrés que sur ça, le seul truc que nous faisons pour préparer les finales d'European League, c'est de ne pas pracc contre G2, Na'Vi et Empire, puisque ce seront nos adversaires et on ne veut pas qu'ils s'habituent à notre jeu. Nous sommes focalisés sur le Major, et celui-ci passé, avec un bon résultat je l'espère, on verra la suite.

Vous ne serez plus le seul espoir français à ce tournoi international grâce à la qualification de Vitality, cela change-t-il la manière dont vous abordez l'événement psychologiquement ?
On s’en fiche un peu. C’est sympa de voir des gens que l’on connaît avoir de la réussite, mais ça ne change rien pour nous dans notre préparation de tournoi. Eventuellement on va vouloir au fur et à mesure du tournoi faire un meilleur résultat qu’eux mais ça reste très anecdotique. Il est possible que cela puisse galvaniser les deux équipes de voir l’autre gagner ses matchs, on verra.


Crédits : Ubisoft

Les groupes sont tombés et vous n'y croiserez pas le chemin des Vitality de sitôt. Comment abordez-vous vos premières rencontres ?
Il n'y a pas de match facile, il n'y a pas de petite équipe. C'est très compliqué de se dire qu'une équipe sera d'un niveau inférieur. Ce qu'on sait, c'est que notre premier adversaire, c'est nous-mêmes. On va croiser Invictus, NiP et Soniqs et on estime qu'on peut les vaincre, vis-à-vis de notre préparation, uniquement si on ne déjoue pas sur nos matchs. Cela étant, ça reste des BO1s, louper une map est toujours possible, cela ne dépendra que de nous. Une fois en Playoffs, on croisera peut-être des équipes extrêmement fortes et cela ne se jouera peut-être à rien du tout, même si j'espère qu'on gagnera largement. Nous serons nos premiers ennemis en poule. Une fois les poules passées, le premier ennemi sera l'adversaire.

Vous attendez la victoire et rien d'autre à ce Six Sweden Major, quelles sont tes directives pour l'emporter ?
Objectif maximal, le titre, oui. Maintenant si on fait une demi-finale, qu'on perd face à une grande équipe à l'issue d'un grand match, on sera déçus, mais cela ne sera pas catastrophique, bien que l'objectif soit de gagner. Nous n’aurions pas à considérablement nous remettre en question si cela arrive. Je veux dire qu'une équipe qui arrive toujours dans le dernier carré et qui arrive à bien jouer, à un moment donné, elle gagnera un grand titre. Et ça c’est le minimum à viser. Maintenant, le but est clairement de gagner ce titre. Le jeu déployé en EUL nous rend candidat à ce titre. Mais avant de penser au titre, commençons par penser à notre premier match, notre première carte, notre premier round.

N'est-ce pas un petit peu cela qui vous a fait défaut par le passé, miroiter sur de grandes victoires, ce qui vous a mené à perdre d'aussi grands matchs ?
Je ne peux pas être formel vu que je n'étais pas avec eux, mais maintenant, les connaissant, je ne pense pas. On en revient à ma carrière de joueur, je sais que pour être à 100 % face à une équipe avec un bon potentiel, il ne faut pas trop rêver, pas trop avoir la tête ailleurs.

Je te remercie pour le temps que tu m'as accordé et te laisse conclure cette discussion !
Merci à toi, Thomy, pour l'interview. Encore une fois, suivez chacun de nos matchs, notre Stage 3 était une vraie aventure qui était faite que de victoires pour l'instant, mais chacune était une vraie bataille. Il faudra suivre tous nos matchs, ça va être un vrai combat et que ce soit Invictus, Soniqs ou NiP, il faudra jouer à 100 % car l'adversaire ne laissera rien passer.