Lors de son passage sur le plateau de Popcorn, Kameto, le fondateur et CEO de la Karmine Corp, a longuement expliqué le report du KCX, la nouvelle stratégie sportive de la structure, la double présence en LEC, le cas Yukino et la philosophie d’un mercato assumé comme risqué. Il en profite aussi pour revenir sur ce qu’il apprend en tant que dirigeant, entre charge mentale, restructuration et conversations difficiles.
Une fin d’année sous tension et un KCX reporté
Domingo commence par rappeler la cadence des derniers mois : Defi sur Warzone, événement caritatif Stream for Humanity sur League of Legends, nombreux casts et actualité brûlante de la KCorp. Kameto admet que le rythme est parfois lourd à encaisser, tout en relativisant. Il explique que « des fois mentalement c’est chaud », mais qu’il suffit parfois de « trois nuits de sommeil et c’est réglé et ça repart », manière d’illustrer un équilibre encore fragile entre surmenage et récupération.
Très vite, la discussion se focalise sur le report du KCX, initialement prévu les 19 et 20 décembre 2025. Kameto résume les raisons, une longue chaîne de facteurs qui se superposent. Il parle d’« un mix de plein de choses différentes entre les problèmes récents » et le choix d’une période objectivement compliquée. Il rappelle que « comme dit, 20 décembre, c’est chaud pour les trains etc..., c’est les fêtes de fin d’année », en soulignant que « les gens, ils vont aller voir leur famille et le prix des trains, des hôtels, tout était extrêmement coûteux ». Dans ce contexte, organiser un événement massif pour la communauté devenait, selon lui, « chaud » pour tout le monde, y compris pour le portefeuille des supporters.
Il insiste pourtant sur le fait qu’avec un gros effort de communication, l’événement aurait sans doute trouvé son public. Il explique très clairement que « si je faisais l’effort de bien le vendre, de tout re-hype etc..., ça serait bien passé et les gens seraient venus ». Le problème n’est donc pas seulement la demande, mais l’état global de la structure à ce moment-là. Kameto raconte qu’« il y a les galères qui arrivent, il y avait les problèmes », au point de considérer que « 2025 ça s’est mal fini parce qu’il y avait les problèmes ». Dans ce contexte, il assume avoir eu besoin d’une décision nette, en expliquant s’être mis « en mode “OK, vas-y go reset” ».
Le fondateur de la KC détaille alors le raisonnement interne. Il se souvient s’être posé avec ses équipes pour trancher, et d’avoir fini par dire que « cette fin d’année, ça sert à rien de faire le KCX. Même si on le fait, on le pousse, ça va bien se passer et cetera ». Il insiste surtout sur la dimension humaine : « quand on fait un KCX, bah là c’est le 5e. Donc j’en ai vu quatre avant. Les employés de la boîte sont morts parce que c’est chaud, c’est beaucoup d’énergie, tout le monde est focus de malade sur l’événement pour que ça se passe bien pour régaler les supporters ». Dans ces conditions, il conclut qu’« il fallait prendre la décision » de renoncer, même si « c’est pour les 5 ans », même si « ça fait chier ». L’objectif est désormais simple : « on va le faire l’année prochaine et se refocus pour que 2026 se passe à merveille ».

Le KCX 5 aura finalement lieu en 2026 (c) KCorp
Un format d’événement à réinventer sans matchs officiels
Le KCX reporté devait déjà marquer une rupture de format, avec un événement étalé sur deux jours. Interrogé sur l’avenir de cette formule, Kameto laisse entendre que rien n’est coulé dans le marbre. Il estime qu’« on va rechanger » et qu’il faudra « essayer de trouver le meilleur mix pour régaler les fans qui vont se déplacer », tout en reconnaissant que « c’est compliqué en vrai de trouver le bon format parce que c’est pas des matchs officiels à chaque fois ».
Il décrit la difficulté de faire rentrer l’événement dans les contraintes des éditeurs et des ligues. Il admet qu’« en vrai c’est chaud de faire un match officiel par exemple à la Arena délocalisé devant 30 000 personnes qui sont contre toi », rappelant qu’un match de ligue majeur dans un tel contexte serait de fait un match à l’extérieur pour l’adversaire, loin du cadre habituel « dans les locaux à Berlin tranquille ». Il rappelle aussi que « sur la période où ça arrive, il y a pas de match officiel », ce qui complique encore l’équation.
C’est ce qui explique la volonté de mélanger contenus et formats : un peu de musique, des séquences spéciales, des showmatches. Il résume l’idée en expliquant qu’ils essaient « de mettre un peu de musique, d’essayer de faire des choses à côté », tout en gardant en tête que même sans enjeu sportif officiel, « c’est des belles images quand même » et que les fans viennent précisément pour ces moments-là.
Billets, trains, hôtels : un remboursement élargi pour les supporters
À l’annulation de l’événement s’ajoute la question des supporters déjà engagés, qui avaient acheté leurs billets et parfois réservé leurs transports et leur hébergement. Kameto confirme le remboursement des places, mais annonce aussi avoir décidé d’aider ceux qui ne peuvent pas se faire rembourser leurs trains ou leurs hôtels. Il explique « en gros je vais mettre une somme et ça va servir à rembourser les gens qui peuvent pas se faire rembourser sur leur billet de train, leur hôtel et cetera ».
Il refuse toutefois de présenter ce choix comme un geste héroïque. Pour lui, « c’est même pas un move de prince », car il considère avoir une responsabilité directe dans la situation. Il va jusqu’à dire que « pour moi, je les ai trahi ». Il rappelle que « le fait d’annuler, de changer la date, bah c’est des gens qui m’ont fait confiance et qui ont mis leur argent et qui allaient mettre leur temps pour venir à l’événement pour kiffer ». Dans ce contexte, il estime qu’en décalant l’événement, il ne peut pas simplement s’en tenir à une logique comptable. Il conclut très simplement que « je me suis dit, je suis obligé de faire un truc pour ces gens-là ».
Autour de la table, on rappelle que des événements, des concerts ou des compétitions sportives qui bougent ou se décalent existent « toute l’année », mais que des organisateurs qui « prennent en compte à 100 % le truc » restent rares. La différence ici, c’est que la décision vient directement du patron de la structure, qui assume le choix d’indemniser au-delà de ce qui est strictement obligatoire.
Les Arènes KCorp : « faire moins mais faire mieux »
Domingo enchaîne ensuite sur les Arènes, le "lieu de résidence" de la Karmine Corp, dont l’exploitation a beaucoup fait parler. Kameto rappelle qu’« il y a eu la LFL, il y a eu plein d’événements là-bas », mais que très peu d’entre eux étaient pleinement marqués KCorp. Il admet sans détour que les Arènes ont été sous-utilisées. Il reconnaît que « c’est vrai qu’on l’a un peu sous-exploité, même on l’a sous-exploité », et justifie cela par la charge globale qui pèse sur les équipes : « c’est juste qu’il y avait beaucoup de trucs à faire et organiser des événements, ça prend vraiment beaucoup d’énergie pour les équipes et cetera ». De là naît une nouvelle ligne directrice pour 2026 et les années suivantes. Kameto formule clairement son intention : « pour 2026 et pour le futur, j’ai envie qu’on fasse moins mais qu’on fasse mieux ».
Cette volonté se traduit par l’idée de « être plus focus sur le peu d’équipes qu’on va avoir pour assurer avec ces équipes » et, en parallèle, de « prendre un peu plus de temps pour utiliser les Arènes, faire plus d’événements avec la communauté et que ça soit un peu plus clean ». Il observe que jusqu’ici, la structure a accumulé « un milliard de teams de partout », ce qui disperse l’attention. Le message est simple : resserrer le projet, exploiter vraiment les outils existants, et sortir d’une logique de multiplication des fronts.
Triple casquette et charge mentale assumée
Au fil de la discussion, Domingo revient sur la situation personnelle de Kameto, ce dirigeant qui reste aussi créateur de contenu à plein temps. Ils se remémorent ce moment où il disait revenir de vacances décidé à « y aller plus doucement », avant de replonger immédiatement dans une succession de marathons, de finales castées et d’événements organisés. Kameto ne nie pas la réalité de cette triple casquette. Il reconnaît que « ça fait beaucoup » de responsabilités à porter en même temps, entre son activité personnelle, la gestion de la Karmine Corp et le pilotage d’une restructuration, mais il ajoute aussitôt que « c’est ce que je kiffe donc on y va ». Le plaisir qu’il prend à faire tout cela reste, à ses yeux, la clé qui rend ce rythme soutenu encore acceptable, malgré la fatigue et les périodes mentalement difficiles.
KCorp, KCB et la double présence en LEC
Lorsque la conversation bascule sur le terrain sportif, League of Legends occupe naturellement une place centrale. Kameto rappelle les jeux qui restent au cœur du projet : une équipe en VCL, l’académie du circuit VCT sur Valorant, Street Fighter, et bien sûr League of Legends. Le cas de KCB, la formation académique, est détaillé au moment où on évoque son titre aux EMEA Masters et l’obtention d’un slot pour le LEC Versus.
La conséquence est claire : « il y a deux équipes en plus » pour le Winter Split, avec KCorp et KCB qui évolueront toutes les deux en LEC au début de l’année. Kameto confirme que « le Winter Split, le premier split de l’année, il est garanti pour les deux équipes », avant de préciser qu’« après ça revient au format plus normal ». Le dispositif à deux équipes en ligue majeure n’est donc pas destiné à durer indéfiniment, mais il symbolise une étape exceptionnelle dans l’histoire de la structure.
Sur les réseaux sociaux, cette situation a relancé le jeu des identités et des appartenances, entre « KC» et « KCB». Sur le plateau, chacun explique vers quelle équipe il penche, mais Kameto assume sa position sans ambiguïté, en rappelant qu’« il y a des enjeux » importants, notamment financiers, derrière le slot principal. La discussion reste légère sur la forme, mais laisse transparaître la pression qui entoure ce double projet en LEC.
Yukino, la pépite américaine qui choisit de rester
Au milieu de ce tableau, le cas de Yukino occupe une place particulière. Kameto raconte comment le jungler américain s’est imposé comme une découverte majeure. Il le présente comme « une pépite américaine », en insistant sur le caractère atypique de ce profil : « sur LOL, normalement les talents américains, c’est vraiment… c’est très très très rare. C’est pas une région où il y a un énorme vivier ». Il explique que « le mec, c’est un génie », tout en rappelant que « au début, c’était très dur », avant qu’en « quelques mois, c’est devenu vraiment la sensation en Europe ».
Le dirigeant dévoile ensuite l’envers du décor de ce mercato. Yukino a reçu « une offre pour aller jouer en Ligue majeure aux États-Unis dans une des meilleures équipes américaines ». Alors que tout pourrait laisser penser à un départ logique, Kameto raconte que le joueur a fini par leur dire « je veux rester en fait, finalement je vais réfléchir, je veux rester dans l’académie de Kcorp parce que je veux prouver ma valeur et je veux jouer ici ». Il résume la situation en assurant que « c’est bon, c’est bon », et qu’il a « annoncé en live » que le joueur « reste à la maison ». Ce choix illustre une certaine volonté de la part de la KCorp : conserver des talents capables de faire la différence, même lorsqu’ils sont sollicités par des équipes majeures ailleurs, et leur offrir un environnement où ils peuvent prouver leur valeur au plus haut niveau.
Un mercato « quasiment terminé », mais encore sous embargo
Interrogé par Domingo sur l’état des annonces, Kameto reste prudent. Il admet que « le mercato est quasiment terminé », tout en rappelant qu’« officiellement », rien n’a encore été dévoilé. Il précise qu’« il y a des joueurs qui avaient des contrats sur plusieurs années », ce qui constituait une base de travail, mais il insiste sur la fluidité du marché : « il y a des joueurs qui ont des contrats sur plusieurs années qui peuvent partir », et au final « tout est possible ».
À plusieurs reprises, il coupe court aux tentatives de le faire entrer dans le détail des mouvements. Il explique qu’« il n’y a rien d’annoncé donc pour l’instant rien ne bouge », même si chacun a bien conscience que de nombreuses informations circulent déjà sur les différents réseaux sociaux. Il refuse de laisser la conversation dériver vers des révélations prématurées, rappelant que la priorité reste de respecter le calendrier et la forme des annonces officielles.
« Signe, on verra après » : la philosophie du mercato 2025-2026
Kameto finit par raconter un moment précis de ce mercato qui illustre sa philosophie. Il explique qu’il était « sur WhatsApp » pour parler d’un joueur et que tout le monde savait qu’il s’agissait d’une « priorité ». Il décrit le dilemme classique : « est-ce que tu grides et tu matches pas l’offre ou tu t’essayes pas de match une offre qu’il a reçue », en misant uniquement sur le projet sportif, ou est-ce qu’au contraire « tu augmentes un peu, tu matches pas à 100 % les autres offres mais tu augmentes un peu et là tu sais que ça va le faire ».
À un moment, il raconte avoir tranché sans détour. Il explique qu’il a fini par se dire « j’ai envoyé, signe, on réglera », avant de résumer le message en « signe le joueur, on verra après ». Il précise que « c’est l’idée de ce mercato, c’est signe, on verra après », comme une manière de traduire l’urgence et la détermination de cette intersaison. Derrière, l’objectif est assumé : « l’année prochaine, c’est très sérieux ». La Karmine Corp se projette clairement sur les Worlds, avec une volonté de ne pas regarder à la dépense sur certains profils jugés essentiels.
Apprendre à être patron : distance, erreurs et conversations difficiles
Lorsque Domingo l’interroge sur ce qu’il a appris en tant que dirigeant, Kameto ne prétend pas tout maîtriser. Il reconnaît qu’« il y en a eu un milliard » d’erreurs, notamment dans la gestion de l’affect avec les joueurs. Il admet qu’« il y a des joueurs dont j’étais très proche avant » et qu’il essaie désormais, « ça fait plusieurs années », de « mettre une bonne distance, une bonne barrière ». Il décrit ce nouvel équilibre en expliquant que « on va rigoler quand je vais passer aux locaux, on va chill etc..., mais frérot c’est moi le patron, si tu fous la merde on va avoir une mauvaise conversation toi et moi ».
Il insiste sur le fait qu’il était, au départ, quelqu’un qui fuyait ce type de confrontation. Il explique que « j’avais jamais eu ce genre de conversation avant », qu’il avait tendance à « repousser le problème si tu l’as pas sur le moment », mais que la réalité de la compétition et du management l’a rattrapé. Aujourd’hui, il affirme que « j’en ai eu des conversations difficiles », au point de se décrire comme « expert maintenant tout ce qui est conversation difficile », après une « formation express en conversation difficile ». Il va jusqu’à dire qu’« au début ça me faisait chier, maintenant je suis en mode encore une, allez c’est parti, au charbon, on y retourne ».
Sur le plan plus global, il reconnaît qu’« il apprend beaucoup ». Il parle d’« expérience de prendre, d’essayer de prendre des risques » et d’un environnement où « ça reste de la compétition donc il y a quand même une prise de risque que tu peux pas mesurer ». Il envisage déjà le bilan à venir en confiant que « ça se trouve au milieu d’année, je vais être en mode c’est le coup du siècle comme ça va être “je suis dans la merde là les gars” ». Pour lui, c’est précisément ce qu’il « n’avait pas appris » au départ, mais qu’il est en train d’intégrer, saison après saison.
2026 : un projet resserré, mais des ambitions élevées
En fin d’échange, Kameto trace les grandes lignes de la Karmine Corp pour 2026. Il évoque les « tier 1 Berlin » avec la présence en VCT, League of Legends avec deux rosters au Winter Split puis un retour au format classique, et d’autres jeux qui complètent le tableau. Il cite TFT, VGC, les Game Changers et Rocket League. Il met en avant les Game Changers en expliquant que les résultats sont « exceptionnels », que c’est « la meilleure équipe d’Europe sur l’année » et qu’« elles ont les Worlds là, dans quelques jours ».
La cohérence avec le début de l’entretien est nette : réduire le nombre de projets, mieux exploiter les Arènes, se concentrer sur un noyau de rosters forts, tout en assumant une prise de risque plus élevée sur le mercato. Kameto présente une Karmine Corp en transition, décidée à « faire moins mais faire mieux » et à faire de 2026 une année charnière, où l’on ne se contentera plus de viser les sommets de loin.