Dans le dernier podcast EUphoria, les rookies de Team Heretics, Kamiloo et Carlsen, ont livré un entretien dense sur leur montée en puissance, la gestion de la pression et l’identité collective de leur équipe, à l’image d’un projet qui se construit sans bruit mais avec méthode.

Travail mental, apprentissage rapide et absence d’ego : le socle Heretics

À l’orée de la sixième semaine du LEC Spring Split, Team Heretics s’est imposée comme une des formations les plus intéressantes du peloton. En progression constante depuis le Winter Split, la formation ibérique portée par un duo de rookies francophones et nordiques donne une image claire de ce qu’est une équipe en structuration : rigoureuse, disciplinée, et surtout lucide sur ses faiblesses. Invités du podcast EUphoria, Kamil « Kamiloo » Benaouda et Mathias « Carlsen » Carlsen ont longuement évoqué leur intégration dans la ligue, la discipline instaurée par leur structure, et leur ambition individuelle, dans un ton à la fois lucide et posé.

« On a cette conscience collective qu’il faut toujours se battre pour gagner. Même si la partie est complètement injouable, on essaie toujours de se rassurer les uns les autres que c’est encore gagnable. » explique Carlsen. Dans les moments difficiles, c’est souvent Flakked qui prend le relais : « Flakked dit toujours : respirez, calmez-vous, quelle est la prochaine action. Et ensuite on passe à la suite. »

Une philosophie d’équipe : “Ego is the enemy”

Derrière les principes affichés, cette approche découle d’un vrai travail personnel entamé dès le bootcamp hivernal. « L’ego est l’ennemi. » résume Carlsen, en référence au livre de Ryan Holiday qu’il a lu avec Kamiloo à Madrid. « On essaie de rester objectifs sur notre gameplay et sur le travail qu’on fournit. »

Cette lutte contre l’ego se traduit jusque dans leur manière d’assumer les rôles attribués. « Même quand je suis derrière, quand je me fais dépasser statiquement, je n’essaie pas d’outplay. Je reste calme et j’attends que l’équipe fasse le travail. » explique Kamiloo. Et Carlsen, souvent laissé weakside, assume : « Je suis souvent sur un side, à prendre les waves tout seul. C’est juste la nature du jeu. Ce n’est pas un problème. »

Un hiver difficile : “Mes sides étaient dégueulasses”

Les deux joueurs ne maquillent pas les débuts compliqués de l’équipe. « J’étais vraiment nul. Mes sides étaient dégueulasses. Je ne savais pas jouer les sides. J’étais juste vraiment nul à ça. Je faisais des reviews, et je disais des trucs qui n’avaient aucun sens. » reconnaît Kamiloo. Il évoque une période d’apprentissage intense, où chaque erreur devenait matière à correction : « J’ai utilisé cette haine envers moi-même pour travailler plus dur. Plus de soloQ, plus de reviews, plus de structure. »

Même honnêteté chez Carlsen : « Au début, rien ne semblait aller. La chaise, la sensibilité de la souris, tout me paraissait étrange. Mais ce n’était pas un vrai problème, c’était dans ma tête. Je cherchais des excuses avant même de monter sur scène. » Il ajoute : « J’étais en mode fuite ou combat. Je pensais littéralement à quitter la scène. »

Ce sentiment de surcharge mentale, Carlsen l’a transformé en méthode : « Je m’assois après chaque match et je réfléchis. J’écris mes émotions, les moments où j’ai craqué, ce que j’aurais dû mieux faire. J’essaie de transformer ça en axes de progression. »

Des ambitions claires, sans précipitation

Malgré leur ambition, les deux joueurs refusent de céder à la précipitation. Interrogé sur sa position dans la hiérarchie, Kamiloo répond : « Je suis exactement là où je veux être sur ma courbe. Ni en avance, ni en retard. » Il vise une place dans le top 3 des midlaners du LEC et espère emmener son équipe jusqu’aux Worlds : « Je veux faire partie du top 3 des midlaners cette année. Et je veux qu’on aille aux Worlds. »

Carlsen, plus réservé : « Je n’ai pas d’objectif final. J’essaie juste d’être la meilleure version de moi-même chaque jour. » Il complète toutefois : « À mon meilleur niveau, je peux battre les trois meilleurs toplaners. »

G2, Fnatic, KCorp : une analyse lucide du haut du tableau

Au fil de l’émission, les deux joueurs livrent leur lecture du haut du tableau. Sur G2, Kamiloo est clair : « Leur macro est toujours très bonne, mais ils font beaucoup d’erreurs en teamfights. » À l’inverse, Fnatic est jugé dangereux mais irrégulier : « Quand ils sont dans un bon jour, je pense que Humanoid et Razork sont le duo mid-jungle le plus effrayant de la ligue. Mais la plupart du temps, ce n’est pas un bon jour. Donc tu peux les battre. » Il critique aussi certaines drafts : « Ils ont draft Gragas mid. Et toute la draft tournait un peu autour de Gragas mid. Pour moi, ça n’a aucun sens. Tu veux jouer les sides avec ce champion, pas être celui qui engage. »

Sur Karmine Corp, qu’ils ont affrontée en BO3, Carlsen estime que « c’était une grande série pour nous. Même si on a perdu, on a beaucoup appris. On a été plus proactifs que d’habitude. Ça nous a aidés. » Kamiloo analyse leur style : « Ils sont vraiment bons en teamfights. C’est leur force. Leur early game est leur faiblesse. Mais je sais qu’ils essaient de le corriger, tu peux le voir dans leurs drafts depuis leur voyage en Corée. »

Discipline et progression continue

À l’image de leur intervention, Kamiloo et Carlsen incarnent un projet Heretics structuré, sans éclat démesuré mais solidement construit. La rigueur mentale qu’ils affichent, loin des clichés sur les rookies flamboyants, confirme que la progression passe d’abord par l’humilité et la constance. « Même quand je me sens mal, je me demande juste : qu’est-ce que je peux faire demain pour aller mieux ? Et je le fais. » résume Carlsen.