Les cas de cyberharcèlement ne manquent pas. Que ce soit en France ou à l'étranger, bon nombre de personnes en ont été victimes, comme Ultia récemment, lors du Z Event et de « l'affaire Inoxtag ». Aujourd'hui, Game and Rules et la rédac' *aAa* en abordent le cadre juridique.


II. Responsabilités et sanctions

A- Le ou les auteurs du cyberharcèlement

L’auteur principal du cyberharcèlement est le premier responsable des contenus haineux en ligne. Cependant, sont également responsables, depuis la loi Schiappa, les co-auteurs, c’est-à-dire les personnes qui relaient les propos harcelants que ce soit par des partages, des commentaires, des retweets, des likes ou par tout autre moyen. Il s’agit de ce qu’on appelle des « raids numériques » ou du « harcèlement de meute ».

Par conséquent, peut-être incriminée toute personne qui a participé, même par un acte unique, sans concertation, au cyberharcèlement en groupe d’une personne. Ainsi, les internautes, membre du groupe qui a participé à une campagne de cyberharcèlement, peuvent être pénalement poursuivis individuellement et ce, sans même avoir agi de façon répétée ou concertée.

L’auteur du cyberharcèlement, que son action ait été individuelle ou collective, risque une peine allant de deux à trois ans d'emprisonnement et de 30 000 € à 45 000 € d'amende, selon la nature morale ou sexuelle du cyberharcèlement.

La première condamnation définitive pour harcèlement de meute est intervenue récemment. En effet, par un arrêt du 28 septembre 2021, la Cour d’appel de Versailles a condamné le youtuber Habannou S., connu sous le pseudo « Marvel Fitness », à une peine de deux ans de prison, dont vingt-deux mois avec sursis pour avoir moralement harcelé d’autres influenceurs au travers de vidéos et « dramas »18. Pour mémoire, suite à plusieurs plaintes, Marvel Fitness avait été renvoyé devant la chambre correctionnelle du Tribunal judiciaire de Versailles pour « envoi de messages haineux, outrageants ou insultants ayant entraîné une dégradation des conditions de vie et une altération de la santé physique ou mentale des victimes », « envoi de messages malveillants réitérés en vue de troubler la tranquillité » et « violences sur avocat ». Il s’est également vu reprocher d’avoir encouragé sa communauté à se livrer à du harcèlement.


Marvel Fitness a été récemment condamné par la Cour d'appel de Versailles (c) Hans Lucas / AFP

B- Les plateformes en ligne19

En France, les plateformes sont considérées, à l’instar des fournisseurs d’accès, comme de simples hébergeurs, tels que définis par l’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

Ainsi contrairement aux éditeurs qui créent et déterminent les contenus mis à la disposition du public, les hébergeurs ne sont que des prestataires et intermédiaires techniques qui se bornent à mettre à la disposition du public des équipements techniques permettant la diffusion en ligne des contenus des éditeurs. 

Par conséquent, les plateformes et réseaux sociaux n’ont qu’une responsabilité civile et pénale limitée. En effet, la responsabilité de l’hébergeur ne peut être engagée que si ce dernier :

  • a eu expressément connaissance du « caractère manifestement illicite » des contenus délictueux,
  • et n’a pas agi promptement, dès qu’il en a eu connaissance, pour retirer les contenus concernés, ou n’a pas rendu leur accès impossible.

Le Conseil constitutionnel est venu préciser que la responsabilité d'un hébergeur qui n'a pas retiré une information dénoncée comme illicite par un tiers ne peut être engagée « si elle ne présente pas manifestement un tel caractère ou si son retrait n'a pas été ordonné par un juge »20

Conformément à la loi, les plateformes ne sont pas soumises à une obligation de surveillance ou de filtrage des contenus rendus disponibles.

Par conséquent, l’hébergeur n’est présumé avoir connaissance des faits qu’à partir du moment où il reçoit notification des faits litigieux. En d’autres termes, la victime doit se manifester auprès de la plateforme concernée pour dénoncer les faits de cyberharcèlement subis en respectant un certain formalisme prévu par la loi.

Ainsi, il appartient à la personne cyberharcelée d’envoyer un écrit (ou une notification via un dispositif technique directement accessible sur la plateforme) contenant les informations suivantes :

  • date de la notification
  • éléments d’identification personnelle du notifiant (nom, prénom, adresse…)  
  • description du contenu litigieux, localisation précise et, le cas échéant, adresse.s électroniques auxquelles ce contenu est rendu accessible 
  • motifs légaux pour lesquels le contenu devrait être retiré ou rendu inaccessible
  • copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des contenus litigieux demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté21

A défaut de respecter cette procédure, l’hébergeur ne pourrait être tenu responsable du fait du maintien des contenus litigieux.

Cela étant, depuis mai 2016, certaines plateformes (dont Facebook, Twitter, Instagram, YouTube et Webedia via son site jeuxvideo.com) se sont engagées, dans le cadre d’un Code de bonne conduite, à examiner les demandes de suppression de contenus de haine en ligne en moins de 24 heures22.


La CNIL veille notamment à ce qu'internet ne porte pas atteinte aux droits des citoyens (c) CNIL

Par ailleurs, si vos données personnelles (nom, prénom, adresse…) sont publiquement diffusées par le cyberharceleur, vous pouvez en demander la suppression auprès du site ou réseau social concerné. L’effacement des informations doit intervenir dans les meilleurs délais et au plus tard, dans le délai d’un mois (voire de 3 mois maximum en cas de demande complexe). A défaut, vous pouvez porter plainte auprès de la CNIL (Commission Nationale Informatique et Libertés)23.

En outre, si vos informations apparaissent dans les résultats du moteur de recherche, vous pouvez effectuer une demande de déréférencement24 et en cas de refus ou d’absence de réponse, saisir la CNIL.