Il faisait partie de la aAa Tv en 2011. Aujourd'hui, il occupe le poste de « Responsable Stratégie et Analytique » au sein de l'organisation T1 (anciennement SKT T1)... La série d'interviews des « 20 ans d'aAa » continue avec Gary « Tolki » Mialaret !

D'against All authority à T1

Au début de l'année 2011, la Tv recrutait un nouveau membre Starcraft II, répondant au doux nom de Tolki. Très vite, ses tutos ont trouvé leur public (et pas qu'un peu puisque la première vidéo avait dépassé les 100 000 vues à l'époque) et sont devenus de véritables références pour toutes les personnes qui souhaitaient débuter sur le RTS de Blizzard. Certains se souviendront probablement du second épisode des Jeudi Newbie réalisé sur le tableau de l'amphithéâtre de sa fac.

Le temps est passé et Tolki a filé sur League of Legends et a rejoint O'Gaming afin de poursuivre ses aventures esportives qui finiront par l'amener chez Splyce en 2019 puis à rejoindre très récemment la formation d'un certain Faker...


Tolki aux côtés de Chips & Noi sur le plateau O'Gaming (c) O'Gaming

Tu as débuté ta carrière en tant que joueur / streamer sur Starcraft II avant de partir pour League of Legends. Comment juges-tu l'évolution de ses deux jeux au cours de ces dernières années ?

Starcraft II c'était il y a déjà dix ans. Moi, au bout d'un an, à peu près, je suis passé à League of Legends parce que je voyais déjà SC2 salement battre de l'aile. Le jeu a réussi à survivre, tant bien que mal, pendant 9 ans. Mais ça été très vite évident que SC2 n'arriverait jamais à être le jeu qui démocratisera l'esport. Ce qui m'a toujours intéressé dans l’esport c'est de faire avancer le domaine dans l'ensemble, et donc de trouver les jeux qui vont plaire au grand public, mais qui ont aussi un vrai intérêt stratégique. Je pense que League of Legends fait ça très bien, arrive à trouver le bon équilibre entre la stratégie et le côté accessible.

Et pour toi League of Legends rempli très bien son rôle de porte-étendard ?

Oui on peut dire ça, et peut-être que d'autres jeux le feront tel que Valorant qui, d’ailleurs, est un très gros coup ! C'est aussi un jeu Riot, mais ça pourrait être un très gros pavé dans la mare de l'esport. Dans l'ensemble, SC2 est un jeu trop dur d'accès pour la plupart des gens. C'est un jeu qui est trop complexe, on va dire, à apprécier (rires) pour que ça donne vraiment un phénomène du même niveau que LoL, CS ou bien Dota.

Actuellement, tu es responsable stratégique et analyste chez T1. Comment perçois-tu l'évolution et l'importance que revêt ce métier aujourd’hui ? Alors qu'il était peu mis en avant à ses débuts…

Ça l'est toujours peu ! Je suis l'un des seuls dans cette position qui a une vraie visibilité en tant qu'analyste. Dans la plupart des autres équipes LoL, et même sur les autres jeux, les analystes sont en générale des assistants-coachs. Ils sont plutôt là pour assister les coachs au jour le jour, c'est-à-dire les aider à préparer les scrims, à prendre des notes sur les champions joués etc. Personnellement, ce n'est pas du tout ce que je fais. Moi j'ai vraiment un background data/analyst et je rends un boulot très technique qui est là pour aider les coachs à valider leurs connaissances sur le jeu pour permettre d'avoir des données fiables et objectives. Ça se développe petit à petit, c'est encore très rare ! Dans le monde on doit être 2 ou 3 à ce genre de positions dédiées. Je pense  que ça va évoluer, que c'est en train d'évoluer et c'est aussi pour ça que j'essaye de donner de la visibilité à ce que je fais. Ça donne des idées aux autres teams et j'ai envie de voir ce poste se développer dans toutes les équipes du monde. C'est quelque chose qui a de l'avenir.

Qu'est-ce qui manque selon toi pour que le métier se développe davantage ?

Ce sont deux choses. Premièrement une volonté de recrutement des équipes. Si les équipes ont envie de recruter des gens qui ont un bagage technique et qui connaissent bien les jeux compétitifs, elles le peuvent, car ça existe. Je pense qu'on peut trouver ces personnes en cherchant bien. Et deuxièmement, la volonté aussi d'avoir des attentes élevées et aussi des offres dans le domaine. La plupart des équipes, aujourd'hui, investissent beaucoup dans les joueurs et le head coach. Et après le budget est ridicule pour ne pas dire inexistant pour le reste. Petit à petit les équipes se rendront compte qu'il faut tout un coaching staff, toute une équipe pour entourer les joueurs pour vraiment arriver au sommet. 

Quelles sont tes ambitions pour les prochaines échéances à venir ?

Gagner les Worlds, c'est tout ! (rires) Facile, simple ! En-dessous je serai déçu. On a déjà gagné un split de LCK. Je pense qu'on peut regagner en Summer. Si le MSI avait été organisé j'aurais bien aimé qu'on le gagne. Mais à partir de là, tout ce qui me reste cette année, ce sont les Worlds.  

Comment se passe ton travail au quotidien avec les coachs de T1 ? 

Je travaille à distance, du coup je m'organise et quand on est en saison régulière je vais écrire des rapports sur nos adversaires de la semaine, sur la meta actuelle, sur les champions populaires, comment les contrer… Je vais faire des analyses sur les sujets que je trouve pertinents pour la semaine. Parfois ça peut-être les objectifs dans le jeu, les rotations ou les timings importants. Je suis très autonome et, de temps en temps, les coachs viennent vers moi avec des questions comme « si on prend l'Hérald entre 10/12 min de jeu est-ce qu'il vaut mieux l'utiliser top/mid ou bot ? ». Je vais faire de la recherche, les datas auxquelles on a accès, je vais essayer de chercher des métriques pertinentes pour répondre à la question. Je me débrouille à trouver ce qui est important.

Dans ton parcours, de quoi es-tu le plus fier ?

Pour l'instant pas grand-chose en vrai. Je n'ai pas gagné quoique ce soit de spécial. Je pense que le top 8 des Worlds avec Splyce c'est pas mal. Je suis quand même content, il faut pas déconner (rires) ! Plus que le top 8, c'est avoir battu FPX en groupe, et avoir été à deux doigts de les battre une seconde fois. La première partie on était loin devant mais malheureusement on prend un mauvais fight au Nash’ qui nous coûte cher. La deuxième partie, on les aplati très proprement, ce qu'aucune autre équipe n'a réussi à faire pendant les Worlds. Je dirais donc que je suis fier de notre performance contre FPX en poule avec Splyce. On a vraiment montré qu'on était une équipe au top niveau mondial et qu'on était crédibles.

Et ton meilleur souvenir lié à aAa ?

Ça serait la Gamers Assembly 2011. On y était allés tous ensemble pour caster du SC2 mais aussi un peu de Trackmania à l'époque et tout ce qui se passait dans le coin.  Il y avait toute la scène de l'époque, ZeratoR était là pour caster aussi. Et c'était très cool. On y avait passé 2 jours. C'est là-bas que j'ai découvert League of legends car il y avait un petit tournoi. J'avais vu les gens y jouer, on ne m'arrêtait pas de me tanner pour que je le teste ! Et donc c'est là que tout a commencé ! J'ai rencontré beaucoup de monde IRL, j'ai découvert League of Legends, ça fait beaucoup de choses.

Passons maintenant au sujet esport : selon toi, quel est le plus grand esportif français et étranger de ces 20 dernières années ?

Vous allez sentir que je ne m'y connais pas tant que ça en dehors de mes sujets de prédilections (rires). Pour moi ça serait sOAZ. Je sais qu'on a de très bon joueur de FPS en France. Mais sOAZ a une carrière qui dure depuis 10 ans, il a été en finale des premiers Worlds, en finale il y a 1 an et demi. C'est un mec qui a une régularité incroyable. Pour moi c'est le plus grand joueur français esport que je connaisse. Je sais qu'au niveau FPS il y a des mecs monstrueux, mais ce n'est pas forcément une scène que je suis de très prés.
Au niveau mondial, ça serait dur de dire n'importe qui d'autre que Faker vu qu'il a gagné trois fois le tournoi le plus dur au monde, le tournoi avec le plus de compétitions et de joueurs qui essayent de le gagner. Ça serait très difficile de citer quelqu’un d'autre que Faker.

Comment vois-tu l'esport dans 20 ans ? 

Dans 20 ans ? Oula ça va loin ! Ce que je n’ai pas dit, c'est que j'ai bossé chez aAa pendant un an il y a 10 ans. Je connaissais déjà aAa depuis très longtemps puisque qu'à cette époque-là, je me rappelle que sur Counter-Strike, pas 1.6 mais les versions d'avant, des vidéos avaient été faites par aAa et m’avaient fait découvrir l’esport. Ça va faire une vingtaine d'années. J'étais à l'époque un joueur de jeu de combat qui était un peu les « doyens » des jeux esports parce qu'il y avait déjà des tournois de manière régulière il y a 20 ans.
Et dans 20 ans ? Très très dur de se projeter. Mais j'imagine, personnellement, que l'esport aura été beaucoup plus démocratisé. Il y aura une plus grande crédibilité professionnelle. Les CEOs des équipes esports commenceront avoir une très grande expérience de marché, puisqu’ils seront en place depuis une trentaine d’années. J'imagine donc un marché plus mature, comme celui du sport. Le sport moderne reste très récent. Les ligues de foot, de rugby, de foot américain ont 50/60 ans max. L'esport, quand il aura 40 ans, ressemblera à peu près au sport d'aujourd'hui. Beaucoup plus de professionnalisme, d'organisations et de transparence aussi. Ça sera un bien pour la scène dans l'ensemble..

Un petit mot de la fin ?

Rien de spécial, si ce n'est merci à aAa de m'avoir lancé dans l'esport il y a 10 ans ! Encore à l'époque je faisais des vidéos sur Youtube tout seul dans mon coin. Je n'avais contacté personne et il y a quelqu'un de aAa qui m'a envoyé un mail pour me dire « on aime bien ce que tu fais, ça te dirait de faire des émissions sur notre Web TV ? ».  Et c'est comme ça que tout a commencé ! Ils m'avaient envoyé un casque que j'ai utilisé pendant 10 ans pour faire des casts. Un grand merci à aAa de m'avoir donné ma chance, de m'avoir fait mettre un pied dans ce domaine quand j'étais vraiment complètement inconnu.