Interview Partie 1 : Ankama


Le succès d'Ankama est aujourd'hui indéniable, présent dans le jeu vidéo, les mangas, les TCG (jeux de cartes), les animes, les livres, etc. L'entreprise Lilloise s'est construite en partant de rien pour atteindre un rôle aujourd'hui central dans la production et la diffusion de contenus Français. J'ai eu l'honneur de rencontrer Florence Di Ruocco, Chargée de Communication Ankama et Hervé Gengler, Lead Game Designer sur Dofus-Arena, un titre indubitablement orienté vers le sport électronique. Dans cette première partie, c'est Florence qui répond à mes questions sur le développement d'Ankama.

 

 

Team-aAa : Quel est le coeur de cible d'Ankama ?
Florence Di Ruocco : Sur Dofus c'est du 12-25 ans, sur Dofus Arena c'est plus du 15-25, on tappe plus large, on a même des maisons de retraite qui jouent à Dofus. C'est assez coloré, facile à prendre en main, quand tu n'es pas habitué et que tu vois la purée de sorts sur les MMO, en comparaison Dofus les gens trouvent çà tranquille. Pour Wakfu ce sont des cibles bien geek, jeunes adultes entre 20 et 30 ans.

Du côté dessin animé, on est diffusés dans un cadre jeunesse donc c'est du 4-14 à fond, mais on arrive à ratisser assez large du fait des références culturelles, des jeux de mots omniprésents dans Dofus, etc. On a à peu près 20% de filles, sur les autres MMORPG, ils sont plutôt à 5% meme si ça évoluera car plus de filles jouent. Comparativement on en a beaucoup plus, c'est des retours qu'on a eu même au Japon. Quand ils ont montré Dofus 2 il y avait beaucoup de filles attirées par le jeu.


Au niveau édition c'est très dur à dire, là encore on ratisse vraiment large, il y'a des trucs sombres, voire gore, des livres d'artworks, l'histoire du catch. Au début c'était vraiment manga Dofus, un book pour montrer comment le jeu a été conçu, on a meme fait un cahier graphique pour Frigost.


On reprend les classes de l'univers d'un jeu a l'autre, Frigost est une extension plus qu'un patch, c'est une mise à jour en trois parties dont 70% est déjà mis en production.

Au niveau de la Musique, on va avoir de la musique Japonaise et du "8-Bit", pour tout ce qui est label hiphiphip qui est vraiment de la variété, on s'attend à un public large, plutôt jeune.

Pour terminer par le jeu de cartes TCG, nos premiers collectionneurs ont 6 ans, le coeur de cible a 10-12 ans et le champion de France en a 30.


Team-aAa : Dofus a souvent été critiqué par les médias mainstream pour avoir un business model "surprise sur le relévé bancaire à la fin du mois", est-ce que ça vous énerve ?

Florence Di Ruocco : On a l'impression que c'est la majorité des cas, alors que ce n'est pas le cas, on se met pas mal sur le dos de l'éditeur alors qu'il y a des trucs qui marchent comme ça depuis des lustres. C'est le rôle des parents, on ne nous impose pas de limites, on en a mis nous-mêmes avec un nombre de codes limité par jour. On est en train de développer un guide des parents, on en a déjà fait un petit pour la convention, pour les éduquer sur comment çà se passe et les conseiller; comment poser des limites, en terme de temps passé en jeu ou d'abonnement. Pour la plupart des familles l'abonnement à Dofus c'est la carotte, quand il y a une certaine confiance ce n'est pas un problème.

C'est présenté par les médias comme si c'était fait exprès alors que ce n'est pas le cas, on a aussi des cartes prépayées dans certains pays francophones. Quand les parents nous appellent on est très conciliants pour rembourser, pour bloquer le compte. Au niveau du service client on fait beaucoup de colloques, la plupart des appels c'est "qu'est-ce que c'est" ? Les enfants veulent garder çà pour eux, c'est leur jardin secret.

Ce que je conseille, c'est de jouer avec eux ne serait-ce que 10 minutes, beaucoup de parents ne veulent pas savoir, ne veulent pas mettre le nez dedans et s'y intéresser et le problème est là. On a discuté avec l'AFJV pour savoir ce qu'on pourrait faire pour diffuser ce livre blanc dans toutes les médiathèques, les écoles pour éduquer les parents, c'est comme le téléphone portable. L'âge du joueur est déclaratif de toute façon, on a pas le droit de demander trop d'éléments, la CNIL nous tomberait dessus.

Team-aAa : A combien de licences souhaitez-vous arriver, vous souhaiter toutes les créer en interne ou également en acheter ?

Florence Di Ruocco : Le nombre je ne saurais pas dire, Dofus, Wakfu, çà reste dans un package, la licence phare. Y'en a trois en plus dans l'édition qui sont dans nos meilleures ventes et qui peuvent accueillir un public un peu plus large, une cible comics par exemple. On a des auteurs BD avec des univers assez forts qui nous font de l'oeil, si ils arrivaient en nous disant j'ai cette bd et je veux en faire une série télé on ferait sans doute quelque chose. On ne peut pas développer trop vite non plus, on a déjà 400 personnes, il y en a pour 3 ans de prod. En fait les chaines veulent nous acheter du contenu plus vite que ce qu'on peut produire. On a déjà beaucoup a faire pour la suite de Dofus et Wakfu qui se passera dans l'espace, dans le futur. On a des séries lives, des dessins animés, un mix entre réel et dessin à la manière de Roger Rabbit.

En priorité il y a nos univers global, après si certains auteurs viennent on ne se ferme pas de portes. On sait que çà ne va pas être forcemment de gros succès commerciaux mais ce sont des gros succès critiques, les éditeurs n'ont pas osé les publier à l'époque, mais nous si l'auteur a un univers fort il n'y a pas de raison pour qu'on ne l'édite pas. Il n'y a pas vraiment de limites tant que c'est qualitatif.

Team-aAa : Cette année on parle du retour de Sailor Moon, est-ce que vous avez prévu une licence dédiée aux filles ?

Florence Di Ruocco : Non en général on veut un public mixte, faire juste une licence pour les jeunes filles... On aime pas cloisonner, on aime bien que la série rassemble toute la famille. A part pour appartement 44 peut-être, on ne va pas faire la guerre à Sailor Moon tout de suite.

Team-aAa : Comment votre succès est-il perçu par vos concurrents ?


Florence Di Ruocco : Il faudrait leur demander, parce que à l'époque il y a pas mal de gens qui nous prennaient de haut et croyaient que ça ne marcherait pas. Personne ne voulait éditer le manga Dofus parce que le manga n'était pas aussi répandu qu'ajourd'hui et que ça n'a pas un style vraiment manga non plus. Finalement on a tout lancé tous seuls, ça a bien marché, on a eu des partenaires, on s'est imposés progressivement et avec les chiffres qu'on a on à plus de portes ouvertes qu'au début. Je sais qu'il y a un peu de jalousie parce qu'on draine un peu la visiblité et les emplois en particulier dans le nord. Les mauvaises langues se disaient qu'on allait galerer, quand ils voient ce qu'on est devenus, les bureaux à Tokyo, les projets dans d'autres pays, ils trouvent que c'est une belle réussite et qu'on s'est débrouillés quasiment sans aide. Même nos directeurs n'avaient pas prévu cette ampleur.

Team-aAa : Comment ça se passe au Japon

Florence Di Ruocco : Il y a eu des avant premières de Dofus au Tokyo Game Show et au Tokyo Anime Fair, on a un partenaire pour la distribution au Japon. On présente tous les projets, on a beaucoup de pilotes et d'épisodes en cours de production, les télés aiment bien avoir tous les épisodes pour tout diffuser d'affilée du coup ça prend pas mal de temps mais ça avance bien. On a déjà des épisodes bonus qui ont été faits au Japon et diffusés en France et un épisode qui était en collaboration avec les deux équipes : Française (2D flash) et Japonaise (dessin).


Team-aAa : Quelle est votre stratégie en matière de produits dérivés, vous n'avez pas peur d'en faire trop ?

Florence Di Ruocco : Il y a du produit dérivé à la fois pour les fans ou les autres, un chacha ça marche pour toutes les filles, la plupart du temps on essaie de mettre des trucs intéressants derrière. Pour nous c'est des supports pour développer le background, pas des produits dérivés, dans un jeu tu ne peux pas tout faire passer sur l'univers, les supports permettent de donner le passé d'un personnage, le monde a une autre époque, ça a très bien marché pour Disney ou Marvel, çà soutient la licence.

 

Si on fait des produits de qualité sans noyer il n'y a pas de raison, mais on ne vendra pas notre peau sur tout et n'importe quoi, si le produit est pourri on le sortira pas. On essaie de trouver une idée sympa qui apporte un plus il y en a pour toutes les cibles, tous les âges et tous les portefeuilles.

Team-aAa : Finalement, quel sera le business model de Wakfu ?

Florence Di Ruocco : A la Dofus, on avait dit que l'abonnement serait peut-être d'un ou deux euros de plus, mais il y aura toujours une partie gratuite de manière illimitée. Même moi en tant que joueuse, je pense qu'en 2 semaines il n'y a pas le temps de découvrir les jeux sur une période d'essai. Il y a des joueurs qui restent en gratuit et font vivre le jeu parce qu'ils échangent, ils en parlent à d'autres personnes et c'est important de garder cette partie gratuite qu'on aura aussi sur Wakfu.