STARCRAFT 2 EST-IL LE BON JEU POUR DEMOCRATISER L\'ESPORT VERS LE GRAND PUBLIC?
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INTRODUCTION :



Plus d’un an après sa sortie, celui qui était le tant attendu Starcraft 2 est devenu le messie du sport électronique, un titre qui s’est quasi immédiatement hissé au dessus des autres titres, bien que ces derniers soient pour une bonne partie sur une phase descendante. Aujourd’hui, il y a tous l
es jours des compétitions sur SC2, des compétitions qui plus est dotées pour la majorité d’entre elles.
Avant de me lancer dans le cœur de mon explication, de tenter de répondre à la question posée, je tiens à préciser que je ne remet pas en question la qualité de ce jeu, dont le succès n’est pas dû au hasard. La question est donc, si on abandonne notre point de vue de gamer, pour un point de vue « grand public, non initié ni aux jeux vidéos, ni au sport électronique, ni bien-sûr à Starcraft 2 » de savoir si SC2 est réellement le jeu qui pourra tendre vers une démocratisation de l’eSport vers le grand public.


DES AVANTAGES INDENIABLES



Son grand frère StarCraft : Broad War a eu une carrière de plus de 10 ans, et lui-même semble parti pour une longue carrière. Sorti il y a bientôt un an et demi, il y aura pour 2012 la première extension Heart of the Swarm, puis en 2013/14 le dernier volet de cette trilogie, Legacy of the Void ; et une fois que la dernière extension sera distribuée, il faudra compter quelques années avant que le jeu soit pleinement exploité, et avant de voir éventuellement, au loin, un SC3, pointer son nez. On peut donc sans prendre trop de risques dire qu’il y a une fenêtre d’au moins 5 ou 6 ans d’eSport SC2 à venir, ce qui est clairement un avantage : en effet, un jeu qui s’inscrit dans la durée à plus de chances d’être suivi, et d’attirer des nouveaux joueurs et public, qu’un jeu à la Call of Duty qui sort un nouvel épisode tous les ans.


En terme de contenu, le jeu est là encore très intéressant, surtout en ce qui concerne le niveau de jeu. Avec son système de ligue, du Bronze au Grand Master, tous les joueurs arrivent à prendre du plaisir, que ce soit au un niveau débutant ou tout en haut, chez les pro gamers. Et c’est un avantage certain, cette évolution du niveau des joueurs va très haut, le skillcap de StarCraft 2 est très élevé. De plus, le fait d’être dans l’attente d’extensions qui va apporter de nouvelles unité permet d’espérer de nombreux changements dans les stratégies des joueurs sur les années à venir, conservant dont l’intérêt que peut porter le public sur les joueurs.


Enfin, et paradoxalement, c’est ce que les joueurs considèrent comme peut-être le moins important, à l’inverse du public, le jeu est beau, très beau. Si l’on veut vendre du sport électronique au grand public, cela ne peut se faire qu’avec des jeux agréables à regarder (en faisant abstraction de tout le reste qui concerne le contenu du jeu). Déjà à l’époque ou CS 1.6 était le jeu phare du sport électronique, nombreux ceux qui mettaient en avant ses graphismes sommaires comme un frein à sa démocratisation. Avec l’évolution récente des plate-formes de VOD, de la diffusion en HD, de l’accessibilité du grand public vers du matériel (écrans, télévisions) toujours plus grands et de meilleure qualité, il est important que le contenu diffusable soit de qualité graphique correcte, et c’est le cas avec Starcraft 2.





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Sans HD, tu y vois…rien!



De nombreuses qualités dont pour SC2, mais qui ne doive
nt pas masquer des défauts également…


UN JEU DIFFICILE A COMPRENDRE



Une fois de plus, je tiens à préciser qu’il faut pour comprendre cette réflexion se placer du point de vue d’une personne complètement étrangère au sport électronique et à SC2, la « cible », avec un terme marketing, que doit toucher l’eSport pour se développer.


Le premier obstacle, c’est que la richesse de SC2 est en fait un défaut : ses races, ses unités et leurs mouvements et possibilités doivent être connus du public pour pouvoir être apprécié et compris. Pour un non-initié, SC2 est un jeu où apparaissent à l’écran des dizaines d’unités, qui bougent vite, pour une action donc soutenue mais floue. Peut-on alors considérer que le jeu peut attirer les gens ?


Disons qu’il faut diviser le public en trois parties : les gamers, les casuals, et les autres. En ce qui concerne les gamers, oui, le jeu attire. Son activité débordante au niveau eSportif, le plaisir qu’il peut apporter dans le jeu, bref, SC2 attire les gamers, ce n’est pas un scoop. Pour les casuals, le jeu attire là encore, mais pas des moyens plus diversifiés. Par l’intermédiaire d’une campagne solo intéressante à jouer, où par des shoutcasteurs « grand public » tels que P&T, les casual gamers ont donc divers moyens d’être ramenés vers le multijoueur, et vers la compétition.


Mais quid de tous ces gens qui ne s’intéressent pas
aux jeux vidéos, SC2 peut-il être LE jeu qui attire leur attention ? Pour une très faible partie d’entre eux, éventuellement, mais pour l’immense majorité, soyons clairs, la réponse est non. Pensez vous réellement que des gens qui ne s’intéressent pas aux JV soient attirés par un 200vs200 en TvZ ? Comme je l’ai dit précédemment, ce jeu qui est la tête de pont du sport électronique est difficile à comprendre, et est donc à l’opposé d’une volonté de démocratiser la discipline. Non, la démocratisation du sport électronique ne sera pas automatique, elle passera par une volonté réelle de le faire.

Mais pour SC2, il y a une donnée supplémentaire à prendre en compte.



L’UNIVERS DES SHOUTCASTEURS



StarCraft 2 est certainement le jeu qui a servi de boom au développement du shoutcast et du streaming. L’avantage d’une grande diversité de shoutcasteurs pour le public, c’est donc bien qu’il y a une grande diversité de styles, du très technique (mak0z) au grand public (P&T) en passant par divers shoutcasteurs tout aussi intéressants, YoGo ou Zerator par exemple.


A mon humble avis, c’est le fait que des shoutcasteurs parviennent à décrypter un jeu difficile à comprendre qui les rend aujourd’hui plus populaires qu’une bonne partie des joueurs dont ils analysent les parties. Est-ce un mal ? Non, comme je l’ai développé dans un précédent article, les pro gamers ont souvent très peu de charisme à l’inverse de ces commentateurs, donc il ne faut pas minimiser le travail et la popularité des shoutcasteurs qui sont, je pense, le premier vrai levier entre eSport et public (plus ou moins large).



D’AUTRES JEUX PLUS APTES A DEMOCRATISER L’ESPORT



Être le jeu phare du sport électronique ne signifie pas forcément être celui qui peut démocratiser la discipline, et d’autres jeux sont, ils me semblent, plus aptes, plus efficaces, et ce en dépit de leurs qualités intrinsèques.

En premier lieu, je pense aux jeux qui ne sont que des « virtualisations d’activités réelles », à savoir les jeux de sport ou de course automobile. Un non-initié aux jeux vidéos sera certainement plus enclin à regarder du FIFA/PES, ou du Gran Turismo, même non-commentée, que du S
tarcraft 2 ou d’autres jeux peut-être plus difficiles d’accès en terme de compréhension du spectacle proposé.




\"\"On trouve des tournois FIFA organisés par EA Sports un peu partout, des FNAC aux stades de foot.





C’est la raison qui devrait nous pousser, nous fans de sport électronique, à défendre ce genre de jeux, et les aider à devenir (ou rester) des disciplines fortes de l’eSport : ceux de foot, ou par exemple TrackMania, qui est certainement un modèle à suivre en terme de jeu propice au développement eSportif (gratuité, facilité de la prise en main, plaisir immédiat, skillcap très haut, compréhension immédiate du concept pour le public)



UNE VAMPIRISATION DE L’ESPORT PAR SC2 ?…



Pendant la DreamHack Winter, Rod « Slasher » Breslau a poussé un petit coup de gueule sur son Twitter :

Hey SC2 Community: You talk about ‘supporting eSports’ but then shit on other HISTORIC games. Stop being bitches and enjoy TRUE ESPORTS.



Car oui, partout, c’est Starcraft 2, et quasi-exclusivement du Starcraft 2. Sur les sites de news, c’est du Starcraft 2. Et la communauté Starcraft 2 défend Starcraft 2, et rien d’autre. Normal me direz vous, mais…quand est-ce qu’on s’y met ?


Depuis trop longtemps, les joueurs, les acteurs du sport électronique défendent leur petit bout de gras, en balançant sur les autres jeux, et…rien. La petite gueguerre qui a duré de nombreuses années, et qui n’est pas réellement finie , entre 1.6 et CSS en est certainement l’exemple le plus flagrant. Aujourd’hui, c’est SC2 qui domine, est-ce une raison pour enterrer tous les autres jeux ?


Chaque communauté organise ses petits événements, annonce faire ça « pour l’eSport », sorte de formule passe-partout pour justifier uniquement son envie de développer son petit business, et au final, rien n’avance.Starcraft 2 est un jeu formidable, et c’est l’un des rares jeux pour lequel il y a l’assurance de voir du spectacle pour les quelques années à venir, sans que Blizzard nous ponde un SC3 sorti de nulle part, mais c’est un jeu compliqué, et ce n’est pas ce jeu tout seul qui fera du sport électronique une discipline populaire.


Le seul petit point d’espoir que je vois, c’est ce qu’a fait O’Gaming, mais d’une façon plus ou moins involontaire à la base. Thud explique dans une interview qu’il y a eu un rapprochement avec Ken Bogard, et donc le monde du VS Fighting, au début pour diminuer les risques de fail autour de la soirée au Bataclan, en raison des coûts en amont. Mais au final, P&T ont rapproché SC2 avec un autre genre de l’eSport, et ça, c’est prometteur. Wait & see !



OUI MAIS EN COREE, IL AIMENT STARCRAFT ?



Right, Starcraft en Corée du Sud, c’est comme le football en France. Bon le souci, c’est que les coréens sont meilleurs que nous à Starcraft et au foot, bref.

Pour comprendre ce phénomène Starcraft en Coré
e, il faut prendre un point de vue plus large, et remonter un peu le temps. Il y a maintenant un bon moment que les autorités de Corée du Sud ont lancé une politique massive d’accès à Internet pour la population, qui leur procure aujourd’hui le meilleur accès à Internet du monde.

 

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Source : PC Impact


Certes, ils ont des bonnes lignes Internet, et alors ? Alors il faut se pencher sur le phénomène d’un point de vue « sociologique ». Cette politique pour l’Internet a été simultanée dans diverses régions de Corée avec les premières années de vente et de compétition sur Starcraft, premier du nom ; et par conséquent, Internet est rentré rapidement dans les mentalités coréennes, avec une partie de ce qui est lié, dont les jeux vidéos.

La situation est trop différente en France pour voir un phénomène identique, que ce soit économiquement ou culturellement. Il y a en France, et plus généralement en Europe occidentale une difficulté à s’ouvrir vers l’extérieur. Souvent, en France, on prend comme modèle l’Allemagne ou éventuellement le Royaume-Uni, mais pas ce qui se passe en Asie ou ailleurs. C’est une tendance qui dépasse complètement le jeu vidéo ou les loisirs, comme je peux le voir dans la matière dont je suis étudiant, l’histoire.


Il y a depuis les débuts de l’histoire une tendance que l’on appelle « l’ethnocentrisme occidental » cette manière plus ou moins volontaire de considérer notre région comme un centre, notamment culturel, en décrédibilisant ce qui peut se passer dans d’autres régions du globe, qui d’un point de vue historique, étaient considérées comme « moins influentes », ou « sous influence européenne »


Les choses évoluent aujourd’hui, dans un « monde mondialisé » ou les frontières s’effacent sous le passage d’Internet, ou n’importe qui peut communiquer avec n’importe qui et n’importe où. La génération des moins de 30 ans actuelle, qui est la première à avoir grandi avec les jeux vidéos et Internet est-elle plus ouverte sur le monde que ses ainés, la génération des 50+ ? Probablement. Mais pour quelques années encore, c’est bien cette génération des 50+ qui est au pouvoir, que ce soit au niveau politique, ou dans les médias, cette génération qui peine à comprendre des phénomènes tels que le sport électronique (ou qui ne veut pas comprendre, mais c’est un tout autre débat)


J’espère que le cheminement de ma réflexion n’est pas trop floue, j’essaye juste d’expliquer pourquoi, à mon avis, la possibilité de voir une vraie démocratisation du sport électronique à court terme, est très compromise. Mais sur un moyen ou long terme, avec un renouvellement générationnel, tout est possible ; mais ça ne viendra pas tout seul quoiqu’il arrive, il faudra un jour mettre les mains dans le cambouis !



CONCLUSION



Sorti en Juillet 2010, Starcraft 2 est aujourd’hui le jeu phare du sport électronique dans le monde entier. Profitant de ses grandes qualités, et de la disparition programmée des autres monstres de la discipline (Counter-Strike 1.6 et Quake), le joyau de Blizzard est bien placé pour tirer l’eSport vers le haut. Mais malgré toutes ses qualités, SC2 est et reste un RTS, donc un type de jeu compliqué à comprendre, notamment pour des non-initiés.


Être le jeu phare de l’eSport ne rime donc pas avec être le jeu qui démocratise l’eSport, et pour cette raison, il serait vraiment bon que les différents acteurs du sport électronique ne laissent pas Starcraft 2 éclipser le reste des jeux, et ce, pour le bien de la discipline, dans sa globalité. Mais « penser de façon globale », est-ce vraiment réaliste chez les gamers ? Jusque là, c’est pas évident…mais il faudra bien s’y mettre un jour non ? :)