Quelques semaines après son arrivée à la tête de Los Ratones, YamatoCannon a répondu aux questions de la communauté lors d’un AMA consacré au projet. Jungler, Thebausffs, héritage de sa carrière, état du LCS ou encore rôle de Caedrel : le coach s’est longuement confié, sans détour.

Los Ratones, d’une année 2025 pleine au défi LEC Versus

En 2025, Los Ratones se sont imposés comme l’une des équipes majeures du tier 2 européen : trois titres consécutifs en NLC (Winter, Spring, Summer), deux sacres aux EMEA Masters (Winter et Spring), puis une demi-finale au Summer. Le projet porté par Caedrel, qui mêle joueurs compétitifs, créateurs de contenu et forte exposition médiatique, a rapidement dépassé le simple statut de line-up communautaire pour s’installer durablement au sommet des ERL.

En fin de saison, Riot Games a repensé son calendrier pour 2026, cette trajectoire a pesé lourd. Los Ratones ont obtenu l’un des deux tickets réservés aux équipes régionales pour le LEC Versus Winter, aux côtés de Karmine Corp Blue. Le Winter Split traditionnel laisse place à une compétition qui rassemble les dix structures partenaires du LEC et ces deux invités ERL, avec à la clé un billet pour le tournoi international First Stand. En parallèle, Los Ratones ont confirmé qu’ils ne reviendraient ni en NLC ni dans aucune ERL classique en 2026, recentrant leur calendrier sur cette parenthèse LEC et quelques événements ciblés.

 Los Ratones

  •   Simon "Baus" Hofverberg 
  •   Veljko "Velja" Čamdžić 
  •   Tim "Nemesis" Lipovšek 
  •   Juš "Crownie" Maruši 
  •   Carl Martin Erik "Rekkles" Larsson 
  •   Jakob "YamatoCannon" Mebdi 
  •   Marc "Caedrel" Lamont 

Le mercato a acté un changement de cap dans le staff. YamatoCannon a été nommé entraîneur principal pour la fin d’année 2025 et le LEC Versus 2026, tandis que Caedrel passe au poste d’assistant coach, plus tourné vers la préparation des scrims, la draft et l’analyse. Le cœur de la line-up 2025 reste inchangé, avec Baus au top, Nemesis au mid et Rekkles au poste de support. C’est sur ce socle que YamatoCannon a accepté de répondre aux questions de la communauté, en déroulant sa vision du projet et de la scène.

Un jungler talentueux, mais un défi de discipline et de méthode

L’AMA s’ouvre sur une question directe : que pense-t-il du jungler de Los Ratones ? YamatoCannon commence par le décrire, en insistant à la fois sur la personnalité et sur le potentiel, avant d’entrer dans le cœur du sujet, la discipline. Il le présente comme un joueur attachant et doté d’un vrai talent, mais qui doit encore franchir un cap dans son approche du travail. Il explique ainsi que, pour lui, le jungler est « un type drôle, avec un bon fond, quelqu’un de très positif, très fun à côtoyer », mais qu’il lui arrive de souhaiter le voir « faire un peu plus d’efforts sur la partie étude et préparation », en ajoutant que cette dimension peut être soutenue par le staff. Il insiste ensuite sur le fait que le talent est, selon lui, indiscutable, et qu’« à partir du moment où il trouvera de la beauté dans la discipline et la répétition, son potentiel devient vraiment immense ». 

Il développe en expliquant que le rôle de jungle est particulièrement complexe à travailler parce que « la solo queue est tellement différente du jeu compétitif » et qu’il est très peu gratifiant, pour un jungler, de s’entraîner à jouer de manière compétitive en soloQ. Il décrit un environnement où la plupart des joueurs « sont câblés pour courir après ce qui leur donne de la dopamine dans le jeu », c’est-à-dire en spammant des champions spectaculaires, alors que le jungler qui, au contraire, accepte de jouer cinquante parties de Trundle dans le seul but de progresser « finit mécaniquement par être meilleur que les autres ». Il résume sa pensée en expliquant que, tant que son joueur parviendra à reconnaître cette réalité et à s’y conformer, « le monde sera son terrain de jeu ».

Los Ratones pourrait être son dernier vrai poste de coach

Par la suite, on lui demande si ce poste à la tête de Los Ratones pourrait être son dernier rôle de coach. La réponse de YamatoCannon est prudente, mais elle laisse entrevoir une forme de tournant dans sa trajectoire. Il reconnaît d’abord qu’il est impossible de prévoir l’avenir avec précision, avant de détailler plus franchement la manière dont il se projette. Il confie qu’« honnêtement, oui, ça pourrait être [son] dernier poste de coach dans ce format-là », tout en rappelant qu’il n’avait « aucune idée » quelques mois plus tôt qu’il se retrouverait à entraîner Los Ratones. Il explique ne pas se voir, à ce stade de sa vie, s’engager à nouveau dans un projet d’un, deux ou trois ans qui l’obligerait à repartir vivre à l’étranger, en précisant qu’il peut davantage s’imaginer travailler dans « une forme de management différent », dans un rôle où il soutiendrait des staffs en place et s’assurerait qu’ils disposent des moyens de réussir, plutôt que d’être en première ligne au quotidien.

Il insiste sur le fait qu’il est présent dans la scène depuis quinze ans et que cette expérience vient « avec l’âge », en ajoutant qu’il arrive à un moment où il commence à penser sérieusement à « acheter une maison, peut-être avoir des enfants ». Dans ce contexte, il admet que des projets courts comme celui de Los Ratones sont plus compatibles avec sa situation actuelle que des engagements lourds sur plusieurs saisons.

Ce dont il est le plus fier dans sa carrière d’entraîneur

Interrogé sur ce qu’il considère comme ses plus grandes réussites de coach, YamatoCannon refuse de répondre par la liste des résultats. Il explique qu’il ne met quasiment jamais son palmarès en avant lorsqu’il discute de son travail, estimant que les titres ou les qualifications « ne disent rien sans le contexte qui les entoure », et qu’il préfère se concentrer sur les moments où ses équipes ont dépassé les attentes. Il détaille alors longuement sa vision en rappelant que, lorsqu’il parle de son travail à quelqu’un, il ne commence « jamais par sortir la liste des achievements », parce qu’il considère que les interlocuteurs sérieux sont en général déjà au courant, et que ce qui compte vraiment, c’est ce que les équipes ont construit et dépassé. Il cite l’exemple de Splyce en 2016, qui partait d’un split de relégation et qui a fini par « se hisser jusqu’en finale de Summer puis jusqu’aux Worlds », un parcours dont il dit être « extrêmement fier ». Il évoque ensuite le roster Vitality de 2018, que la majorité des observateurs plaçaient dernier sur le papier et qui a malgré tout réussi à se qualifier pour le championnat du monde et à « faire des dégâts » sur scène.

Il reconnaît ne jamais avoir franchi la phase de groupes à l’international, en expliquant que ses équipes sont souvent tombées sur « des monstres comme Samsung ou RNG », mais il insiste sur le fait qu’il est satisfait d’avoir été en mesure de « prendre des parties à ces équipes-là », notamment lors des matches où la préparation et la manière de mettre en valeur les forces de ses joueurs avaient été particulièrement abouties. Il mentionne également son passage en Corée, où il rappelle avoir été « l’un des très rares coaches occidentaux à prendre ce risque », à obtenir un certain succès et même une proposition de prolongation de contrat, qu’il a finalement refusée, en gardant de cette période un souvenir très fort. Il conclut en reconnaissant que sa carrière de joueur ne lui laisse pas de souvenirs marquants, et en expliquant que la seule chose dont il se préoccupe réellement, avec le recul, est de savoir si ses équipes ont su « dépasser le niveau qu’on attendait d’elles » et surprendre dans la bonne direction.

Los Ratones
Los Ratones et leur trophée (c) NLC

Baus en rattrapage, mais sur une trajectoire qu’il juge prometteuse

Une question revient ensuite sur la progression de Baus et sur son niveau actuel par rapport aux meilleurs toplaners du LEC. Plutôt que d’opposer frontalement le joueur aux références de la ligue, YamatoCannon choisit de parler d’écart et de consistance. Il estime que la distance n’est pas insurmontable, mais qu’elle se joue sur des détails qui demandent du temps. Il explique que, selon lui, « le plus gros défi pour Baus n’est pas une question de talent brut ou de compréhension du jeu », mais surtout une question de continuité dans l’application de certains principes. Il développe en citant des éléments précis comme la gestion de la lane, les timings de base, la manière de synchroniser ses bases avec son équipe et de connecter son jeu individuel avec le plan collectif.

Il insiste sur le fait qu’il considère que Baus comprend « très bien ces notions sur le plan conceptuel » et qu’il est « extrêmement réceptif au feedback, très mûr et très sérieux dans sa manière de travailler ». Il souligne néanmoins que le toplaner est en train de rattraper, en accéléré, des choses « sur lesquelles les toplaners du LEC travaillent depuis de très longues années ». Il ajoute qu’il est « vraiment impressionné » par les progrès déjà accomplis, en expliquant que la clé sera désormais de transformer ces apprentissages en constance et d’appliquer « les mêmes principes dans chaque partie, jour après jour », ce qui, selon lui, constitue le détail décisif à ce niveau de compétition.

Ce qu’il apporte par rapport à l’ancien staff : un regard neuf, un contexte différent

Un autre spectateur lui demande comment il se situe par rapport au travail de l’ancien staff et s’il pense « corriger » des manques. Là encore, YamatoCannon refuse le terrain de la comparaison frontale. Il explique qu’il n’a ni la prétention ni l’intérêt d’entrer dans une logique de jugement, mais qu’il considère que son arrivée dans ce projet à ce moment précis présente des spécificités. Il explique que son arrivée chez Los Ratones résulte d’un message direct envoyé par Caedrel pendant les Worlds, celui-ci estimant que son profil pouvait correspondre à la nouvelle phase du projet. Il insiste sur le fait qu’il ne sait pas exactement ce que faisaient ou ne faisaient pas les coaches précédents et qu’il ne pense pas que ce soit « une manière utile » de regarder la situation. Il détaille ensuite ce qu’il considère comme ses forces : d’abord un « regard neuf » sur une équipe qui a vécu toute une année ensemble, ensuite une manière « d’attaquer certains problèmes sous un angle différent », nourrie par son expérience de la LEC.

Il souligne surtout que le contexte a profondément changé : la période LEC Versus est une parenthèse où l’équipe peut « se concentrer entièrement sur la compétition », sans scrims streamés ni obligations de contenu qui viendraient parasiter la préparation, et il rappelle qu’il n’est pas, lui-même, un grand créateur de contenu, mais quelqu’un qui aime « coacher et travailler dur ». Il ajoute que cette disponibilité pour un projet court est aussi un élément déterminant, en expliquant qu’on ne peut pas facilement convaincre des coaches déjà en poste, comme Dylan Falco ou Mac, de quitter une situation stable « pour un seul split », là où lui pouvait se libérer. Il conclut en disant que sa venue est d’abord « une autre façon de faire », adaptée à un contexte particulier, et non un jugement sur ce qui a été construit avant.

Est contre Ouest : innovation, drafts et fondamentaux

L’AMA s’attarde ensuite sur la question du différentiel entre l’Est et l’Ouest, via une interrogation sur la capacité des équipes occidentales à chercher des avantages ailleurs que dans le simple niveau mécanique, notamment à travers la draft. YamatoCannon rejette l’idée selon laquelle les équipes européennes ou nord-américaines ne chercheraient pas à innover. Il explique qu’à ses yeux, « toutes les meilleures équipes du monde sont en permanence à la recherche de cet edge en draft ou en préparation », y compris en Corée, et rappelle que des formations comme Damwon ont beaucoup appris des approches de G2 à l’époque où l’équipe européenne dominait la scène occidentale.

Il cite des structures comme T1 ou Gen.G en estimant qu’elles sont, dans la pratique, « beaucoup plus drivées par les joueurs » que ce que l’on imagine parfois vu de l’extérieur, et qu’elles ne se contentent pas de répéter une recette figée. Il insiste surtout sur un point : la capacité à casser les règles et à surprendre en draft n’a de sens que si l’équipe maîtrise déjà parfaitement « les principes de base du jeu au plus haut niveau ». Il estime qu’il existe bien des opportunités pour gagner un avantage dans ce domaine, mais il rappelle que les top teams asiatiques cherchent elles aussi à exploiter ces angles et qu’il serait illusoire d’imaginer que l’Ouest puisse, par de simples trouvailles de draft, combler sans effort un écart structurel de niveau.

LCS et crise nord-américaine : « il est peut-être trop tard »

L’un des passages les plus longs de l’AMA concerne l’état du LCS et la difficulté à faire vivre une scène tier 2 solide en Amérique du Nord. À la question de savoir ce qu’il faudrait faire pour relancer l’intérêt et reconstruire un écosystème compétitif, YamatoCannon livre une analyse particulièrement critique. Il explique d’abord que, « aussi dur que cela puisse paraître », il a le sentiment qu’il est « probablement déjà trop tard » pour redresser la situation. Il revient sur ce qu’il présente comme une série de mauvaises décisions autour du flux d’argent qui est arrivé dans la ligue : implication de franchises issues d’autres sports, contrats gigantesques, accords avec des acteurs de la crypto ou du capital-risque, le tout orienté vers des acquisitions très visibles, des joueurs très chers, des noms exceptionnels, plutôt que vers la construction d’une base pérenne.

Il estime que ces sommes auraient pu servir à sécuriser « les dix prochaines années de fonctionnement » en finançant des structures académiques solides et en construisant une ligue plus durable, là où elles ont parfois contribué à « mettre certaines équipes au bord de la faillite » en les poussant à dépenser sans plan à long terme. Il rappelle que la grande force du LCS, à l’origine, tenait au fait que ses joueurs étaient aussi de très fortes personnalités publiques, des streamers fortement exposés, et que le pivot progressif vers une obsession pour les performances internationales a contribué à déconnecter la ligue de ce qui faisait son intérêt pour le public local. Il critique également certaines décisions de Riot, comme le changement de nom de la ligue ou la tenue des matches en semaine, en estimant que tout cela a « brisé la continuité » et la relation de confiance avec les spectateurs.

Il prend l’exemple d’organisations historiques qui disparaissent, et fait un parallèle avec une série télévisée dont la fin décevante rend difficile, pour le spectateur, le fait de se replonger dans les saisons précédentes : même si la qualité est là, « quelque chose au fond de vous » vous rappelle que l’issue ne sera pas à la hauteur, ce qui donne l’impression de perdre son temps. De la même manière, il estime que les fans peuvent avoir le sentiment que leur investissement en temps et en attention ne « veut plus dire grand-chose » si rien ne garantit que les équipes qu’ils suivent seront encore présentes quelques années plus tard. En termes de solution, il avance une piste radicale : ouvrir totalement le marché nord-américain, supprimer les règles d’importation et assumer une identité de « ligue de l’argent », permettant à des organisations très riches d’aligner des superteams en attirant des joueurs du monde entier. Il reconnaît que ce scénario peut sembler brutal, mais il explique qu’il ne voit pas, à ce stade, d’autre manière crédible de redonner du poids et de la visibilité à la région, surtout à mesure que certains des talents locaux les plus prometteurs choisissent de partir vers l’Europe.

Baus et le LEC Versus : « on ne peut pas tout bannir »

L’AMA se poursuit avec une question concernant les drafts et si Baus peut vraiment « cook» au plus haut niveau ou s’il restera condamné à un rôle de curiosité compétitive. En réponse, YamatoCannon joue pleinement la carte du ton décalé, avec une métaphore filée autour de la cuisine. Il répond que pour lui, Baus va « cuisiner, bouillir, frire,fumer et même rôtir s’il le faut », en enchaînant les images pour souligner que le toplaner aura toutes les occasions de s’exprimer.

Il rappelle que le LEC Versus se jouera en best-of-ones pendant la phase de groupes, avec une qualification en best-of-threes, et insiste sur le fait que ce format limite la capacité des adversaires à neutraliser les champions de confort d’un joueur par la draft. Il explique qu’il est simplement impossible de « tout bannir » et que les équipes ne pourront pas construire des plans de jeu consistant à retirer systématiquement tous les picks signatures de Baus et de ses coéquipiers. Il finit par une formule qui résume bien son propos : on « ne peut pas écrire Simon sans écrire Sion », laissant entendre que les champions emblématiques du toplaner finiront forcément par apparaître sur scène.

Les joueurs du tournoi Redbull 2024
Rekkles et Los Ratones aux côtés de T1 au Red Bull League of Its Own 2024

Coach-coms en LEC/LCK : scepticisme et usage possible

Enfin, la dernière partie de l’AMA aborde la mise en place expérimentale des coach-coms en LEC et LCK, ces séquences où les entraîneurs pourront parler à leurs joueurs pendant trois plages de quarante-cinq secondes en pleine partie. Interrogé sur ce qu’il en pense, YamatoCannon se montre plutôt réservé. Il explique qu’il n’est « pas un grand fan » de cette idée et qu’il a l’impression qu’elle éloigne le spectacle de « ce que vivent réellement les joueurs de League of Legends », en rendant le format moins identifiable pour le public qui joue lui-même. Il ajoute qu’il ne voit de justification claire à ce système que si les extraits de communication étaient réutilisés en diffusion, à la manière de la Formule 1, où les échanges entre pilotes et ingénieurs sont diffusés au public, pour le meilleur comme pour le pire.

Sur le plan strictement compétitif, il reconnaît pourtant qu’un bloc de quarante-cinq secondes est « très long » et qu’il pourrait imaginer l’utiliser comme un moment de recalage majeur : rappeler des timers importants, recadrer un plan de jeu, ou même micromanager un combat crucial en énonçant les informations essentielles. Il estime cependant qu’un usage optimal d’un tel outil demanderait du temps, que le tester sur un seul split risquerait de donner un résultat bancal, et il conclut en disant qu’il espère que cette innovation ne sera pas pérennisée, la percevant comme une manière de « nerfer certains joueurs emblématiques » en limitant leur capacité à faire la différence par eux-mêmes dans les moments décisifs.

Un AMA qui éclaire autant le projet que son entraîneur

En clôturant la session, YamatoCannon explique qu’il envisage de publier d’autres contenus pour revenir sur le bootcamp, le travail quotidien et la préparation du LEC Versus, et se dit prêt à répondre à de nouvelles questions sur Los Ratones, sur le coaching ou sur la scène League of Legends en général.