Nikhil "forsaken" Kumawat était un joueur de Counter-Strike: Global Offensive indien d'une vingtaine d'années. Il est devenu célèbre pour avoir été le premier joueur de l'histoire à se faire pincer pour triche en plein tournoi retransmis en direct, entraînant dans sa chute toute la scène de son pays.


LE PLUS GRAND TRICHEUR DE L'HISTOIRE DE CSGO demasqué et sanctionné

La triche en LAN

En Chine donc, les joueurs OpTic India tombent dans la poule C aux côtés des Vietnamiens de Revolution, des Malaisiens de FrostFire et d'une vieille connaissance : les Coréens de MVP PK. L'équipe commence la compétition par un match contre FrostFire et une défaite 06-16 sur Nuke. Cela les mène à disputer la rencontre de la dernière chance contre Revolution, cette fois-ci dans un best of three. La première carte sera Inferno et les Indiens s'y imposeront facilement 16-07, ils enchaîneront sur Cache et c'est sûr cette carte que l'histoire va s'écrire.

Lors début du vingtième round Agneya "⁠Marzil⁠" Koushik demande une pause suite à un problème technique sur son écran. Marzil se trouve assis à la gauche de forsaken qui est quant à lui tout au bout de la table. Tandis que les administrateurs se dirigent vers l'ordinateur de Agneya, ce dernier déclare qu'il a finalement réglé le souci et que le match peut reprendre. Sauf que les arbitres du tournoi ont déjà des doutes concernant Nikhil "⁠forsaken⁠" Kumawat, certaines actions paraissant extrêmement étranges et leur logiciel anti-triche signalant une activité suspecte. Un arbitre se place donc derrière le joueur OpTic concerné et réduit la fenêtre de CSGO pour accéder au bureau, un dossier y est ouvert avec différents fichiers dont un qui est devenu célèbre appelé word.exe. Le joueur indien avait voulu masquer ses documents de triche en les renommant, peine perdue pour lui. En direct sur le stream du tournoi, on assiste à la scène et on voit que forsaken tente de fermer le dossier mais l'arbitre l'en empêche... C'est la chute d'un joueur, d'une équipe et finalement ce sera aussi celle d'une nation toute entière sur Counter-Strike.


Une image captée en direct

Le match est arrêté, les joueurs OpTic sont priés de rester sur place et les administrateurs fouillent dans le disque dur de forsaken pour récupérer toutes les preuves. Le joueur tentera en vain de se défendre mais il est déjà trop tard, on découvre rapidement qu'il s'agissait bel et bien d'un logiciel de triche assez complet avec un « aim lock  » activé pendant la rencontre. Cela confirme les soupçons que certains observateurs avisés avaient lorsque le match se jouait. La décision est prise rapidement de disqualifier les OpTic India du tournoi, tandis que forsaken est renvoyé en Inde seul dans le premier avion disponible. Tous ses coéquipiers restent de leur côté bloqués sur place et ils devront attendre la fin de la compétition pour pouvoir rentrer chez eux.

Dans la foulée de la disqualification, la structure OpTic annoncera officiellement la dissolution complète de la section et sa rupture de tous liens avec forsaken. Concernant les autres membres de l'équipe ils sont également renvoyés mais les dirigeants américains déclarent qu'ils n'avaient pas connaissance des agissements de leur coéquipier. Dans le même temps l'ESL annonce lancer une enquête de son côté concernant la victoire des OpTic India lors de l'ESL India Premiership: Fall quelques jours plus tôt.


forsaken, haivaan, Antidote, yb, Formless et Marzil à leur arrivée en Chine (c) TalkEsport

Les suites du scandale

Forcément, détecter un tricheur est déjà une information qui habituellement fait l'effet d'une bombe mais lorsque ce dernier est professionnel, qu'il se trouve en LAN et que tout a été capté en vidéo, on est dans une toute autre dimension. C'est tout simplement du jamais vu dans l'histoire de Counter-Strike: Global Offensive et le joueur OpTic India vient d'entrer dans la légende par le mauvais côté. L'eXTREMESLAND de Shanghai va se poursuivre sans les Indiens, on y verra finalement les Coréens de MVP PK s'imposer sans grande difficulté en grande finale 2-0 (16-01 Nuke / 16-10 Train) contre les Émiratis de NASR eSports.

Pendant tout ce temps-là les coéquipiers de Nikhil "forsaken" Kumawat sont toujours bloqués en Chine tandis que ce dernier, rapatrié en urgence, ne s'est à cette période pas encore exprimé publiquement. En simultané, l'ESL termine son enquête express seulement un jour après la fin de l'eXTREMESLAND et deux jours après que forsaken ait été démasqué. L'organisation confirme les soupçons qui pesaient sur le joueur, qu'il aurait effectivement bien triché lors de l'ESL India Premiership et qu'en conséquence son équipe est également disqualifiée de la compétition.

Quelques jours plus tard Nikhil "forsaken" Kumawat va pouvoir s'exprimer via une interview réalisée par le site AFK Gaming.com, il y déclarera notamment ceci :

Il n'y avait aucune pression sur mes épaules, je voulais gagner chaque match c'est tout, vouloir être parfait dans tous les aspects du jeu. J'étais confiant dans mes décisions, dans ma compréhension du jeu etc. mais je n'étais pas confiant dans mon objectif, alors pour compenser ce manque de confiance, j'ai dû choisir la mauvaise voie. Je suis extrêmement désolé pour mes coéquipiers, pour la direction d'OpTic et les personnes qui m'ont toujours fait confiance. Je me sens coupable d'avoir volé des opportunités à mes camarades de jeu, ils sont tous extrêmement talentueux et j'ai compromis leurs chances d'être là où ils le méritent.

Personne dans mon équipe n'avait la moindre idée que j'utilisais un programme externe. Car le logiciel n'était pas trop flagrant, aucun membre de mon équipe ni aucune des personnes derrière nous (entraîneur, manager etc.) n'avait idée que j'utilisais quoi que ce soit. Cela m'a donné un léger avantage sur mon niveau naturel, il était presque négligeable et n'a donc pas attiré l'attention. Je n'ai jamais triché lors des essais car c'était l'une de mes premières LAN et je voulais faire de mon mieux là-bas. J'ai essayé de me convaincre que je pouvais y arriver par moi-même mais je n'ai pas eu le courage d'aller au bout de mon idée. Quand je suis arrivé au stage d'entraînement, je n'étais pas capable de m'adapter au PC et en regardant mes coéquipiers, l'envie d'être bon dans tous les aspects du jeu m'a fait recommencer à tricher. Pouvoir l'utiliser en stage sans que personne ne s'en rende compte m'a donné du courage pour l'utiliser dans d'autres endroits.

Rien de bon ne m'est arrivé depuis le jour où j'ai commencé à jouer à ce jeu. Je pensais que c'était fait pour moi mais pendant près d'un an je n'ai pas réussi malgré un travail acharné. J'ai tout donné pour le jeu, j'ai toujours mis ce jeu au-dessus de tout et maintenant je réalise ce que j'ai perdu. J'ai tout perdu quand j'ai mis Counter-Strike avant tout, et maintenant je l'ai lui aussi perdu.


Le communiqué officiel de dissolution de l'équipe (c) OpTic Gaming

Enquêtes et sanctions

C'est désormais l'ESIC qui va entrer en jeu. Dans la mesure où les organisateurs de l'eXTREMESLAND ont demandé à l'ESL d'enquêter sur son propre tournoi, cela a permis à la commission d'intervenir. En effet les organisateurs du tournoi chinois (b5csgo et la marque ZOWIE) ne font pas partie des partenaires de l'ESIC et cette dernière n'avait donc aucune compétence sur leur compétition. Mais en faisant entrer la société occidentale dans la boucle, partenaire de longue date, les enquêteurs ont pu récupérer les preuves et se prononcer. Ce sera un bannissement d'une durée de 5 ans qui fera beaucoup parler, la communauté s'attendant plutôt à une sanction à perpétuité comme on en a toujours eu l'habitude avec les bannissements par le VAC à cette époque.

De plus selon le règlement de l'ESIC, forsaken ayant déjà été sanctionné en 2017 pour triche suite à sa revente d'un compte banni, il aurait dû être considéré comme récidiviste et dans ce cas précis la règle écrite est un bannissement à vie. Mais les membres de la commission estimeront que les deux affaires ne pouvaient pas être reliées et ils opteront pour les 5 ans.


Des statistiques individuelles dignes de ZywOo et s1mple (c) HLTV

Dans l'intervalle une enquête sera publiée sur le site VPEsports.com où le reporter esport Brendan Passeno, avec l'aide de Richard Lewis, dévoilera des informations mettant en doute la version officielle de la structure OpTic India. On reviendra sur les premières accusations qui remontaient à 2016 et 2017 pour lesquelles il semblerait que les explications du joueur indien auraient mérité une enquête plus approfondie de l'ESIC. En effet la fameuse histoire de compte revendu apparaissait comme bancale et ne reposait que sur les affirmations faites par forsaken pour se défendre.

En observant les statistiques individuelles de l'ancien membre d'OpTic, on se rendait compte que déjà à cette époque son temps de réaction et son pourcentage de victoire lors des situations de clutchs étaient anormalement élevés. Sa précision était d'ailleurs supérieure à n'importe quel joueur du top mondial à l'époque, ce qui laisse supposer qu'il utilisait déjà un « aim lock  » ou autre pour l'aider. Il apparait également que Nikhil "forsaken" Kumawat était connu pour être l'un des plus importants boosters de comptes durant cette période et pour se faire, il utilisait un logiciel de triche afin de faire grimper plus rapidement le niveau des comptes qu'il revendait ensuite. Il était par ailleurs connu par les administrateurs de la plateforme SoStronk (le FACEIT de la région), or cette dernière était partie prenante de la phase de détection organisée par OpTic en mai 2018. Des vidéos sont produites pour prouver ces affirmations, en plus de témoignages anonymes, ce qui laisserait penser que les recruteurs ont, en connaissance de cause, laissé entrer le loup dans la bergerie.

Il est également fait mention dans cet article de doutes en provenance de ses propres coéquipiers qui auraient réclamé à plusieurs reprises son retrait de l'équipe. La direction n'aurait jamais répondu favorablement à ces requêtes, préférant adopter la stratégie de l'autruche. Le manager des OpTic India Akshay "aKS^" Singh est directement nommé dans le papier comme ayant été la personne qui a couvert les agissements du joueur, refusant toujours de mener la moindre enquête sur son poulain. Ce dernier aurait donc couvert son protégé qui était tout simplement à titre individuel le meilleur élément du quintette. Avec un rating de 1,35 et même tous les autres voyant au maximum, il est effectivement incompréhensible de se dire que personne ne s'est demandé un jour comment forsaken faisait pour être aussi efficace sur les serveurs. Mais face à ces accusations, l'organisation ainsi que son manager ne seront pas inquiétés sachant que de toute manière l'entièreté de la section aura été dissoute suite au scandale.


Ace, crazyguy, yb, DEATHMAKER et Marzil lors de la DreamHack Mumbai 2018 (c) ESL

Fin de parcours pour les joueurs et répercussion sur la scène CSGO indienne

Pendant ce temps la scène indienne, qui bénéficiait du soutien d'une entreprise américaine reconnue, d'importants moyens financiers et d'une mise en lumière inespérée souffrira durablement de cette histoire. Sabyasachi "Antidote" Bose, Agneya "Marzil" Koushik et l'Allemand Lukas "yb" Gröning continueront leur route ensemble quelques temps chez Signify durant la première moitié de l'année 2019. Le trio réussira même à terminer second de la DreamHack Mumbai Invitational en décembre 2018 après avoir battu notamment une fois les Sud-Africains de Bravado Gaming 2-0 (16-11 Dust2 / 19-17 Mirage), puis ils s'imposeront à la loyale lors de l'ESL India Premiership: Summer 2019 2-0 (16-06 Inferno / 16-04 Overpass) contre Entity Gaming. Preuve qu'ils n'avaient pas tous volé leur place chez OpTic India.

Puis ils se sépareront lentement, Marzil étant recruté par BL4ZE Esports pendant que ses compères continueront un temps ensemble chez Orgless5ive -où ils retrouveront Vishal "haivaan" Sharma- avant que Lukas "yb" Gröning ne rentre finalement en Europe fin 2019. En ce qui concerne Rishabh "⁠Formless⁠" Tomar en revanche c'en sera terminé de Counter-Strike: Global Offensive.

Aujourd'hui la scène indienne est au point mort, depuis cette sombre aventure plus personne ne s'est engagé dans le pays et les presque 1,4 milliard d'habitants que compte cette nation ont été laissés à leur sort. Ainsi s'achève la triste période qui aura vu l'Inde devenir, l'espace de quelques mois, la nouvelle terre d'accueil de la scène compétitive de CSGO.