Trois équipes représentaient la ligue LEC aux Worlds 2025 : G2 Esports, Movistar KOI et Fnatic. Si G2 a retrouvé le top 8 mondial, ses consœurs ont lamentablement échoué plus tôt. Bilan détaillé d’un parcours contrasté, entre progrès visibles, limites structurelles et défis encore non résolus.

Le LEC en quête de confirmation

Les Worlds 2025, disputés en Chine, constituaient une nouvelle épreuve de vérité pour la ligue européenne, désormais bien installée dans sa formule à trois seeds. Après une fin de saison marquée par la domination de G2 Esports en LEC, la montée en puissance de Movistar KOI et le retour plus que laborieux de Fnatic, les observateurs attendaient, voire espéraient, du bout des lèvres, de voir si l’Europe pouvait de nouveau s’inviter dans le dernier carré mondial, quatre ans après la dernière apparition d’une équipe LEC en demi-finale (G2 en 2021). La réponse fut mitigée : une présence européenne dans le top 8, des matchs solides pendant le Swiss Stage, mais aussi des éliminations rapides qui rappellent un écart de niveau et de jeu toujours aussi tangible avec les blocs LCK et LPL.

G2 Esports : un top 8 retrouvé, mais toujours le plafond asiatique

Champion du LEC Summer 2025, G2 Esports arrivait en Chine avec le seed #1 de la région et un statut de favori européen clair. Sa victoire convaincante en finale du LEC sur KOI avait confirmé la solidité du cinq autour de Caps, SkewMond et Hans Sama, mais la question demeurait : le collectif pouvait-il enfin franchir le cap des quarts ? Le parcours en Swiss Stage débute pourtant difficilement : défaite inaugurale contre Top Esports. L’équipe rebondit ensuite avec trois victoires d’affilée, contre MKOI, Bilibili Gaming et FlyQuest, grâce à une meilleure lecture des drafts et à une exécution plus rigoureuse en mid game. Le passage en 3-1 valide la qualification en quart de finale, un objectif minimum atteint pour une structure qui reste, qu’on le veuille ou non, le pilier compétitif du LEC.

Mais la marche suivante reste infranchie. Face à Top Esports en Bo5, G2 plie en quatre manches sur le score de 1-3, dépassé dans le tempo et le jeu collectif. Malgré quelques séquences compétitives, notamment en early game quand la draft était plus inspirée, l’équipe européenne s’essouffle face à la rigueur mécanique et à la vision globale de la LPL, notamment lorsqu’il s’agit d’Athakan. Le constat reste identique aux dernières campagnes : capable de rivaliser, rarement de conclure, juste assez pour nourrir, une fois de plus, l’illusion d’espoir avant le retour brutal à la réalité.

Et maintenant ?

L’avenir de G2 interroge. Faut-il changer, ou consolider ? L’équipe reste performante au niveau européen, mais bute toujours sur ce plafond symbolique du top 4 mondial. Des ajustements pourraient être envisagés, sans certitude. Modifier un collectif désormais rodé pourrait fragiliser un équilibre interne patiemment construit. Repartir sur un nouveau cycle signifierait repartir de zéro, avec tout ce que cela implique en matière de cohésion et d’adaptation. Le dilemme est classique : conserver la stabilité et espérer un déclic, ou tout bouleverser et risquer de régresser. Dans le doute, G2 avance, comme toujours, avec cette impression d’être à la fois au sommet du LEC et prisonnier de son propre plafond de verre.

G2 éliminés des Worlds
De quoi être déçu mais pas surpris (c) Riot Games

Movistar KOI : la confirmation d’un collectif solide, mais encore limité

Deuxième du LEC Summer Split 2025, Movistar KOI signait son premier véritable ticket mondial sous cette forme. L’équipe avait impressionné sur le plan régional par sa cohésion et sa capacité à progresser sur la durée. En arrivant à Chengdu, le seed #2 LEC visait un top 8, voire un parcours surprise, un pari ambitieux, mais pas irréaliste. Le début de tournoi est difficile : défaites face à G2 et KT Rolster. Relégué en 0-2, KOI trouve les ressources mentales pour renverser la situation : victoire face à Fnatic puis Team Secret Whales, deux Bo3 disputés avec maîtrise. Cette double remontée lui permet d’aborder un dernier round 5 décisif face à T1, où la marche coréenne s’avère, sans surprise, trop haute. Malgré une bonne préparation et quelques séquences compétitives, KOI s’incline 0-2 et quitte la compétition en 2-3, juste avant les quarts.

Le parcours illustre une progression réelle mais encore insuffisante pour prétendre au palier supérieur. L’équipe espagnole a montré de la résilience et un certain sang-froid sous pression, mais aussi ses limites dans la lecture macro et la capacité à punir les timings adverses, domaines où les équipes LCK restent tout simplement meilleures.

Et maintenant ?

Du côté de Movistar KOI, la direction pourrait bien opter pour la continuité, histoire de ne pas tout casser maintenant que le projet a enfin trouvé une forme de stabilité. Le groupe autour de Jojopyun, Elyoya et Supa a montré un potentiel certain, encore brut mais cohérent. L’idée serait donc de capitaliser sur cette base solide plutôt que de tout relancer. Le danger, évidemment, c’est l’immobilisme : à trop miser sur la continuité, on finit souvent par tourner en rond. L’enjeu pour 2026 sera d’affiner les détails sans perdre l’identité collective qui a fait la force du projet. Elyoya résumait d’ailleurs bien la situation : « Ce roster a tout ce qu’il faut pour gagner les Worlds ». Reste à voir si le club osera encore y croire… ou s’il préférera jouer la sécurité du « on prend les mêmes et on recommence ».

MKOI Elyoya aux Worlds 2025
Pour Elyoya & cie la marche était trop haute (c) Riot Games

Fnatic : un constat d'un gros échec et la fin d’un cycle

Troisième du LEC et dernier qualifié régional, Fnatic avait arraché son billet pour les Worlds 2025 au terme d’un Summer Split mouvementé. La structure historique du LEC sortait d’un printemps chaotique, marqué par un collectif instable et des performances en dents de scie. Le tournant survient à la mi-saison, lorsque l’organisation décide de remplacer Humanoid par Pobby, un jeune midlaner formé chez T1. Ce changement, à la fois audacieux et forcé, redonne un souffle au cinq, sans pour autant gommer les fragilités structurelles du groupe. La fin de split prend des allures de baroud d’honneur. Fnatic s’impose dans le lower bracket face à la Karmine Corp, une victoire décisive qui lui ouvre les portes des Worlds en tant que troisième seed EMEA. Un exploit, certes, mais arraché dans la douleur, symbole d’un projet qui survit plus qu’il ne progresse.

Arrivée en Chine, l’équipe aborde la Swiss Stage avec l’objectif minimal de signer une victoire symbolique. La réalité est brutale : défaite d’entrée contre CTBC Flying Oyster, puis revers face à Bilibili Gaming et Movistar KOI. Trois défaites sèches, sortie dès le round 3, sans la moindre éclaircie. Les drafts hésitantes, les imprécisions en early game et les rotations souvent brouillonnes ont eu raison d’une formation en manque d’automatismes. Le résultat (0-3) parle de lui-même. Pour une structure de ce calibre, l’absence totale de victoire mondiale relève presque du symbole : celui d’une équipe qui a perdu son identité et sa capacité à exister au plus haut niveau.

Et maintenant ?

Le chantier a déjà commencé. Le coach Grabbz a confirmé que des changements étaient en cours, évoquant la nécessité de revoir la direction sportive du projet. Mikyx a quitté l’équipe peu après les Worlds, et plusieurs postes clés, notamment en toplane et en midlane, sont à l’étude. Fnatic semble prête à entrer dans une phase de reconstruction complète, sans garantie immédiate de résultat. Après une année instable, le projet devra se réinventer de fond en comble pour redevenir un prétendant crédible, au-delà du simple nom qu’il représente encore.

Les Fnatic au début des Worlds 2025
La motivation n'aura pas suffit pour Fnatic (c) Riot Games

Une région européenne un peu en progrès (ou pas), mais encore bridée par son plafond

Le bilan global du LEC est contrasté : un top 8 obtenu, un seed #2 passé tout près, et un troisième représentant éliminé dès la troisième ronde. C’est un mieux par rapport à 2024, mais la hiérarchie mondiale reste intacte : la LCK et la LPL continuent de jouer dans une autre catégorie, pendant que la région EMEA observe, impuissante, depuis le couloir des outsiders. Sur le plan du jeu, la région a confirmé ses qualités historiques : une lecture macro correcte, une adaptation rapide entre journées, une culture tactique raffinée. Mais ces vertus ne suffisent plus. Les écarts se creusent sur la mécanique, la vitesse d’exécution et la précision collective dans les 15-25 minutes, là où les équipes asiatiques scellent leurs victoires.

Pour 2026, la priorité sera de capitaliser sur la solidité mentale aperçue chez G2 et KOI, tout en comblant les lacunes structurelles : plans de Bo5 reproductibles, gestion des tempos neutres et montée en puissance du duo mid-jungle. Le LEC a le socle, il lui manque la finition, et, disons-le, un peu plus de nerf. Il est temps de se sortir les doigts, non pas pour “créer la surprise”, mais simplement pour tenir la cadence.

Même si le niveau de jeu global n’a pas vraiment inspiré l’espoir, les Worlds 2025 n’auront pas été un désastre total. Plutôt une piqûre de rappel : celle d’une région qui progresse, certes, mais qui reste loin du compte. G2 a retrouvé les quarts, KOI a montré une certaine maturité, et Fnatic a prouvé, à sa manière, qu’on pouvait toujours descendre plus bas. Reste à savoir comment chaque équipe abordera 2026 : continuité prudente pour certaines, refonte inévitable pour d’autres. Le LEC avance, mais la conquête d’une demi-finale mondiale, et plus encore d’un titre, suppose une mue profonde : consolider la rigueur, élever le niveau, et cesser de se contenter d’“espoirs raisonnables”.