Matthieu Dallon, le président de Games-Services, répond aux questions de Michal "Carmac" Blicharz dans une interview vidéo d’une demi-heure pour GGL.com afin de parler de l’industrie du jeu, de l’ESWC 2007 et de ses perspectives pour l’avenir.


Quand on le surnomme le "Big Boss" de la Electronic Sports World Cup, Matthieu Dallon reste modeste et se décrit avec un petit accent frenchy comme l’un des managers, des fondateurs de l’ESWC.
Mais avant d’en arriver là, M. Dallon était étudiant en philosophie, et il organisait des LAN avec des amis, développait des softwares... Il leur vint alors l’envie de créer une société car ils avaient un projet : c’est la naissance, à la fin des années 1990, de Ligarena.


Les débuts étaient difficiles car ils étaient nouveaux, jeunes, et être le manager de cette société était son premier vrai emploi. Ils organisèrent les deux premières années, les LAN arena à Paris. Déjà en 2002, ils recevaient des joueurs en provenance de 20 pays différents !

Mais ils avaient alors dépensé tout l’argent qu’ils avaient ; ils devaient donc revoir la politique de la société, en considérant le sport électronique comme un business à part entière, et ils misèrent tout sur une plateforme online qui permettrait de gérer les tournois et les classements.

Mais si Ligarena est installée sur le web en tant que plateforme, elle développe aussi les aspects de licence et de marque. Elle devient Games-Services, "c’est maintenant une licence, une marque que nous vendons à ceux qui veulent développer le sport électronique" et déjà 5 coupes du monde se sont déroulées. Mais "ce n’est pas juste une histoire de business, mais une histoire d’amitié" et avant tout ils aiment ce qu’ils font.

Construire un business dans l’industrie du jeu n’est pas une mince affaire, car les rencontres avec les éditeurs n’aboutissent parfois à rien : "Nous avons un point de vue qu’ils ne partagent pas". De plus, "c’est encore si récent ! C’est le début d’une très longue histoire mais cela va trop vite pour la stratégie marketing ; le jeu ne signifie pas encore grand chose sur le marché". Par ailleurs, ils rencontrent divers sponsors d’horizons différents, mais aucun ne viennent pour les mêmes raisons. Pour Matthieu Dallon, "c’est un signe" qui montre que "le business n’est pas cerné."

Quant à la diffusion de l’eSport par le biais des programmes télévisuels, M. Dallon considère que c’est "une étape nécessaire bien pour faire connaître le sport électronique et le faire comprendre", mais que "le public recherche une histoire réelle, des personnes qui sortent de l’anonymat et d’Internet pour devenir des champions nationaux et jouer sur de vrais stadiums". Mais surtout "ce doit être un système ouvert et un événement de communauté" où "tout le monde doit pouvoir parler à tout le monde."

Lorsque Carmac aborde l’exclusivité de diffusion de matchs Counter-Strike (1.6 et source) accordée par Valve aux CGS, Matthieu Dallon répond que "vendre les droits sur ces genres de jeux qui sont alimentés par la communauté, c’est un cercle vicieux. Ils doivent être libres d’une certaine façon." Il estime d’autre part que "nous ne parlons pas de sport si le talent n’appartient pas au champion" ; ainsi le droit de diffusion doit appartenir aux champions.


Quand on lui demande pourquoi nVidia n’est pas aux côtés du logo ESWC en 2007, Matthieu Dallon répond sans hésiter "je pense qu’nVidia
voulaient changer leur stratégie. Ils ne sponsorisent plus de grosses organisations cette année, ce n’est pas juste l’ESWC, c’est également le cas pour beaucoup d’organisateurs, de producteurs d’expo... Oui, ils changent leur stratégie. Mais je pense et j’espère que ce n’est pas la fin de notre relation avec nVidia. [...] Ce n’est pas un secret, nous avons une profonde relation avec nVidia en Europe. Ils nous ont aidé à créer l’ESWC et nous les respecterons toujours pour cela. Je pense qu’ils veulent juste créer une autre image autour de la marque nVidia, et pour cela ils doivent couper les ponts avec beaucoup de choses profondément liées avec les jeux vidéo par exemple. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait Intel, et aujourd’hui c’est une marque très large, mais ce sont des fabricants de processeurs, et je pense que nVidia vit cette même évolution. Ca ne veut pas dire qu’ils ne reviendront plus, mais ils repensent leur stratégie et font une pause
."

Quant à la baisse du prize money, la perte d’nVidia n’en "n’est pas la raison directe mais nous devions bien sûr trouver un nouveau gros sponsor." De plus, "cette année aussi nous avons eu une actualité spéciale en France : nous avons changé notre président. En France, la politique est très populaire, c’est pourquoi entre janvier et juin il n’y avait rien d’autre dans les médias que les élections présidentielles. En communication pour le budget, pour tout, ça a stoppé beaucoup de choses. Quand vous voyez les investissements globaux de sponsoring en France, dans tous les domaines, cette année est très basse, et cela repartira l’an prochain, c’est quelque chose que vous pouvez voir dans tous les domaines, et comme l’eSport est un très petit domaine en fait pour cette économie, nous étions les premiers affectés par ce phénomène. Mais on l’a fait ! En fait on devait équilibrer l’argent, la production... Je voulais un gros événement [...] On a équilibré, avec de plus petites récompenses mais de meilleures conditions, avec des moniteurs, de bons ordinateurs, beaucoup de choses qui sont nécessaires aussi."


Il existe en outre certaines rumeurs sur le retour d’nVidia pour 2008 ou encore la fin de l’ESWC. Matthieu Dallon ne peut répondre à la première étant donné le caractère confidentiel de leur évolution avec nVidia. Il manifeste cependant son désir de répondre à la seconde : "chaque année, c’est un combat pour toutes les équipes, pour Games-Services, pour tout le monde, pour réaliser son projet. Nous sommes une société qui a maintenant 7 ou 8 ans. Nous le ferons, bien sûr, comme les années précédentes. En fait nous sommes dans une meilleure situation, nous avons de meilleures options pour 2008 que nous en avions pour 2007. C’est une rumeur stupide."



Quels seront enfin les changements pour les prochaines éditions ? L’ESWC grandira-t-elle hors de France ? M. Dallon répond "c’est aussi un rêve, nous voulons voyager. Mais c’est difficile d’arriver sur un marché que l’on ne connais pas [...] c’est difficile pour tout le monde de gérer un projet de sponsoring international quand on n’est pas américain. En dehors de cette perspective il est difficile de construire un projet international avec des sponsors internationaux. Nous travaillons sur des options en dehors de la France, c’est une évolution nécessaire. Quand ? Je ne peux pas répondre. Nous avons beaucoup d’options pour l’année prochaine, pour 2009 également... Nous verrons. Mais nous voulons garder le modèle de licence nationale et de préliminaires nationaux où tout le monde a une chance de participer pour être un champion national." Cependant un nouveau système va être mis en place : "c’est de construire la finale nationale sur un classement national."

Cette interview nous permet donc de connaître un peu l’"histoire" de Games-Services et nous apporte plusieurs informations sur l’ESWC. On peut noter le caractère humain de la société et nous voyons un Matthieu Dallon très sympathique qui reste posé malgré l’ampleur de sa création.

Lien: Interview de Matthieu Dallon sur GGL.com