Méconnu de la scène française, nous allons aujourd'hui à la rencontre de Robin "Srab" Borget, manager CS chez Team Endpoint. Cette structure britannique comporte à l'heure d'aujourd'hui des vétérans d'Arena FPS comme Av3k, une équipe efficace sur Rocket League avec un top 3-4 au Major EU d'automne et une grande finale perdue contre Renault Vitality au Regional Event 3, et enfin une escouade sur CS:GO fraichement promue en ESL Pro League 13 qui sera notre sujet principal.

Bonjour Srab, est-ce que tu peux te présenter dans les grandes lignes pour ceux qui ne te connaissent pas ?
Bonjour tout le monde. Robin, 29 ans, je suis Team Manager depuis trois ans sur CS:GO maintenant. Issu d’une formation en management, avant d’entrer dans l’esport, j’ai taffé pendant huit ans dans la musique, en tant que manager d’artiste, directeur artistique de mon label et co-coordinateur d’évènements (soirées et festivals).

Tu opères chez Endpoint mais auparavant, tu as fait tes armes en t’occupant de francophones en premier lieu (Chaudron Magique, Oserv) puis Smoke Criminals, Team Ancient et enfin Mockit en supervisant notamment Fearoth et Petitskel dans la première formation franco-lettone de l’histoire. Ça a toujours été une volonté de ta part de te projeter vers des projets européens ? Comment en es-tu venu à t’occuper de joueurs Counter-Strike ? 
Je suis naturellement venu sur CS car j’ai été joueur dans mon adolescence, sur 1.6, mon premier amour, et je me suis réintéressé au gaming en 2015, donc je me suis dit : pourquoi ne pas allier le kiff au management ? Et me voilà ! 
J’ai effectivement commencé sur la scène française. Ça me paraissait le plus logique pour l'apprentissage, la facilité de langage et compagnie. Je suis quelqu’un qui aime faire les choses dans l’ordre, sans brûler d’étapes, donc j’ai commencé “en bas de l’échelle”, normal, et j’ai évolué petit à petit car je revoyais mes objectifs personnels. Donc tous les trois-quatre mois, j’essayais de trouver un nouveau projet avec des ambitions supérieures après avoir fini ma tâche avec l’équipe précédente. 
Concernant le fait d’aller à l’inter, c’était un peu l'une de mes seules options car j’avais bien compris que la plupart des grosses structures étaient anglophones, donc il était indispensable de maîtriser le jargon anglais. Et puis, pour quelqu’un comme moi qui débarque un peu de nulle part, sans avoir de réseau, il est quand même très dur d’entrer dans la sphère du “sub-top” français si on ne connaît personne car la scène a tendance à rester autocentrée sur un noyau très restreint de personnes, ce qui, selon moi, empêche une réelle émulation et un partage de connaissances qui pourrait être bénéfique à tout le monde. CS est un jeu d'équipe et selon moi, ça se passe in game et aussi en dehors. L'entraide et le partage, c’est super important. 
Du coup, j’ai bifurqué vers l’européen et j’ai rencontré Fearoth chez SM2K, que je suivais depuis un moment du coin de l'œil car j’aimais beaucoup son parcours.

On parle souvent de la fonction de coach, le sixième homme présent sur le vocal et sur le serveur, mais rarement des managers. Est-ce que tu pourrais nous décrire les tâches que tu exécutes dans la semaine/journée type d’un manager d’Endpoint ? 
Un team manager, c’est une sorte de papa de substitution. On est là pour aider pour tout ce qui se fait en dehors du jeu.
Cela consiste à préparer les praccs, à la gestion des invités, des participations aux tournois, des signatures de documents, des envois autres, de la communication entre les joueurs et la structure, des TOs, des joueurs... La gestion de problèmes, qu'ils soient personnels ou pro, pour un joueur en particulier ou l’ensemble de l’équipe.
Et puis j’essaie de prodiguer des conseils à chacun selon son mode de fonctionnement, pour leur donner des clefs d’amélioration sur certains points de leur lifestyle, pour les aider à être plus performants in game.

Tu as dû t’occuper d’un grand nombre de personnalités aux cultures différentes mais qui parlent la même langue sur le serveur : CS:GO. Est-ce dur de s’aligner sur toutes les timezones
Concernant la timezone, en Europe, on s’aligne tous sur le fuseau CET/CEST, donc le nôtre, ici en France. Avec Endpoint, on est en -1 / +1. La timezone reste assez serrée donc aucun souci.

Vous avez dans vos rangs des figures qui évoluent depuis longtemps sur le jeu (Surreal, CRUC1AL, Robiin avec beaucoup de bagage), un joueur cadre de la structure présent depuis plus de 4 ans chez Endpoint (MiGHTYMAX), et de jeunes talents précoces comme flameZ, l’un des meilleurs rifles du Levant (issu de la FPL et d’1.6), le tout coaché par un Irlandais : RossR. Comment l’alchimie prend-t-elle avec tout ce beau monde ? Est-ce que tu peux nous présenter tes éléments ? 
L’équipe a vraiment un super esprit d’équipe et tout le monde s’entend très bien. Surreal, Cruc1al, Robiin et Max se connaissent depuis longtemps car ils gravitent autour de la scène UK et EU depuis un moment. Ce sont quatre gars super sympas, très posés et réfléchis. Ross est avec eux depuis début 2020, il a clairement une posture paternaliste du fait de la différence d’âge et les joueurs lui font confiance à 100 %. Il est inconnu du grand public mais c’est un monstre de travail et il est très bon dans ce qu’il fait. L’arrivée de flameZ s'est super bien passée, il est pleinement intégré. C’est un super bon petit gars, toujours de bonne humeur, la pile électrique du groupe toujours prête à arracher des têtes. Ce que j’adore avec eux, c’est le sérieux et la résilience dont ils font preuve, et selon moi, ces deux points peuvent mener très haut.

Un de vos anciens joueurs, Thomas « Thomas » Utting, a été transféré chez Env. Avec ALEX en fer de lance de C9 et mantuu chez OG, est-ce que les joueurs britanniques ne reviendraient pas à la mode ? Les mêmes sur les frasques de l’UKCS sont-ils définitivement à mettre au placard ? 
À mon avis, on en a encore pour quelques temps avec les mêmes, mais on ne peut que constater que l’UKCS a produit quelques bonnes petites pépites qui ont encore du temps pour prouver leur place dans le top et qui, à mon avis, ne nous décevront pas.

Robiin a essuyé un VAC Ban par Valve pour triche sur The War Z avant qu’il soit lift en 2018 et c’est la première fois dans sa carrière qu'il a l’opportunité d’évoluer plus d’un an dans une même organisation. Est-ce que selon toi, beaucoup de joueurs de cet acabit pourraient mieux performer si on leur offrait une stabilité financière ?
Il est certain que la chance d’avoir un salaire qui permet d’être pro, donc selon moi 1200 € minimum si on se base sur le SMIC français, ça apporte un avantage pour se concentrer sur le jeu et ainsi se donner plus de chances de réussir. En revanche, il faut bien comprendre que oui, il y a de l’argent dans l’esport, mais qu'il reste essentiellement concentré sur une poignée de TOs ou structures, et qu'il n'est donc pas aisé d’en vivre même en étant à un niveau qui pourrait être considéré comme élevé exemple la MDL.
Cela pourra paraître naïf ou utopique mais de mon point de vue, il est normal que des joueurs T1/T2/T3 en vivent. Vivre de sa passion est l’une des plus belles choses qu’on puisse faire dans une vie mais de là à gagner + 15k, je trouve que ça n'a aucun sens malgré la valeur (spéculative) marketing d’un joueur. On ne fait qu’entendre de toutes les structures qu’avoir une équipe CS n’est pas rentable. Mais du coup, si on payait moins et qu’on partageait mieux les richesses, un peu partout, je suis persuadé que l’écosystème se porterait mieux sur le moyen terme et que tout le monde pourrait ensuite en tirer des bénéfices.
C'est là qu’on voit qu’il y a un gap énorme entre tous ceux qui ne gagnent pas assez pour en vivre et d’autres qui gagnent des sommes astronomiques et au final, c’est la scène globale qui en pâtit, ou tout du moins en est ralentie. 
 

Vous faites partie des deux formations issues de l’ESEA 35 à s’être immiscées en ESL Pro League après trois remontées dans le bracket face à Team Secret, sAw et Sprout. Est-ce un accomplissement majeur de ta carrière ? 
C’est clairement le plus grand accomplissement de ma carrière à l’heure actuelle mais je ne compte pas m’arrêter là. C’était vraiment incroyable, j’ai complètement craqué, surtout quand on voit le départ de notre saison. C’était un objectif que je m’étais fixé l’an passé, que je voulais réaliser avant décembre 2021. Sprout était statistiquement meilleure que nous mais le mental a clairement été de notre côté. J’étais pour une fois sur le TS, avec eux, lors des derniers rounds de Mirage, et il n’y avait rien qui pouvait nous empêcher de gagner vu la détermination que je ressentais dans leur com'. Comme je leur ai dit : dans la vie ou dans CS, y a pas de plan B mais qu’un seul plan A. Qu’importe le temps ou les chemins empruntés, on arrivera à notre objectif. Celui-ci a été atteint. 

Est-ce que cela vous ouvre des portes en termes de pracc ? Qui aimeriez-vous pouvoir jouter en entraînement désormais ?
Concernant les praccs, on joue déjà tout le monde depuis un moment, du T1 au T3, donc personne à rajouter. 

Pensez-vous pouvoir atteindre les playoffs à Malte en mars ? Quel serait votre groupe idéal pour la S13 de ces EPL ?
On n'a pas spécialement d’adversaire favori car tout le monde est objectivement très fort. En revanche, je pense qu’on pourrait atteindre les playoffs car tout peut toujours arriver, et on sera clairement super chauds et pleins d’envie. On aura cette hargne surdéveloppée car ça sera notre première fois, comparé aux autres qui pour certains sont des résidents permanents. Pour le moment, on croise les doigts pour que ça reste maintenu à Malte et non pas online.

 Vitality (#1)
 Astralis (#2)
 Natus Vincere (#4)
 mousesports (#8)
 G2 (#9)
 Complexity (#10)
 FaZe (#12)
 fnatic (#13)
 NiP (#14)
 Evil Geniuses (#15)
 Liquid (#16)
 TeamOne (#24)
 Endpoint (#30)
 ENCE (#33)

Pour l'instant, nous ne connaissons que quatorze des vingt-quatre équipes en lice pour la saison 13 de l'ESL Pro League (Classement HLTV)

Cette saison, vous avez également fait le doublé en ESL Premiership, une HomeSweetHome, des tops 2 à l’Eden Arena, BLAST Rising, deux DreamHack et de jolis upsets, mais quel est ton meilleur souvenir en tant que manager ?
Tu t’en doutes, ça reste la qualif' EPL. Vraiment, je n'ai jamais ressenti autant de stress dans toute ma vie, même sans parler de CS. J’ai été content de chaque victoire mais c’est clair que c’est pas la même chose quand tu sais que celle-ci te fait partir en LAN, ou lorsque tu es vraiment en LAN, et pour le moment, je n’ai pas pu goûter à cela avec cette équipe, et je peux te dire que j’ai hâte.

Est-ce que tu ressens de plus grandes difficultés opérationnelles quand tu manages une équipe dans le tier 2 comparé au tier 1 ? Je pense aux compétitions qui ne se concertent pas souvent entre elles pour s’aligner sur leur calendrier au niveau des dates, à la nécessité de ne rien rater en termes d’inscriptions aux multiples qualifiers...
Honnêtement, pour la plupart des TOs, il y a beaucoup de flexibilité de leur part, des “accords” entre eux. Ils sont à l’écoute et prennent en considération nos requêtes et autres potentiels clashs de calendrier. Après, le gros du taff sera lorsque les LANs vont reprendre pour booker les voyages et c’est clair que des mecs comme Astralis peuvent voyager plus de deux cents jours dans l’année. La logistique et le Tetris game pour tout bien imbriquer peuvent être tricky. Mais bon, c’est notre job en tant que manager et j’attends que ça.

Quels sont vos objectifs pour 2021, quels tournois avez-vous en ligne de mire ? Vous pouvez espérer vous immiscer à Katowice via l’EPEC si je ne me trompe pas.
Effectivement, on peut se qualifier au Play-In de Katowice et cela se fera avec l’aide de notre amigo Conor, qui a joué les EPS avec nous. Ce serait magique car l’événement est pour le moment toujours prévu offline !
Valve vient d’annoncer qu’il n’y aura qu’un Major Fall, du coup j’espère avoir l’opportunité d’y participer.

Est-ce que d’autres jeux t’attirent à l’avenir en tant que manager ? 
Pour le moment non, car je ne me penche pas assez sur la scène des autres jeux. Il y a déjà tellement de taff' sur CS que je n’ai pas envie de me perdre. J’ai jeté un œil à Valorant, comme beaucoup je pense, et je suis LoL et Fortnite de loin. En revanche, le monde du poker m’intéresse beaucoup, étant moi-même joueur, donc on verra où le vent nous mène d’ici quelques années. Mais je n’en ai pas fini avec CS, c’est sûr.

Merci pour ces réponses, Srab. Nous te laissons le traditionnel mot de la fin pour conclure cet entretien.
Merci à vous, c’était bien cool. Et pis du coup, comme déjà fait, je tiens à sincèrement remercier tous ceux qui m’auront fait confiance, aidé, et avec lesquels on aura échangé. Je sais qu’ils se reconnaîtront tous, et particulièrement Spiroo, hyrom, Jibril, Ayden et Veek. C'est aussi grâce à eux que j’en suis là, même si la route est loin d’être finie. On a encore deux events durant décembre et je ne sais pas de quoi sera fait 2021, mais j’ai hâte d’attaquer cette nouvelle année et de tout donner pour atteindre mes nouveaux objectifs.