Gamers ou non, joueurs de poker ou non, nombreux sont ceux qui connaissent, ou ont entendu parler d\'ElkY, ce geek devenu joueur de poker, le joueur de poker devenu millionnaire. Joueur Starcraft, 2e des WCG 2001, il part en Corée pour devenir joueur professionnel, une sorte de pionnier de la discipline. Après quelques années, il devient en 2005 joueur de poker à plein temps, et lance une seconde carrière que l\'on peut déjà qualifier aujourd\'hui de réussie, bien qu\'elle soit loin d\'être terminée. Il est aujourd\'hui l\'un des rares à avoir gagné WSOP, WPT et EPT, la fameuse « Triple crown », pour plus de 8 millions de $ de gains, et devenir une personnalité connue et reconnue dans les médias.


Est-il un exemple à suivre ? Je ne parle évidement pas de sa carrière, la réponse serait clairement « oui », mais peu de gens ont les qualités nécessaires pour en faire de même... Je parle du travail qu\'il a réalisé sur lui-même, sur la construction du « personnage ElkY » que ce soit dans l\'eSport ou au poker, qui est aujourd\'hui là-encore une réussite, alors qu\'au fond, ce n\'était pas vraiment dans la poche...



\" L\'anti beau gosse ? \"



Avant d\'être ElkY, il est surtout Bertrand Grospellier, un jeune homme de moins de 30 ans qui ne peut être, d\'un point de vue marketing, vendu pour
son physique ou son charisme.

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C\'est en effet une pratique courante depuis quelques années dans l\'univers de la publicité et des médias que de « vendre » des sportifs ou des personnalités du monde du spectacle, au-delà de leur fonction première, pour leur physique ou leur charisme. Personne ne trouve donc étonnant aujourd\'hui de voir des George Clooney et des David Beckham vendre du café, des shortys et du parfum.

A côté de ces deux exemples, utiliser du ElkY en valeur ajoutée d\'un produit semble effectivement bien fade, lui qui semble renfermé sur lui-même, en s\'exprimant dans les différentes interviews de manière un poil confuse, et surtout très rapide. Et pourtant, la volonté peut faire des miracles.



Un énorme travail de transformation



Au fur et à mesure que sa notoriété a crû, ElkY a compris l\'importance de ne pas être « transparent » aux yeux des médias qui, doit-on le rappeler, sont un peu la clé de voute des disciplines transmises au public comme un spectacle, à l\'image du poker (ou du sport électronique, j\'y reviendrai plus tard dans cet article). L\'image ci-dessus montre un peu les prémices de ce personnage qui va naître au fil de sa carrière, celle d\'ElkY le flamboyant, capable d\'attirer l\'attention sur lui par diverses manières.






Déjà dans ce reportage de l\'émission « Capital » sur M6 en 2002, la journaliste le définit comme « un garçon à la chevelure qu\'on ne risque pas d\'oublier », ce qui dans le fond, était déjà une réussite. En effet, les télespectateurs d\'une chaîne grand public telle que M6 ont forcément été marqués par ce « drôle de personnage », français, expatrié dans un pays, la Corée du Sud, dont la plupart des français ne connaissent que très peu, et ont donc plus de chances de s\'en souvenir, que s\'il avait été un individu lambda. On note aussi que dans ce genre de reportage télévisé, le niveau de jeu de l\'individu n\'est pas une donnée « importante » : il est bon, MAIS, il est surtout un joueur au cheveux rouges, presque loufoque donc, expatrié dans un pays inconnu, pour un métier inconnu du grand public. (Rappelons qu\'il s\'agit d\'un reportage de 2002, la situation de l\'eSport à l\'époque était, pour ceux qui s\'en souviennent, vraiment très éloignée de ce qu\'elle est aujourd\'hui...)


ElkY appliqua la même recette en 2008 alors qu\'il était déjà un joueur de poker reconnu lors de l\'APPT Macao, en se déguisant en Joker, l\'ennemi de Batman, pour une arrivée aux tables plus que remarquable. Aujourd\'hui, il est reconnaissable en tournoi pour ses couleurs de cheveux, du brun au blond platine en un clin d\'oeil, avec parfois quelques excentricités, et des t-shirts très riches en couleur.

Mais ElkY a rencontré dans ce monde du poker d\'autres personnages tout aussi excentriques, qui ont pour beaucoup un interet commun : les prop bets. WTF is diz ? Des paris, pour des montants qui montent rapidement à des valeurs à 5/6 chiffres, sur des sujets plus ou moins sérieux (surtout moins) : perte de poids, matchs de tennis, de golf et autres entre les stars du poker. Et Elky était au centre d\'un prop bet qui a fait le buzz ces derniers jours...



Bertrand « ElkY » Grospellier vs. Lex « RasZi » Veldhuis, UFC139 bis ?



Se teindre les cheveux entretenir son personnage reste accessible au commun des mortels, mais défier quelqu\'un pour un combat de kickboxing, tout en sachant que ce combat sera bien évidement suivi par une foule de gens sur Internet, c\'est le niveau au-dessus. « 
Tu ne peux pas me battre, je suis ElkY ! »  avait-il déclaré il y a deux ans, à l\'EPT Barcelona. Et pourtant, les préparatifs ont été longs, les montants du pari fixés (les rumeurs parlent un prop bet à $100000 pour le vainqueur), et le combat à eu lieu à Marbella (Espagne) avant-hier (22/11). Voici d\'ailleurs la vidéo des explois d\'Elkantar !





Certes, ça n\'a rien à avoir avec le combat Shogun Rua vs Dan Henderson que les afficionados du genre ont suivi Samedi dernier, mais ce n\'était pas vraiment l\'objectif...ElkY a beau s\'être préparé auprès d\'un spécialiste de MMA, avoir fait un stage de 3 semaines en Thaïlande, le K.O est arrivé très rapidement avec un high-kick de Veldhuis au second round. Mais l\'important est ailleurs, ElkY a encore « fait le buzz », expression que je hais, mais qui colle vraiment avec ce besoin d\'exposition médiatique des personnalités publiques.
 

 

 

Le lien avec l\'eSport ?


Soyons clair, si le monde du poker, donc le « boom » vers le grand public ne date que de 2003 possède des stars excentriques et à forte personnalité, c\'est un peu aux antipodes du sport électronique, dont les plus grands représentants sont des joueurs à l\'égo surdimensionné, mais au charisme plutôt limité...très limité.


En effet, comment peut-on starifier des joueurs qui n\'ont aucune vraie qualité à mettre en valeur au-delà de leur niveau de jeu, et cela même s\'ils sont excellents dans leur discipline. Thorzain par exemple, joueur suédois de chez mousesports sur Starcraft 2 est certes un très bon joueur, mais je pense que nombreux sont ceux qui ont eu le même ressenti que moi sur son comportement par exemple lors de l\'OGaming 2 : préférant rester assis sur sa chaise que de venir sur le devant de la scène, se contentant de trois à quatre mots pour répondre aux questions des animateurs de la soirée, il était parfaitement dans le rôle du geek à lunettes renfermé sur lui-même décrié par le grand public. Pour un MC qui harangue les foules, combien de joueurs inintéressants ?

C\'est là encore l\'une des principales limites de la démocratisation du sport électronique, il est impossible que cette discipline perce réellement auprès du grand public si le grand public ne peut s\'identifier à ses acteurs, à ceux qui font l\'actualité de cette discipline, et c\'est très probablement ce qui explique en ce moment que les shoutcasteurs ont plus de succès auprès du public que les joueurs.



Dans l\'émission d\'eGG-One, 100%SC2, l\'animateur Kaoru a posé la question suivante : l\'eSport doit-il être pensé comme un sport ou comme un spectacle ?


La question ne devrait pas être posée... L\'eSport doit être un sport pour ceux qui le pratiquent, et un spectacle pour ceux qui le regardent, comme pour n\'importe quelle autre discipline. Le seul problème, c\'est que les sportifs, qui sont les acteurs de ce spectacle, doivent être efficaces dans leur rôle...et pour l\'eSport, le chemin est encore long ! :)