Début décembre, les équipes du site VaKarM.net ont dévoilé un projet original : l'ouverture d'une cagnotte en ligne pour la sortie d'un magazine papier dédié à CSGO. Nous sommes allés à leur rencontre pour découvrir les coulisses de cette belle aventure.

La communauté a plus que répondu à l'appel

En moins de 24 heures, l'objectif a été atteint. La cagnotte (toujours ouverte par ici) lancée pour financer ce projet de magazine a dépassé les 8000€ en quelques heures, à la surprise notamment de Samuel « MilkaFun » Arnaud, rédacteur en chef du site VaKarM.net, et de Quentin « MrHusse» Janel, rédacteur et traducteur pour ce même site. A l'heure où nous écrivons ces lignes, les 18 000€ sont dépassés et témoignent de la forte mobilisation de la communauté francophone CSGO, très présente sur ce média. 

La rédaction *aAa* est allée à la rencontre de ces deux protagonistes, très actifs sur ce projet, afin de parler de la génèse et de la réalisation de ce magazine qui proposera divers entretiens, un gigantesque dossier sur le lead in-game ou encore un retour sur la curieuse histoire de Counter-Strike: Condition Zero.

Comment est née cette idée ?

Samuel « MilkaFun » Arnaud : A la base, c’est venu d’une interview que nous avons faite avec un ancien joueur CS Source, Boris "flex0r" Latry, qui est revenu sur CSGO pour former des jeunes. Nous comptions la publier sur le site, sauf qu’elle était beaucoup plus longue que prévu, au point de devoir la diviser en quatre parties pour ne pas publier un article trop lourd. Pour plaisanter nous nous sommes dit que si nous sortions un magazine papier ce serait plus simple. Tout cela est arrivé au moment du second confinement, à l’automne 2020, nous avions du temps devant nous et finalement cette idée s'est transformée en vrai projet. 

Ça a certainement été compliqué de savoir par où commencer, comment vous êtes-vous organisés ?

MilkaFun : Nous avons eu de la « chance », j’ai fait des études dans l’édition donc je sais un petit peu comment cela se déroule, et avec MrHusse nous sommes fans de magazines en général, nous avions donc déjà une idée de ce que nous souhaitions faire. En terme d’organisation, nous avons travaillé à l’envers : d’habitude, tu crées un « chemin de fer » qui te permet de désigner ce que tu mets sur chaque page, alors que de notre côté nous avons d’abord beaucoup écrit et réalisé de nombreuses interviews. Une fois ce contenu préparé, nous avons décidé quoi en faire en travaillant la mise en page sur le logiciel InDesign. La maquette a justement été le gros point d’interrogation au début car c’est très complexe, nous ne sommes ni graphistes ni maquettistes. Une amie d’un membre du staff est alors venue nous aiguiller sur ce que nous pouvions faire, mais elle a vite manqué de disponibilités, nous avons donc acheté une maquette toute prête en ligne pour l’utiliser comme base et la modifier à notre sauce, en fonction de nos besoins. MrHusse et moi-même avons des bases sur InDesign, nous avons pu avancer en s’aidant de tutoriels. Ça a été beaucoup d’artisanat, mais ça a été le moyen le plus simple d’avancer. Si tu commences à confier des choses à des personnes extérieures, c’est bien mais l’implication n’est pas forcément la même, nous avons donc décidé de faire tout ça en interne.

Aviez-vous des contraintes en terme de nombre de pages ou avez-vous uniquement fait en fonction du contenu préparé par vos soins ?

MilkaFun : Au début nous partions sur 100 pages, mais une fois que nous avions tout regroupé, nous étions à 140 pages environ, pour finir à 152 en ajoutant les derniers éléments. Nous avons dépassé de 50% ce que nous comptions faire, mais c’est parce que nous avons travaillé à l’envers en rédigeant en amont. Ça nous a permis d’avoir plus de libertés sur le contenu, mais en contrepartie les coûts ont grimpé notamment au niveau de l’impression.

Le choix de ne pas insérer de publicités au sein du magazine a-t-il été simple à faire ?

Quentin « MrHusse» Janel : D'autant plus simple que ça n'a pas été un choix, ça s'est imposé naturellement. Nous étions dans notre bulle avec Milka, à gratter du texte, faire des entrevues, réfléchir à nos graphismes, travailler notre maquette, et puis un jour nous avons fait tout ce que nous voulions faire. Le résultat faisait 152 pages, et à aucun moment nous nous sommes posé la question de la publicité. Le sujet est arrivé sur la table au moment de la réflexion sur le coût de production et d'envoi, mais, même là, nous avons rapidement budgété le magazine tel quel, sans réfléchir à des opérations de publicité. Avec le recul, vu le soutien de la communauté, la publicité n'était même pas nécessaire, puisque nous avons dépassé tous nos espoirs de financements. Donc nous sommes fiers de pouvoir offrir un produit "pur", 152 pages de contenu et rien qui ne vient polluer les cerveaux.


Quelques 152 pages attendent les lecteurs (c) VaKarM.net

Qu’est-ce qui a été le plus dur à vos yeux ? 

MilkaFun : C’est la longueur du projet. Un projet qui dure plus d’un an, c’est très long. D’habitude lorsque je rédige une news, je commence à l’écrire et 30 minutes après elle est publiée sur le site. Là… nous avons fait des interviews qui datent de plus d’un an et nous pouvons nous poser des questions comme « pense-t-il encore ce qu’il nous a dit l’an passé ? ». Nous avons essayé de faire des choses intemporelles pour que le contenu soit pertinent à la sortie du magazine, mais la durée du projet a vraiment été l’élément le plus difficile. Tu n’en vois pas vraiment la fin : quand tu termines la rédaction, tu as la mise en page, puis la relecture, puis la réalisation de devis auprès des imprimeurs, puis l’organisation des envois, puis le lancement de la cagnotte en ligne, puis la communication, etc. Le projet est super mais donne l’impression qu'il est sans fin, c’est dur de conserver la motivation tout du long.

MrHusse : Probablement tout ce qui est arrivé après la rédaction. La rédaction, pour des rédacteurs, c'est la partie fun. Derrière, il fallait tout fusionner, retoucher les mises en pages quand ça déconnait, penser à la logistique, faire le budget, les recherches d'imprimeur, etc. D'autant que lorsque nous sommes entrés dans cette phase, ma situation pro a évolué et j'avais moins de temps à consacrer au magazine, sachant que je vis en Amérique du Nord, donc en décalé niveau horaire. J'ai essayé de continuer à contribuer mais ce n'était pas évident, et c'est le reste du staff, Milka en tête, qui a fait le gros de ce boulot hyper chiant.

Avez-vous rencontré des difficultés à réunir des photographies du passé malgré votre base de données et l'aide de divers acteurs ? 

MrHusse : Déjà, sur ce sujet, nous nous devons de remercier aAa : vous avez des pépites dans vos albums Facebook qui nous ont été très utiles pour illustrer nos articles sur CS 1.X. Merci aussi à Maciej Kolak, que nous avons interviewé et qui a accepté que nous piochons dans ses magnifiques photos. Et enfin, Jennika Ojala : pas sûr qu'elle lise team-aaa, mais c'est elle qui nous a fourni la photo en Une, elle l'a fait gracieusement et avec plaisir. D'ailleurs, en parlant de prix, on en place une pour HLTV aussi : lorsque nous leur avons demandé si nous pouvions leur emprunter une ou deux photos, ils nous ont répondu que c'était 500€ la photo. Sympa les gars.

Pour revenir à ta question, c'était pas évident effectivement. Nous avons la chance d'avoir une base de données incroyable, qui couvre largement les 10 dernières années de Counter Strike. Pour certains articles, nous avons dû se montrer créatifs, faire rouler archive.org, traquer les vieux ftp avec Dorian, notre archéologue en chef. Dans l'ensemble, je pense quand même que nous avons un résultat satisfaisant niveau illustration, avec des photos variées, de qualité et souvent assez rares.

Et quel meilleur souvenir gardez-vous de la réalisation de ce magazine ?

MrHusse : Probablement les entrevues. J'ai eu la chance de passer plusieurs heures en compagnie de légendes comme bisou, Ex6TenZ ou krL, des joueurs qui ont eu leur pic avant que je suive le jeu de façon assidue. C'était un vrai bonheur de voir qu'après toutes ces années, qu'ils soient encore sur le jeu ou non, Counter-Strike était leur vraie passion et qu'ils pouvaient en parler des heures sans se lasser. J'espère vraiment que ça se ressentira dans les interviews du magazine. D'un point de vue plus pragmatique, il faut bien avouer que la première fois que Milka m'a envoyé le .pdf entier pour relecture, il y a eu une petite fierté pas désagréable !

Cela n’a pas été trop dur de garder « secret » ce projet ?

MilkaFun : Nous informions les personnes que nous avons interviewées que le contenu sortirait dans un magazine et pas à court terme sur le site, nous ne souhaitions pas leur mentir et les faire attendre encore et encore. Elles trouvaient ça cool et il n’y a quasiment pas eu de fuite. Il y a juste Sébastien « krL » Pérez qui en a parlé une fois lors d’un de ses streams, mais c’est passé inaperçu, nous étions plutôt contents (rires).

La cagnotte a rencontré un véritable succès, mais cela signifie aussi que vous allez avoir de très nombreux magazines à envoyer. Comment allez-vous gérer cela ?

MilkaFun : Nous allons gérer nous-mêmes (rires). Nous avions cherché ce que nous appelons des routeurs, qui gèrent les envois à ta place, mais c’est compliqué quand tu es une association et que tu n’as pas beaucoup de budget. J’ai aussi pris contact avec des assos qui avaient monté des projets similaires sur Ulule ou d’autres plateformes afin de savoir comment elles avaient géré les envois, et généralement ça a été fait à la main par les bénévoles. MrHusse habitant au Canada et moi sur Grenoble, nous avons décidé de gérer ça sur Grenoble pour des raisons qui font sens. En janvier ou février nous y passerons très probablement un weekend tous ensemble pour gérer tous les envois. Ce sera un peu long mais il n’y aura rien de compliqué.

A partir du second palier de financement participatif, vous offrez des stickers CSGO à coller. Ils ont aussi été réalisés par vos soins ? 

MrHusse : Oui ! Nous avons déjà le design général et nous jonglons avec plusieurs idées pour y mettre des petites phrases sympathiques en phase avec l'esprit VaKarM et la communauté CS:GO française. Nous hésitons encore entre plusieurs propositions, peut-être que nous demanderons l'avis des lecteurs, peut-être que ce sera une surprise à l'arrivée, nous verrons.

Etes-vous surpris par cette mobilisation ?

MilkaFun : Oui, nous ne savions pas à quoi nous attendre car nous faisons jamais de tels projets. La dernière fois que nous avons organisé quelque chose, c’était le bus communautaire VaKarM pour aller assister à l’ESL One Cologne il y a plusieurs années, et c’est un projet qui n’est pas du tout comparable. Notre but était de rentrer dans nos frais car l’asso n’a pas les moyens d’assumer un projet à perte, et l’objectif a été atteint en quelques heures. Nous ne pensions pas qu’il allait y avoir un tel engouement. D’habitude les gens mettent des « j’aime » sur Twitter mais il y a de moins en moins d’interactions, de moins en moins de commentaires sur le site, donc tu doutes, tu te dis que VaKarM a peut-être fait son temps et au final quand tu vois le résultat d’un projet comme ça c’est juste génial.

Un second numéro est déjà envisageable dans vos esprits ?

MilkaFun : Cela va juste dépendre de si nous sommes assez motivés pour relancer un tel projet. Un second numéro sera moins long à réaliser car nous avons pris nos marques, ce sera moins fatiguant, mais il faut trouver un sujet central, trouver des gens à interviewer, se remotiver à se relancer dans un truc comme ça… Il y aura peut-être un deuxième numéro un jour, mais il est difficile de se prononcer car nous sommes des bénévoles, tout dépend de beaucoup de choses.


La Une du magazine (c) VaKarM.net

Y a-t-il des sujets que vous avez dû mettre de côté ?

MilkaFun : Pour le magazine nous avions besoin d’un sujet central, nous avons choisir les leaders in-game en France, mais beaucoup d’autres sujets méritent d’être traités avec autant de profondeur, comme par exemple Counter-Strike et la scène féminine. Ce sont des sujets extrêmement denses, il est tout à fait possible d’en faire des dossiers de 50 ou 80 pages. Le sujet du LIG est venu très vite sur la table et s’est vite imposé, nous n’avons donc pas trop cherché plus loin, mais nous avons eu quelques idées que nous n’avons pas pu réaliser. Par exemple nous souhaitions interviewer le créateur de la PxL LAN qui fêtait sa 50ème édition l’an passé, il doit avoir une mine d’or d’anecdotes à raconter. C’est une idée que nous avions lancée comme ça, mais personne s’est positionné dessus et lorsque nous en avons rediscuté, le magazine était déjà bouclé.

Qu’avez-vous envie de dire à la communauté française qui vous a énormément suivis sur ce projet ?

MilkaFun : Et bien merci beaucoup ! Le site VaKarM n’est pas au mieux de sa forme depuis quelques années, il se fait vieux, il est un peu moche et un peu pété de partout. Nous savons qu’il y a moins de personnes qui viennent, qui laissent des commentaires, donc parfois nous nous demandons si c’est vraiment encore utile de continuer, mais nous aimons Counter-Strike, nous avons envie de continuer. Et quand nous voyons des mobilisations comme celle-là, nous constatons que la communauté est toujours là et que lorsqu’il faut soutenir des projets un peu originaux, les gens nous suivent, c’est vraiment cool. Encore merci.

MrHusse : J'en reviens toujours pas. La veille du lancement, nous réfléchissionst encore à comment nous comblerions les manques si nous n'atteignions pas l'objectif, ce que ça signifierait pour la situation économique de VaKarM et l'avenir du site. Nous avions prévu plein d'actions de communication tout au long de la cagnotte pour maintenir la flamme et espérer gratter les 100% à l'arraché. Et puis en 3 heures, on a fait péter les 100%, là nous sommes au-dessus de 200%.

Ça montre que même si la commu CS française n'est pas aussi grosse que celle de Lol, il y a quand même la place de faire des belles choses qui fédèrent. Ça redonne aussi un boost au moral en tant que rédacteur, où on peut parfois avoir l'impression que ce qui crée de l'engagement, c'est juste les news de rumeurs et de transferts. On a tous connu ce moment où tu ponds un texte de 3000 mots et qu'il y a 3K vues et 2 commentaires, pendant que la brève sur un changement dans le top fr bat tous les records juste à côté. Avec le succès du magazine, nous voyons qu'il y a aussi un appétit pour le contenu de fond.

Bref, merci les gens, vous êtes incroyables, voir cette année de boulot récompensée de la sorte, nous ne pouvions pas espérer mieux !

Si vous souhaitez participer au financement du projet et obtenir votre propre magazine VaKarM, ça se passe ci-dessous !