Les plus anciens d'entre vous se rappelleront certainement de ce nom : Frederick « Kaoru » Gau. Il est aujourd'hui à la tête de Gozulting, une entreprise qui travaille sur des projets dont vous avez forcément déjà entendu parler : OTP, KCorp, Game of Rôles... La rédac' a décidé d'aller l'embêter pour prendre de ses nouvelles.

A la rencontre de Fred « Kaoru » Gau, co-fondateur de gozulting

Arrivé en septembre 2010 au sein de l'équipe *aAa* Starcraft II en tant que manager, Fred « Kaoru » Gau, celui qu'on appelle « Le Panda » (rien à voir avec celui de Beauval), a parcouru un bon bout de chemin depuis. A la tête des formations MYM puis Acer les années suivantes, il a par la suite officié dans le staff O'Gaming (travaillant notamment sur l'Iron Squid), puis Gaming Live et Webedia à l'occasion du rachat par cette dernière de Gaming Live.

Aujourd'hui, il dirige Gozulting, une entreprise omniprésente dans l'esport français mais qui reste pour autant très discrète. La rédaction a profité de la rentrée pour lui poser quelques questions. Entretien.

Après avoir quitté Webedia, tu as fondé Gozulting. Pourquoi ?

Gozulting est issu d’une longue réflexion. Ça s’est créé sur une frustration que nous avions avec Clément « LeLfe » Laparra, ancien *aAa* tout comme moi. Nous trouvions que beaucoup de personnes se faisaient mal conseiller dans l’esport, ce qui a fait fuir plusieurs marques du milieu du sport électronique. Des personnes peu scrupuleuses leur ont promis monts et merveilles et au final elles se sont retrouvées avec à peine 20% de ce qui avait été promis, voire pire. Et comme tout le monde peut s’en douter, lorsqu’une grande marque se fait avoir comme ça, elle ne revient jamais dans le milieu... C’est un peu embêtant. 

La création de Gozulting découle aussi de mon expérience chez Webedia et certains de leurs rachats qui ne correspondaient pas à ma vision du secteur. Du coup, plutôt que de voir des entités faire n’importe quoi avec l’argent et les qualités des autres, nous nous sommes dit que nous pouvions le faire à leur place. Et mieux. Nous étions partis dans un premier temps sur une agence de consulting, mais ça ne paie pas, donc la logique était de faire une société de production (la production étant devenue mon métier au fil des années). Clément était partant, mais nous cherchions aussi un tech’ et c’est là que nous avons eu l’idée de proposer le projet à Valentin Lormeau, alias Yamato, qui est un peu le MacGyver de la technique. Le projet lui a plu, il nous a rejoints et c’est ensuite que nous avons contacté Xavier Oswald, qui débutait dans l’esport mais qui avait un aspect plus business et networking que nous. Il complétait bien l’équipe. Tout ça a donc débuté officiellement le 1er mai 2017.


Clément (LeLfe) à gauche, Fred (Kaoru) à droite, faisant semblant de parler boulot

Quel était votre premier projet chez Gozu' ?

Étonnamment c’était avec Webedia, j’ai assuré la continuité des choses qui étaient en cours lors de mon départ. Il y a eu un projet Gears of War 4 - Gear Pro Circuit Paris Open et un autre pour l’ESWC Bordeaux avec la FDJ (la Masters League sur Street Fighter avec Ken Bogard). Mais Gozulting s’est bien lancé aussi grâce au projet Red Bull Kumite, toujours au mois de mai 2017.  Nous pouvons ainsi dire que nos deux clients historiques sont Red Bull et Webedia, avec qui nous travaillons toujours.

Avez-vous pu vous rémunérer dès le début ?

Non, au début j’ai vécu de l’aide à la création d’entreprise basée sur mes droits au chômage comme beaucoup de personnes qui lancent leur boîte en France, Valentin était payé à la pige, Clément travaillait encore à la mairie de Paris et nous avions à côté Xavier en sous-marin. L’argent passait surtout dans le matériel, nous nous sommes beaucoup équipés pour nous lancer. Notre premier salarié date de janvier 2019 et ce n’était pas l’un des actionnaires, nous avons commencé à être salariés à partir de l’été suivant parce que je ne pouvais plus tenir le rythme en étant seul à plein temps.

Y a-t-il un projet en particulier qui vous a permis rapidement de décoller ?

Non, nous avons surtout pris plein de petits projets qui n’attiraient pas grand monde et qui ne rapportaient pas grand-chose. Ils nous ont permis de montrer aux sociétés du milieu de quoi nous étions capables et de gagner leur confiance. Il y a eu par exemple une opération Battlefront avec EA à la Paris Games Week, des événements en Afrique, le lancement de DBFZ… Ce sont plein de petits projets où nous étions prestataires. Les seuls événements dont nous étions leaders étaient la retransmission française de The International avec la FroggedTV et l’Ultimate Fighting Arena 2019 qui est le plus gros tournoi de VS Fighting en Europe, qui je l’espère reviendra un jour. Bref, jusque fin 2018 nous avons avancé comme ça, ça suffisait pour faire vivre Valentin et moi-même tout en continuant d’investir dans du matériel. La stratégie était de faire nos preuves avant tout.

Le tournant est venu plus tard, lorsque nous avons eu l’opportunité de discuter avec Disneyland Paris pour organiser le Major Dota 2 à Disney en mai 2019. C’est grâce à une personne, qui se reconnaîtra et qui s’appelle Mali, qui bossait en Chine pour Mars Media à l’époque et à qui j’ai dit « si un Français gagne le TI on organise un Major en France, tu prends le pari ? ». Et c’est arrivé avec la victoire de Ceb et OG Esports. Il a donc négocié avec ses boss pour y arriver, nous de notre côté avec Disneyland, et c’est grâce à lui si l’événement a eu lieu. Il y a tellement de choses à dire sur le sujet, je n’en suis pas totalement satisfait mais nous avons fait face à de nombreuses contraintes, notamment politiques, c’était tellement énorme. En tout cas, cela nous a permis d’embaucher nos deux premiers employés : Nyo qui est dessinateur et motion designer, un ancien de Gaming Live et l’un des meilleurs de sa génération (mais il ne faut pas lui dire) et Xavier Descharmes, qui s’occupe avec brio de la partie communication. Il nous a notamment permis de travailler avec l’équipe OG et leur team Dota 2 en gérant leurs comptes sur les réseaux sociaux et en créant du contenu pour les fans autour de l’équipe.

Au fil du temps, le besoin d’un second tech’ est apparu, nous nous sommes alors dit que nous devions recruter le directeur technique de Webedia, Victor Jolivet, aka LuCiqNo, encore un ancien de *aAa*. Nous étions tellement sûrs que c’était la personne qu’il nous fallait que nous lui avons proposé de devenir actionnaire au sein de Gozulting en mars 2019. Il a accepté et est ainsi devenu la cinquième personne à entrer dans le capital de la société. Quelques mois plus tard, Valentin et Clément (qui avait officié chez Vitality après avoir quitté la mairie de Paris), ont pu à leur tour être enfin salariés. A partir de cette date, nous étions tous focalisés sur Gozu'. Nous avons poursuivi l’aventure en réalisant de nombreux projets avec la FDJ/NCOVR, la LFP, Puma, Alpine, Forbes France, Karmine Corp…


Spoon, la mascotte de Gozulting

Les mois ont passé et une rumeur est arrivée à vos oreilles : O’Gaming allait perdre son crew League of Legends.

Oui, nous avons appris qu’il y avait du mouvement, une source bien connue du milieu nous a informés que Chips, Noi et la quasi-totalité de l’équipe League of Legends allaient partir. Nous avons croisé Noki après les Worlds 2020, avons discuté et lui avons dit que s’ils souhaitaient monter quelque chose de leur côté, nous étions prêts à les accompagner. Nous ne voulions pas les laisser dans la nature. Nous avions la chance avec Clément de bien les connaître car nous étions passés chez O’Gaming par le passé, nous connaissions leur franc-parler et ça a été du coup assez simple de négocier avec eux. Gozulting est devenu actionnaire non-majoritaire de OTP et nous avons pu les aider à trouver des locaux. La seule chose que nous souhaitions était qu’ils soient installés à côté de chez nous et c’est le cas, ils ont intégré les locaux de Level 256, l’incubateur esport soutenu par la ville de Paris.

Vous travaillez ensemble au quotidien ?

Nous ne sommes pas un média donc non, nous ne travaillons pas au quotidien avec eux mais nous avons pas mal de projets en commun, comme Game of Rôles par exemple. OTP, c’est une équipe de fous qui ont de très nombreuses idées et nous sommes un peu là pour les aider à les réaliser, ces idées. Vu leur puissance médiatique, notre force de production et les nombreuses idées qui viennent des deux côtés, nous avons créé une excellente synergie. Nous avons ensemble beaucoup de choses à apporter à nos clients.

Et niveau ambiance, ça se passe bien ?

Ça se passe vraiment bien, chez OTP et Gozulting il y a beaucoup de grandes gueules, dès que quelque chose ne va pas nous en discutons. Nous vivons sur un petit nuage en ce moment. Après… je ne dirais peut-être plus la même chose dans vingt ans (rires), mais aujourd’hui c’est plutôt cool.


Il travaille tout le temps sauf quand il fait des LEGO : c'est Kaoru

La pandémie a-t-elle eu des conséquences pour vous ?

Ça a tout stoppé chez nous, nous l’avons subie de plein fouet. Nous avons passé littéralement trois mois à monter des LEGO, ce n’est pas une blague.  Et une semaine avant le confinement nous avions embauché notre ingé son… Nous étions très heureux (rires). Beaucoup de sociétés ont mis du temps à réaliser qu’elles pouvaient travailler sur internet, c’est seulement quelques mois après et surtout lors du deuxième confinement que l’activité a pu reprendre. Mais la situation n’a pas mis en danger l’avenir de Gozu'. Autant j’ai plein de défauts, autant je sais gérer une société. Nous avions des sous de côté qui nous ont permis de tenir avec les aides de l'État, nous n’avions pas à nous plaindre.

Ça a aussi été l’occasion de réfléchir à la création de notre propre contenu. Quitte à avoir du matos, autant l’utiliser aussi pour nous. Ça nous a permis d’ouvrir un nouveau pan dans notre escarcelle : la création de contenu, la création éditoriale… Nous avons pu créer ou faire évoluer des émissions et les monétiser, comme Game of Rôles que nous faisons avec mistermv et FibreTigre. Nous avions la chance d’être déjà sur Twitch lorsque la pandémie est arrivée, de connaître très bien le monde numérique. Nous avons pu rapidement nous adapter, peut-être plus vite que les entreprises des autres secteurs, et avons profité de ce temps mort pour développer les idées sur lesquelles nous ne pouvions travailler auparavant car l’activité de l’entreprise était intense.


Après un temps d'adaptation, l'activité en période de pandémie a pu reprendre dans les locaux de Gozu'

Et la Karmine Corp dans tout ça ?

Nous avons bossé avec eux dans un premier temps grâce à Red Bull, et c’est nous qui produisions les Radio Sexe de Kameto. Une fois la Karmine Corp lancée, nous l’avons accompagnée sur différentes choses, comme par exemple l’annonce de son sponsoring par MSI. Au fil du temps nous avons pu réellement gagner leur confiance. Aujourd’hui, entre la KCorp et nous, ce n’est pas une collaboration exclusive mais nous avançons beaucoup ensemble. Ils ont une super équipe, Kameto et Prime sont adorables et sont de gros bosseurs, je pense que c’est pour ça que ça marche si bien

Vous étiez derrière l’événement Karmine Corp Expérience. Quel bilan en tires-tu ?

Effectivement, nous avons produit l’événement. C’était assez particulier car nous avons tout fait en un mois : la salle a été trouvée le 26 juin et la soirée a eu lieu le 26 juillet. En un mois, nous avons fait l’édito, nous avons tout produit… Nous avons bossé d’arrache-pied avec eux pour s’assurer que tout fonctionne et c’était une très belle aventure. D’ailleurs je tiens à féliciter Lison, que nous avons débauchée l’an dernier de Disneyland (c’est avec elle que nous avons produit le Major de Disney) et qui a abattu un énorme travail en gérant le projet de A à Z avec Clément.

Je suis content de l’événement malgré les contraintes, comme le fait qu’il y ait qu’un seul match, mais c’est la LFL, c’est comme ça. Je pense et j’espère que les gens ont kiffé, nous ne voulions pas qu’ils aient juste eu l’impression d’aller au cinéma, nous voulions réaliser un événement vraiment marquant. Sur le plan interne, nous avons tous beaucoup appris, il y a beaucoup de choses que nous aurions pu mieux faire mais nous avons manqué de temps. J’espère que nous pourrons faire tout ça lors du prochain KCX qu’ils ont déjà annoncé. Cet événement a aussi été l’occasion de montrer au monde entier que si tu sais gérer ta communauté, comme le fait la KCorp, tu peux faire de superbes choses.


L'événement Karmine Corp Xperience a marqué les esprits cet été

Quelle est la suite des aventures pour Gozu' ?

Nous continuerons de bosser sur d’autres choses avec la KCorp, nous sommes en mode partenaires, nous sommes un peu les *aAa* de la prod, nous bossons avec tout le monde (rires). Concernant les autres projets, le Dragon Ball FighterZ World Championship a été lancé en offline avec succès malgré un timing très court, et nous espérons refaire un maximum d’événements dans les mois à venir. Game of Rôles a repris avec des évolutions dans le studio, c’est un projet dans lequel la passion et les potes priment et c’est vraiment kiffant. Nous voulons aussi relancer l’Ultimate Fighting Arena et poursuivre la création de contenus, comme des documentaires (mais pour ça, il faut pouvoir voyager…). Bref, tant que nous serons en vie nous continuerons de faire n’importe quoi, et quand nous ferons trop n’importe quoi il sera peut-être temps d’arrêter.

Le petit mot de la fin ?

Merci à *aAa* et à tous ses lecteurs, un jour ce site sera reconnu à sa juste valeur. Merci à tous les partenaires avec qui nous travaillons, merci à ElChikito qui est pour moi la personne qui a permis à Gozu de faire ses preuves via Red Bull et bien entendu merci à toutes les personnes qui bossent avec nous chez Gozulting et qui sont contentes d’être là alors que nous faisons n’importe quoi.