L'intervieweur attitré de la plupart des événements Counter-strike a accepté de répondre aux questions de Team aAa lors du Major PGL de Copenhague.

Salut James, comment se passe ce Major de Copenhague ?
L’événement s’étale dans la durée, quand il y a quatre jours d’arène, le rythme est difficile à tenir, il faut économiser un peu d’énergie, car plus on avance vers la finale, plus le bruit dans la salle est important, plus je dois parler fort et donc moins j’ai de voix en fin d’événement. Il faut se donner à 100 % c’est sûr.

C’est un assez stressant le fait d’être sur le premier major CS2, j’ai pourtant fait plusieurs majors avant celui-ci, des Katowice, des Cologne. Mais là, je ressens le poids de l’histoire. Ce major, on s’en rappellera sûrement dans 10 ans, tu comprends ? Je me rappelle du premier major, mes mains tremblaient, je lisais mon script. Je n’ai pas envie de renvoyer cette image de moi quand les gens voudront revoir le premier major sur CS2. Aujourd’hui, je n’ai même plus besoin de notes, ma manière de travailler est différente. Donc la pression que je m’inflige est maximale.

Tu es resté calme pendant les débordements qui ont eu lieu sur scène, on t’a vu revenir sur la scène avec sérénité pour relancer le show. C’est aussi ça l’expérience ?
Je n’avais pas vraiment le choix, il fallait être calme, car seul le jeu nous concerne. Mon métier n’a rien avoir avec le reste, c’est des bêtises tout ça. Pour moi, les joueurs sont les plus importants, les fans aussi bien sûr parce qu’on se doit de leur donner un spectacle de qualité.


Banks en 2019 lors du Minor à Katowice (c) HLTV

Quel est ton secret pour transmettre autant de ton énergie sur scène ? J’ai l’impression que la fatigue, tu ne connais pas.
C’est une question de foule et d’humains. Les gens qui sont dans la salle, ce sont eux et leurs interactions qui me permettent d’être comme ça. Malgré ce qu’il s’est passé à Copenhague, les gens sont restés concentrés sur ce qui est le plus important : le jeu, et rien d’autre. Cela se ressent, c’est une vraie communion, je peux ressentir cela. Avant chaque show, je me balade dans les travées tant que le match n’a pas commencé, les gens me saluent, viennent me parler, me donner leurs ressentis, c’est si excitant ! L’adrénaline s’acquiert de cette manière.

Quel feedback peux-tu me faire sur cette compétition et l’atmosphère dans la royal arena ? En dehors de l’enjeu « historique », et selon ton point de vue. Y’a-t-il des différences avec les majors qui étaient sur CSGO ?
Les majors, en particulier en Europe, sont toujours exceptionnels. Les majors sont toujours des réussites dans les villes comme Berlin, Paris, Stockholm, Londres, car il est facile de s’y rendre. Il y a toujours plus de diversités dans les publics, contrairement au Brésil par exemple où tu vas avoir une très grande majorité de Brésiliens et donc moins de diversité. D’ailleurs, pour moi, Anvers était la meilleure scène que je n’ai jamais faite. Les interactions avec le public, je ressentais absolument tout ce qui se passait, c’était dingue !

Mais je dois reconnaître que ce major danois est aussi de très grande qualité, je n’ai jamais connu d’arbre final aussi relevé en termes de  niveau de jeu. D’habitude, nous avons quelques mauvais matchs en playoffs, mais là, il n’y a que des classiques. Tout le monde peut gagner. C’est incroyable.

Est-ce vraiment un signe positif, pour toi, de ne voir que de grosses écuries déjà favorites  en playoff de major ? Le charme d’un major, c’est aussi cet esprit « matchs de coupe » où les underdogs, qui arrivent des open qualifier, sont souvent emmenés à performer à la sauce « David contre Goliath ».
Je ne pense pas que cela soit vraiment négatif, c’est une année où les favoris tiennent leurs rangs et où ils ont surtout réussi à ne pas céder sous la pression. Cette année, Eternal fire a fait jeu égal avec eux, ils sont tombés contre Navi alors qu’ils avaient accroché une map à Katowice. Je préfère voir le positif dans le fait que nous avons vu de belles surprises provenant d’Amérique du Sud et d’Asie, pendant la première semaine de compétition.


Banks sur son 31 sur la scène du Major PGL Copenhague (c) PGL

Quel est ton avis sur CS2 ? Apprécies-tu regarder le jeu autant que ce que tu appréciais CSGO ?
Je préfère largement CS2, c’est sûr ! J’étais un joueur sur CS 1,6, je suis ensuite passé sur CSGO mais je n’ai même pas 150 matchs joués sur faceit. Je n’y jouais qu’avec des amis, j’ai adoré le jeu, mais ce n’a jamais vraiment été « mon » jeu. Je n’ai jamais vraiment accroché contrairement à CS2, qui est un jeu sur lequel j’adore jouer régulièrement. Je suis nul au jeu, je ne dis pas le contraire, mais je prends du plaisir à y jouer, c’est donc plus agréable pour moi de le regarder, car il apporte, je trouve, un point de balance entre tout ce qui a été fait auparavant : 1,6, source, et Global offensive.

En tant que professionnel du domaine, quel moment restera comme celui que tu as préféré sur CSGO, et celui qui, au contraire, t’as le plus marqué « négativement » ?
Mon moment favori ? Probablement le major de Stockholm après le covid. J’ai perdu ma fiancée à ce moment-là, c’était extrêmement difficile d’être sur scène, mais j’ai reçu tellement d’amour et de support de toute la communauté. J’ai vraiment cru que j’étais sur le point de me perdre, et grâce à tout le monde sur place, même mes amis de chez NAVI qui ont remporté le major, tout le monde m’a soutenu. C’est pour moi l’événement qui correspond le mieux à tes deux questions. Le pire et le meilleur à la fois. Je joue à Counter-strike depuis 2003, et quand j’y pense, en vingt ans, il se passe tellement de choses, c’est une grande partie de ma vie maintenant, j’ai eu des périodes heureuses, des périodes malheureuses, des dépressions, des moments de bonheur. C’est ma vie, ce jeu ne disparaîtra jamais, car il est là depuis toujours et restera pour toujours.

C’est très touchant et inspirant à la fois, merci pour ta réponse franche James. Je reviens au jeu, et en ce qui concerne le sujet du MR12. Ce format est-il une bonne chose selon toi ? Cela ne change-t-il pas trop la manière dont CS est consommé par les spectateurs ?
C’est sûr que la courte durée du match rend les choses plus excitantes. Mais ce format rajoute aussi un aspect random au jeu, surtout si tu perds les pistol rounds, cela te rend la tâche beaucoup plus difficile. Donc il serait peut-être intéressant de revoir l’économie et pourquoi pas , la place des pistols round dans le jeu. Même si j’avoue adorer l’énergie des pistols, ces rounds d’ouverture ont une réelle valeur ajoutée dans le match. Ces deagles qui résonnent, j’adore ça !

En dehors de ça, je dois dire que j’apprécie le concept du MR12 parce que cela devrait nous permettre de proposer davantage de BO5. Vous et moi, il faut qu’on dorme au moins 7h par jour, avec les BO5 en MR15, ce n’était parfois pas possible (rires). Je pense que les MR12 sont vraiment intéressants pour celles et ceux qui souhaitent suivre 100 % d’un événement sans rater le moindre round. Les matchs sont plus courts, donc aussi plus accessibles. Le fait que les matchs soient plus courts, cela provoque également une pression accrue sur le dos des joueurs et donc des rounds potentiellement fous en plus grande quantité. Les « JAME time » qui s’enchaînent, cela peut être intéressant, c’est clair.

Du coup, penses-tu que les BO1 aient encore leur place dans une compétition comme un major ?
Je sens que chaque match devrait maintenant avoir lieu en bo3. Je ne sais pas si les surcharges de calendrier vont permettre cela, mais je trouve que les bo1 malgré ce qu’on peut leur trouver, n’ont plus trop leur place sur CS. Je préfère voir des bo3, il n’y a plus d’intérêt dans les bo1. C’est à chaque fois des matchs qui se jouent à pile ou face. Je pense qu’avec l’accord de Valve, nous pourrions rallonger la compétition de 3 jours, tout disputer en bo3 et tout le monde serait heureux.

Maintenant, tu es devenu l’Host principal sur les événements Counter-Strike, tu trouves le temps de te reposer au vu des tournois qui s’enchaînent ? L’arrivée de CS2 est synonyme de nouveau public, joueurs, et talents. Comment anticipes tu la concurrences ?
Il n’y a pas de contrats annuels dans ce domaine, ce ne sont que des opportunités. Cela peut arriver que je signe pour plusieurs évènements d’affilé, avec ESL ou Blast par exemple, et c’est top de travailler avec plusieurs organisateurs. Mais je n’ai pas un travail garanti pour plusieurs années. Dire non pour se reposer fait forcément peur, car quelqu’un va prendre ma place et peut-être y rester. Donc tant que mon corps me le permet, tant que je ne perds pas la tête, et que je peux rester heureux, car j’aime mon travail, je le fais. Mais à un certain moment je vais devoir prendre des vacances, et il faudra espérer qu’il y aura toujours du travail pour moi après cela.

En ce qui concerne la concurrence. Je n’y pense pas trop. Il y a eu des gens avant moi, il y en aura après. Je ne pense pas être le meilleur host, le meilleur interviewer, mais je suis bon dans les deux. Les gens aiment mon travail, en ligne et dans l’arène, et je compte continuer comme ça. Si les organisateurs me demandent de changer tel ou tel aspect, je ferai l’effort de changer. Je suis compétitif, je veux être le meilleur dans ce domaine. Ce n’est plus comme quand j’étais joueur de cs, c’est juste être le meilleur dans mon travail. J’essaye de garder de bons rapports avec les joueurs, pour obtenir des infos exclusives, mais des fois je fais de mauvaises interviews, et je le ressens tout de suite. Mais il y a quand même de très bonnes interviews, comme FlameZ sur scène, il était très content, il m’a enlacé. C’est encore un jeune joueur, il est très enthousiaste. Je garde aussi toujours un oeil sur ma base de données, pour me préparer des notes, afin de suivre les joueurs, les poses. Je ne suis pas un analyste, mais j’essaye d’ajouter de la profondeur dans mon travail. Même si les gens s’en plaignent parfois, quand il y a trop des détails. Et sinon, ils vont se plaindre et dire que je ne comprends rien au jeu quand je reste trop évasif. Je sais que je ne peux pas plaire à tout le monde, donc je fais comme je le sens, et l’expérience fait le reste. Je suis assez à l’aise avec les interviews d’après élimination. Ce sont des moments particuliers, il faut essayer de ne pas trop affecter les joueurs, et c’est aussi une de mes forces.

Comme Sjokz, on pourrait te voir sur d’autres jeux ?
J’ai déjà fait d’autres jeux, avant d’être trop dans Counter-Strike. Évidemment, jamais valorant. J’ai pu faire Tekken, Street Fighter, PUBG Mobile, et j’ai bien aimé l’expérience.


James a officié en tant que manager Valorant chez Alliance pendant quelque temps.

Nous rentrons dans la dernière partie de l’interview, et je souhaitais discuter avec toi de ton lien avec les maintenant ex-BNE. As-tu participé à la signature de l’équipe chez Guild ? Si oui, de quelle manière ?
Oui, je suis à leur côté sans jamais n’avoir reçu le moindre argent. Je le répète. Car dans le cas contraire cela représenterait un cas de conflit d’intérêts. Je les aide à ma manière et surtout pas en tant que manager, car je délègue mes factures à mon agence de management, et mon dieu, je ne veux pas faire ce métier là. Je fais ce en quoi je suis bon pour eux : être un bon ami, de bon conseil, et leur apporter du soutien. Je leur ai permis de rencontrer plusieurs structures avant qu’ils signent avec Guild. Je n’ai pas de poste, on a travaillé avec une agence de gestion de carrière pour qu’ils se protègent, mais cela s’est arrêté à ça pour mon propre investissement. Ce sont mes gars sûrs, je suis super fan d’eux, et j’adore leur parcours. Je crois beaucoup en eux, ce sont de bons gars.

Ne penses-tu pas que ces signatures de contrat aient influencé leur performance au major de Copenhague ? Pendant des années, leur salaire dépendait exclusivement du major et des stickers, mais maintenant ce sont des salaires mensuels qui leur sont reversés.
Non, pas du tout. Ce major n’a pas pu être bien préparé à cause d’un mauvais timing dans la préparation. Nous n’avions pas vu cela venir, ce n’est pas une excuse, mais ils doivent faire en sorte que cela ne reproduise pas. Croyez-moi, ils vont revenir beaucoup plus fort après une telle leçon. Maintenant place aux tournois à venir. Et nous serons prêts pour le Major de Shanghaï.

Merci pour tes réponses, c’était un plaisir de t’avoir avec nous.
Un dernier mot pour aAa qui est là depuis que j’ai commencé en tant que joueur, j’espère que votre communauté appréciera l’interview, vous êtes là depuis si longtemps ! Merci beaucoup votre travail.