Alors qu’il vient de franchir la barre symbolique des 1000 kills en LFL, Jérémy "Eika" Valdenaire s’est confié à la ligue française. Le midlaner de Gentle Mates revient sur ses années de compétition, les joueurs qu’il a croisés, ses ambitions encore intactes, et sa place dans l’histoire.

Un vétéran au regard lucide sur sa carrière

Avec plus de dix ans de carrière derrière lui, Eika fait partie des rares joueurs encore en activité qui peuvent revendiquer une trajectoire longue et continue au plus haut niveau des ERL. De retour cette saison sous les couleurs de Gentle Mates, le midlaner vient de franchir un cap symbolique en devenant le premier joueur à atteindre les 1000 éliminations en LFL. Un record qu’il accueille avec une certaine distance : « Je ne savais même pas que c'était un record déjà. Je pensais que peut-être d'autres personnes l'avaient fait ». Et s’il avoue ne pas être très friand de statistiques, il reconnaît garder un œil sur ses dégâts : « Je suis pas trop trop stat, globalement. Mais parfois j’aime bien regarder, surtout les dégâts plus qu’autre chose ».

Plutôt que de se projeter sur une course aux chiffres, Eika préfère évoquer le poids du temps et l’attachement à une scène qu’il a vu évoluer depuis les débuts. Interrogé sur sa place dans l’histoire de la LFL, il répond sans détour : « J’ai pas envie de m’autoproclamer GOAT mais je pense que c’est sûr que je suis une des figures emblématiques de la LFL. Je suis là depuis longtemps, j’ai gagné pas mal de titres ». Pour autant, il refuse la comparaison avec les pionniers comme YellowStar ou Soaz : « Ils ont joué à un niveau plus élevé que moi la plupart de leur carrière. Je me compare pas spécialement à eux. Mais peut-être que je peux inspirer la nouvelle génération de joueurs ».

Une carrière placée sous le signe du collectif

Depuis ses débuts, Eika traîne l’image d’un joueur altruiste, parfois jugé trop discret sur la carte. Une perception qu’il ne nie pas. « J’ai toujours eu un peu cette image de joueur plutôt supportif », reconnaît-il. « J’ai plus tendance à être au service de mon équipe que de me mettre en avant moi-même dans les parties ». Cette année, il dit avoir travaillé davantage sur son aspect individuel, tout en essayant de préserver son équilibre naturel : « Pour moi, mon avis sur moi-même est plus important. Je pense que je peux faire les deux ».

Quand on l’interroge sur une éventuelle influence de cette image sur sa carrière, il temporise : « Peut-être que ça a joué. C’est dur à dire. Mais à chaque fois que je jouais des champions, c’était parce que c’était réfléchi derrière. Donc je suis super content de ce que j’ai montré ». À l’entendre, cette approche n’a rien d’une posture subie, mais découle au contraire d’une conception précise du jeu en équipe.

Talents croisés, souvenirs partagés

Fort de ses nombreuses années sur la scène française et européenne, Eika a vu passer une quantité impressionnante de joueurs autour de lui. Parmi les talents qui l’ont marqué, un nom revient immédiatement : Yike. « C’était un rookie de Div 2, il osait sortir des champions vraiment atypiques. Il avait pas peur de jouer. Il a fait un travail sur lui-même énorme. Pour moi, c’est vraiment le plus talentueux que j’ai croisé ». Il cite également Comp, Exakick, et revient avec une certaine fierté sur le parcours de Scouton, désormais en LEC. « Je suis fier parce que je savais que c’était des bons joueurs. Je pense pas leur avoir apporté grand-chose, juste peut-être un peu plus de rigueur ».

Il garde aussi un souvenir particulier d’un ancien coéquipier aujourd’hui célèbre dans un autre registre : Caedrel. « C’était en finale, il jouait Trundle contre la Nidalee de TynX. La game, c’était un cauchemar. Il s’est fait gap comme jamais j’avais vu ça. Mais c’est une super personne. Il avait déjà une bonne vision du jeu, il savait s’exprimer ».

Eika retrouve sa place dans le cinq de Gentle Mates pour la Coupe de France  2024

Un regard franc sur les coachs

Dans une ligue où les discours sur le coaching sont souvent policés, Eika ne cache pas son point de vue nuancé. « J’ai une relation particulière avec les coachs parce que je les trouve pas toujours super utiles. Mais tous m’ont apporté quelque chose ». Il cite notamment Zuf, avec qui il a connu plusieurs titres : « Il a une personnalité tellement atypique. Il parle de jeu H24, même quand tu manges ton riz il vient te parler de draft ». Il souligne aussi le travail de GotoOne chez Gentle Mates, qu’il trouve « vraiment différent », ou encore les bons souvenirs avec Goban et Pigzani.

Interrogé sur la professionnalisation du rôle de coach dans les ERL, il note une évolution positive mais incomplète : « Il faut peut-être redéfinir le rôle du coach dans le futur. Par exemple, avoir un coach stratégique, un coach plus pour l’humain. Je pense que ça évolue en bien, mais pour l’instant c’est pas encore le top du top ».

Toujours motivé par la victoire

Malgré les années, Eika continue à jouer avec ambition. S’il confie que sa principale motivation reste « parce qu’[il] aime le jeu », il fixe un objectif clair : « Gagner les EMEA Masters. C’est un peu le titre qui me manque ». Il se souvient particulièrement du titre Summer 2022, remporté après une finale disputée : « La dernière partie, c’était vraiment une partie de fou. On a bien comeback, on a fait un très bon teamfight et on a gagné ».

À l’heure actuelle, il se dit satisfait de son niveau individuel : « Je trouve que je joue assez bien actuellement. Je suis content. Je pense que je peux toujours faire beaucoup mieux, mais je suis sur une bonne lancée ». Et quand il s’agit de juger son équipe actuelle, il insiste sur la cohésion : « On est assez soudés. On essaie de surmonter les obstacles ensemble. On a de bons échanges, et je pense vraiment qu’on peut être une des meilleures équipes de la LFL, voire la meilleure ».

Gentle Mates, avec Eika et Comp comme colonne vertébrale expérimentée, et des rookies comme Emperos et Zicssi en soutien, semble avoir trouvé un bon équilibre. « Emperos, je le trouve vraiment super fort. Il n’a pas peur de jouer. C’est important d’avoir quelqu’un comme ça dans l’équipe ».

En fin d’interview, Eika prend le temps de remercier les gens qui l’ont suivi tout au long de son parcours. « J’espère que vous appréciez me voir jouer, que ce soit en LFL, en LCS NA, en LCS Europe… J’espère continuer à vous rendre heureux ou fiers ». Pour la suite, il vise désormais les 1500 kills. Pas par obsession des chiffres, mais parce que continuer à jouer, c’est aussi continuer à avancer.