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Hier nous vous présentions les résultats de l'ESL One Francfort à la télévision, aujourd'hui il est temps d'analyser plus dans le détail la compétition organisée par l'Electronic Sports League sur l'un des MOBA les plus populaires du monde : DotA 2.

 

Revenons tout d'abord sur l'histoire de l'ESL One Francfort. L'événement a vu le jour en 2014 et il se tient depuis cette époque au même endroit : le stade de football de la ville le Commerzbank-Arena. Cet emplacement possède une capacité de plus de 52 000 places et se retrouve, chaque année, privatisé exclusivement pour organiser une compétition dédiée à DotA 2. L'objectif d'un tel rendez-vous est multiple, rassembler la communauté du MOBA de Valve, créer une marque reconnue par les fans en tant que rendez-vous d'exception et attirer un maximum de spectateurs (et téléspectateurs) en provenance du monde entier. L'année dernière, le record de la distance la plus longue faite par des fans pour se rendre en Allemagne était détenu par deux néo-zélandais qui avaient parcouru 18 558 kilomètres pour être sur place. Le découpage par nations était ensuite moins impressionnant. Sur les 15 000 personnes sur place, 43% étaient allemandes (dont 6,75% étaient originaires de Francfort), puis les statistiques chutaient avec 5,41% d'Anglais, 1,71% d'Hollandais, 1,7% d'Autrichiens et 1,25% de Français (dont 15,96% étaient originaires de Strasbourg).

 

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Nouvelle année et nouveau logo pour l'ESL One


En clair, si l'on pouvait compter une quinzaine de nationalités représentatives sur place (plus de 50 personnes), on ne pouvait pas pour autant parler d'un afflux massif d'étrangers pour assister à cet événement qui se veut pourtant être un rendez-vous international. Et pourtant l'ESL essaye d'intéresser un public le plus large possible, en proposant par exemple 4 gammes de tarifs allant de 29 $ à 2 999 $ pour ceux qui voulaient une loge VIP. Notons malgré tout qu'entre 2014 et 2015, la compétition a connu une belle évolution passant de 12 500 fans faisant le déplacement sur place à 15 000, et de 500 000 vidéonautes en simultané à près de 1 000 000. Voyons donc désormais si 2016 a brisé ces records.

 

 

Une dotation à la hausse

 

Premier élément de comparaison, la dotation mise en place. En 2014 l'ESL proposait de base 150 000 $. Une somme qui pouvait augmenter via des achats dans le jeu, le système du compendium sur DotA 2 étant désormais bien rodé. Au final cette année-là les fans avaient permis d'atteindre 210 900 $ au total, un montant que les quatre premiers du tournoi se sont partagés de la manière suivante : 40% pour les premiers (soit 84 360 $), 20% pour les seconds (soit 42 180 $), 10% pour les troisièmes et quatrièmes (soit 21 090 $) et 5% pour les derniers des 5e au 8e places (soit 10 545 $).

Dès l'année suivante il y avait eu des évolutions, tout d'abord l'Electronic Sports League proposait cette fois-ci 250 000 $ de base, puis les fans avaient encore la possibilité de faire grimper ce montant via un compendium. Toutefois, petite nouveauté, 25 % des gains acquis par la vente de tickets d'entrée étaient versés également dans le cash prize global. De cette manière il était clairement impossible de faire moins bien que l'année précédente, or on sait que briser des records chaque année est un argument de vente des compétitions. Au final l'édition 2015 de cet ESL One Francfort proposa 296 203 $, soit une hausse 46 203 $ par rapport à la mise de départ de l'ESL. Les fans avaient donc, malgré la mise en place d'un nouvel apport de gains, moins participé qu'en 2014 où ils avaient permis de récolter 60 900 $ supplémentaires. La répartition des gains entre les équipes restait en revanche la même : 40% pour les premiers (soit 118 481 $), 20% pour les seconds (soit 59 241 $), 10% pour les troisièmes et quatrièmes (soit 29 620 $) et 5% pour les derniers des cinquièmes au huitièmes places (soit 14 810 $).

 

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Dès 2015 l'ESL augmente sa participation à 1 000 000 $ de dollars répartis sur 4 tournois


Car l'événement depuis ses débuts ne rassemble que huit équipes qui se qualifient pour Francfort via des tournois régionaux censés désigner les meilleurs de chaque continent. 2016 ne dérogera pas à cette règle non plus sauf que le cash prize sera encore une fois plus important. L'ESL met cette année encore 250 000 $ en jeu, un montant qu'il est toujours possible de faire grimper de plusieurs manières, comme en 2015, et qui atteindra cette fois-ci 314 545 $, en hausse de 18 342 $ avec en prime un nouveau record battu. De ce point de vu donc on peut dire que le tournoi a repris de l'ampleur, chose qui vraisemblablement était mieux contrôlée par l'ESL qui a su mieux gérer l'enthousiasme des fans en redynamisant leur participation à la dotation globale.

 

En ce qui concerne la répartition le modèle a été légèrement modifié : 50% pour les premiers (soit 157 273 $), 20% pour les seconds (soit 62 909 $), 9% pour les troisièmes et quatrièmes (soit 28 309 $), 4% (soit 12 582 $) pour les cinquièmes et sixièmes, puis pour finir 2% (soit 6 291 $) des septièmes aux huitièmes places. Ce changement a pu être motivé par plusieurs raisons, vouloir récompenser davantage les meilleurs ou prévenir une éventuelle stagnation voir une baisse du cash prize global en augmentant le montant donné aux premiers. De cette manière battre il était impossible de ne pas battre le précédent record, et cela même si les fans avaient été moins actifs lors du compendium. Il aurait de toute manière été inconcevable que la compétition voit ses revenus baisser, voir pire que les vainqueurs gagnent moins que les années précédentes. En terme de publicité cela aurait envoyé un très mauvais signal aux partenaires. On peut donc dire que du point de vu de l'argent, l'ESL a été gagnante au cours des trois dernières années, même si elle a pu se faire des frayeurs en 2015 suite à la participation plus faible de la communauté.

 

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Le Commerzbank-Arena est loin d'être totalement rempli

 

 

Une audience en baisse

 

Si le nombre de visiteurs pour cette année 2016 n'a pas encore été dévoilé, on sait déjà qu'entre 2014 et 2015 une hausse avait été constatée. 12 500 fans avaient fait le déplacement la première année, ils étaient un peu plus de 15 000 la seconde. Le Commerzbank-Arena pouvant contenir plus de 52 000 personnes, il reste malgré tout de la marge avant d'assister à un raz-de-marée sur Francfort. Malgré tout les résultats fournis par l'ESL sont excellents. L'entreprise devrait d'ailleurs logiquement communiquer sur une hausse de ces derniers en 2016, auquel cas le rendez-vous serait un échec. Inutile de préciser qu'il est fort peu probable que de mauvaises statistiques soient rendues public, l'ESL One Francfort 2016 sera forcément meilleure que celle des années précédentes, et cela même s'il faut manipuler les résultats comme sait si bien le faire la Paris Games Week.

En revanche au niveau des téléspectateurs sur les streams, c'est beaucoup plus compliqué de tronquer les données. 2014 avait ainsi réuni 6 000 000 de personnes au total, pour un pic à 500 000 en simultané lors de la grande finale remportée par Invictus Gaming face aux Evil Geniuses. En 2015 le pic avait été de 1 000 000 de vidéonautes en simultané lors de la grande finale qui avait vu cette fois les Team Secret s'imposer face à ces mêmes Evil Geniuses. Notons toutefois que cette fois-ci l'ESL avait également comptabilisé les personnes se trouvant sur le stream chinois de MarsTV, ce qui forcément gonflait les résultats.

En ce qui concerne 2016, on sait déjà que trois millions d'heures ont été consommées au total, avec une retransmission assurée dans huit langues différentes. Il y a fort à parier que ce sera cette donnée qui sera mise en avant par l'entreprise allemande. Fort logiquement c'est le stream en anglais qui compte le plus d'heures regardées sur l'ensemble du week-end avec 1 548 012 à lui tout seul. En revanche, dans le détail on peut constater que ce sont surtout les russophones qui ont permis à l'événement d'être tiré vers le haut. Ces derniers ont regardé 1 369 581 heures, mais ils étaient en ligne moitié moins de temps que les Anglais. L'addition des deux chaînes (la Russe et l'Anglaise) regroupent à elle seule 98% de l'ensemble des vidéonautes. La France ne compte que pour moins de 1% du total avec seulement 19 566 heures, elle se situe à la quatrième place derrière les Anglais, les Russes et les Brésiliens. A noter que les résultats des Chinois ne sont pas connus, mais le pic de téléspectateurs en simultané atteint tout de même cette année (hors Chine donc) 555 440 personnes. Petite précision toutefois, ce n'est pas la grande finale qui a rassemblé les foules, c'était plutôt la demi-finale entre Vega Squadron et Natus Vincere (médaille d'argent de l'événement).

 

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Statistiques réalisées par le site esports observer.com

 

Comparons maintenant les résultats nets de la chaîne ESL DotA 2 entre 2015 et 2016 grâce aux données disponibles sur le site Gamoloco.com. On constate qu'en 2015, lors de l'ESL One Francfort, la chaîne avait cumulée 2 260 290 heures visionnées, avec un pic de 180 553 vidéonautes  en simultané pour une moyenne journalière haute située à 93 433 le jour des finales et 78 013 lors des phases préliminaires le premier jour. En 2016 l'événement se jouait sur un jour de plus du 17 au 19 juin et il a accumulé au total 2 187 027 heures regardées (résultat en baisse de 75 263 par rapport à 2015). Le pic de téléspectateurs s'élevait quant à lui à 116 545, en baisse de 64 008 personnes, tandis que la moyenne haute se trouvait à 38 805 et la basse à 22 928.

Ce qui sauve la compétition se sont les Russes, et certainement les Chinois comme ces derniers l'avaient fait l'année dernière. Les russophones ont regroupé de leur côté 58 529 personnes en moyenne, avec un pic en simultané de 130 003. Finalement ils assument plus de la moitié des performances de l'ESL One Francfort avec un score de 52,73% contre 47,27% pour le stream officiel anglais. Notons également que le match qui aura le plus intéressé le public aura été celui opposant les russo-ukrainiens de Vega Squadron à ceux de Natus Vincere.

 

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En conclusion l'ESL One Francfort est un semi-échec. Si l'Electronic Sports League parvient à battre des records tous les ans dans ses annonces, c'est en partie en manipulant les chiffres. Au niveau du cash prize, plusieurs variables leurs permettent de faire toujours mieux. Ils peuvent jouer sur le montant global qu'ils accordent (une hausse de 100 000 $ entre la première édition et les suivantes), accorder plus d'importance au compendium (un pourcentage plus important de la vente de tickets par exemple) et jouer sur les sommes que se répartissent les équipes. En effet passer de 40% du total à 50% accordés aux premiers, cela permet forcément de gonfler la récompense pour peu que l'on communique uniquement sur cet aspect.

Dans le même temps le nombre de visiteurs est à la hausse. Toutefois si les résultats fournis sont très précis en ce qui concerne les nationalités qui font le déplacement, ce n'est plus vraiment le cas sur le nombre exact de personnes qui ont franchi les portes du Commerzbank-Arena. Plus inquiétant le stream, si effectivement on a bien pu assister à une hausse de l'audience entre 2014 et 2015 (cela grâce à une plus importante diffusion, publicité et à la prise en compte des Chinois), on ne peut nier que 2016 a été moins bon.

 

Dans le détail, l'attachement des Russes pour la compétition et leur implication imposerait d'ailleurs un déménagement du tournoi plus à l'Est. Si l'ESL One se jouait à Moscou ou bien à Kiev dans la CyberArena par exemple, le succès en terme de visiteurs, d'implication des fans et d'audience serait certainement encore plus grand. De là à penser à une délocalisation et à laisser de côté l'Allemagne, cette décision sera compliquée à prendre pour l'Electronic Sports League. L'entreprise ayant ses racines dans le pays, elle choisit très certainement cette destination pour des raisons économiques, pratiques et commerciales avec ses partenaires.