Souvenez-vous en Février 2003, un reportage sur un adolescent dont la vie tourne autour de Counter-Strike était diffusé sur TF1 dans l’émission Sept à Huit. On aurait pu croire à un reportage sur la crise que traversait l’industrie française du jeu vidéo, mais il n’en fut rien comme le symbolise bien le nom du reportage : "vidéo-drogue".
A l’image des vrais télé-réalités où tout est manipulé (l’Ile de la tentation en tête), TF1 s’est spécialisé ces dernières années aux fausses télé-réalités consistant à faire croire aux télé-spectateurs qu’il s’agit de reportages totalement banals alors qu’en fait le fond du reportage est déjà réglé d’avance. En effet, ce reportage mettait en scène un joueur de Counter-Strike prénommé Cédric qui d’après la tournure de ce reportage était en échec scolaire et sociale puisqu’il ne travaillait pas en cours et choisissait le jeu plutôt que sa copine, et qui par ailleurs ne touchait pas à son assiette avant le changement de map lorsque sa mère lui apportait pour ne pas louper un frag. A l’âge de 20 ans, Cédric, élève de terminale qui ne sortait pas de sa chambre où les volets étaient fermés de jour comme de nuit, était en addiction face à Counter-Strike auquel il jouait cinquante heures par semaine, à tel point que sa santé était devenue précaire. De plus, l’introduction au reportage présentée par Thomas Hugues et Laurence Ferrari nous montrait les joueurs de Counter-Strike comme "des adolescents dont l’univers se résume à un écran d’ordinateur, et qui se transforment chaque soir en soldats qui combattent des ennemies partout dans le monde via internet, qui comme lui passent leurs nuits à jouer et se coupent du monde". D’ailleurs "comme Cédric, 300 000 français consacrent plus de vingt heures par semaine aux jeux vidéo, une addiction dont il faut se désintoxiquer. Les hôpitaux et les psychologues spécialisés traitent de plus en plus de cas."
Au final on a un tissu de contre vérité saupoudrée d’ une méconnaissance profonde de la problématique du jeu vidéo en France. Dans le meilleur des cas nous avons un reportage inutile et dans le pire des cas une manipulation d’un jeune homme qui regrette amèrement d’avoir fait confiance à TF1, puisqu’il fut ensuite pris pour cible par les autres joueurs qui ne manquèrent pas de le rabaisser et même de sortir une parodie musicale sur l’air de Le Frunkp (Alphonse Brown), réalisée par Nomalz et PoRCo de NetG Radio (paroles). Manipulation d’autant plus nocive qu’elle caricature grossièrement l’ensemble du secteur du jeu vidéo au moment même où des démarches sont effectuées auprès du gouvernement et des médias pour qu’on aide ce secteur à la croisée des domaines artistiques et industriels.
Souvenez-vous maintenant en Mai 2003, un reportage intitulé "Comment faire face à un enfant sous influence ?" était diffusé sur France2 dans le cadre de l’émission Ca se discute, il mettait en scène un enfant de treize ans et demi qui passait quinze heures par jour sur Counter-Strike au détriment de ses études. Dans le reportage on voyait ce dernier, prénommé Driss, insulter sa mère et sa grand-mère, sécher les cours pour se rendre en cybercafé pour jouer. Sa grand-mère témoignait en expliquant que la situation était devenue infernale, et que Driss ne mangeait parfois pas, se douchait qu’une fois par semaine, et était en pleine déscolarisation.
Bref un reportage qui n’a pas été pris à la rigolade comme le premier dont une parodie musicale avait été réalisée, puisque dans celui-ci l’image donnée sur les jeux vidéo à travers Driss n’est plus caricaturale mais préjudiciable, puisque certaines personnes qui ont visionné le reportage, ont ensuite fait l’amalgame entre ce cas isolé exagéré, et la communauté des pratiquants de jeux vidéo.
Outrée par cette image négative sur Counter-Strike qui avait été donnée au public par le biais de cette émission, diffusée à une grande heure d’audience, une grande partie de la communauté des joueurs s’était mise à la recherche de ce joueur. Après l’avoir retrouvé, il fut interviewé par une radio-web sur laquelle il expliqua qu’il avait fait tout cela juste pour passer à la télévision.. ne se soucient pas de l’image qu’il allait donner au public de Counter-Strike et des jeux vidéo en général. Ce second reportage diffusée sur une chaîne publique encrait ainsi l’image négative associée aux jeux vidéos dans l’esprit des parents crédules de ce type d’émission.
Aujourd’hui, c’est France5 qui a tenu à réaliser un reportage sur les jeux vidéo et plus particulièrement sur Counter-Strike dans le cadre de Cas d’école. Cette émission à vocation éducative est diffusée tous les samedi à 10h10, et donne la parole aux parents, adolescents, spécialistes, écrivains, jeunes garçons ou filles qui débattent sur des thèmes choisis comme Amours, sexualité, scolarité, sports, et études, dans l’objectif d’apporter une réponse aux parents trop souvent désemparés devant les aléas de la vie. Ce reportage met en scène, Stéphane, élève de terminale S, qui concilie les études avec un rythme d’entraînement qui peut paraître élevé pour les personnes qui ne connaissent pas bien le sport électronique à savoir trois à quatre heures par jour au maximum. Intitulé "Jeux vidéo : les ados sous influence ?", on ne peut s’empêcher de repenser tout de suite au reportage "Comment faire face à un enfant sous influence ?" diffusé sur France2 dans le cadre de l’émission Ca se discute, cependant il n’en est rien.
Ce reportage, à l’instar des deux précédents réalisés par les chaînes TF1 et France2, montre davantage l’aspect sport électronique du jeu que celui du joueur isolé qui ne fait que du free for all (ffa) dans son coin, ne voyant pas les heures défilées derrière son écran. C’est dans l’objectif d’essayer de changer l’image préconçue des gens sur Counter-Strike et plus en général sur les jeux vidéo, de montrer la facette professionnelle du jeu qui lui confère le statut de sport électronique, suscitant un engouement en constante évolution des joueurs mais aussi des sociétés qui investissent dans les équipes en temps que sponsors, que l’équipe de France5, composée de Camille Juza (Journaliste), Quentin Lepoutre (Caméraman) et de Hélène Convain (Technicien du son) a retrouvé Stéphane à la sortie du lycée.
Désireux d’en savoir plus sur les raisons qui ont poussé la journaliste Camille Juza à réaliser ce reportage ainsi, je me suis entrenu rapidement avec elle.
*aAa* : Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?
Camille : J’ai 28 ans, je suis journaliste pour l’émission Cas d’école, un magazine de société sur les ados et les jeunes, diffusé sur France 5... et... je ne suis pas une joueuse de jeux vidéo.
Tu exerces le métier de journaliste depuis trois années, qu’est ce qui t’a attiré et aujourd’hui te plaît dans cette profession ?
Ce qui m’intéresse dans le magazine Cas d’école, c’est de pouvoir éclairer parents et ados sur certaines situations qu’ils vivent, de manière à ce qu’ils les comprennent mieux et les abordent en ayant les bonnes questions entre les mains.
Ce qui me plaît beaucoup dans le quotidien de ce métier, ce sont les rencontres parfois insolites qu’il procure et l’ouverture à des mondes que je ne connais pas toujours, comme par exemple, l’insoupçonnable univers du sport électronique.
Tu as généralement peu de temps pour réaliser les reportages qu’on te confie, du moins pas suffisamment pour réellement connaître les personnes que tu interview. N’as-tu pas déjà ressenti l’envie de rester plus longtemps sur un tournage afin de mieux connaître certains ? Ces relations qui restent malgré tout incomplètes ne reflètent-elles pas un côté frustrant que peut avoir le métier que tu exerces ?
C’est vrai que du point de vue de la rencontre, c’est souvent trop court. D’autant que nos portraits sont toujours très ciblés et abordent un aspect parmi d’autres de la vie des ados : évidemment, il y en a beaucoup d’autres...
La multitude de reportages que tu as pu réaliser jusqu’ici a t-elle fait évoluer le regard que tu portes sur le monde ?
Oui
As-tu des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient éventuellement devenir journaliste tout comme toi ? Y’a t-il une voie spécifique à emprunter pour exercer ce métier ?
Je n’ai aucun conseil à donner de ce point de vue ! J’ai l’impression que la première qualité d’un journaliste est la curiosité. Les journalistes ont des parcours très différents. Certains font des études universitaires, d’autres des écoles de journalisme, d’autres encore se forment sur le "tas", sans avoir fait aucune étude. Évidemment, les écoles ouvrent quelques portes, mais il ne faudrait pas renoncer à ce métier sous prétexte de ne pas avoir pris la "bonne voie".
Tu viens de réaliser un reportage sur "Jeux vidéo : les ados sous influence ?" dans lequel tu montres qu’un joueur peut allier sa passion et ses études. Comment as-tu été amenée à réaliser ce reportage ?
"Cas d’école" voulait aborder le thème important des ados et les écrans. (télé, jeux) On m’a demandé de réfléchir à un reportage sur les jeux vidéo. Je trouvais intéressant de montrer l’univers du sport électronique, un versant peu connu du jeu vidéo. Ce n’est pas tant montrer qu’on peut allier études et jeu qui m’intéressait, mais plutôt qu’il s’agissait là d’un véritable phénomène, d’une communauté soudée par la même passion, les mêmes codes.
As-tu rencontré des difficultés pour prendre contact et discuter avec des pratiquants de sport électronique ? As-tu eu le sentiment d’être tombée face à une communauté renfermée sur elle-même et refusant de s’ouvrir aux médias pour s’exprimer sur leur passion ?
J’ai eu beaucoup de mal à trouver des joueurs. J’ai d’abord tenté de rencontrer des gens qui jouent à haut niveau, mais pas forcément des champions. Plusieurs étaient d’accord pour des témoignages anonymes mais se méfiaient beaucoup d’une médiatisation. J’ai donc contacté Ligarena pour être mise en contact avec de grandes teams. Là encore, j’ai essuyé plusieurs refus. Même les grands joueurs sont frileux quand on leur parle de télé. Tous craignaient une déformation de leur propos et que le reportage ne renvoie une image de "nerds" malsains scotchés à leur PC !
Le jeu fait peur aux parents - parfois à juste titre - et les médias ont largement relayé cette image d’un jeu dangereux responsable de déscolarisation et de désocialisation. Comme toute communauté qui se sent agressée, celle des jeux vidéos est un peu échaudée et il est un peu compliqué de gagner la confiance des joueurs pour organiser un reportage.
La conception d’un reportage demande une somme importante de travail, mal connue des téléspectateurs. Quelles sont les différentes étapes entre le moment où on t’informe du sujet et la diffusion à la télévision du reportage que tu as réalisé ?
- définir un angle au sujet que l’on traite : quelle idée veut-on défendre, que veut-on monter, quelles questions doit-on poser ?
- comme nous faisons des portraits, il faut ensuite trouver un ado qui correspond à la problématique soulevée et qui ait envie de témoigner de son expérience : c’est une phase qui peut être parfois assez longue, nous interviewons plusieurs ados et leur entourage.
- la préparation pratique du tournage : imaginer les différents moments - séquences - qui constitueront le reportage,
trouver un jour qui convienne à tout le monde, demander des autorisations de tournage dans les différents lieux où l’on doit tourner...
- le tournage, avec une équipe constitué d’un chef opérateur et d’un ingénieur du son
- le dérushage (regarder, écouter et prendre en note tout ce qu’on a tourné)
- le montage avec un chef monteur
- le mixage, réalisé par un mixeur. Il mixe tous les sons du reportage.
Pourquoi avoir voulu montrer l’autre côté du jeu, inconnu du grand public, plutôt que de t’être contentée de remontrer la mauvaise facette du jeu qui touche une minorité de joueurs comme l’ont stigmatisé les médias auparavant ?
J’ai assisté un peu par hasard à la dernière Lan Arena, à la Villette à Paris, il y a plus de deux ans maintenant. J’avais été sidérée par l’ampleur de l’événement, le côté pro de l’organisation, le nombre impressionnant de spectateurs. On était loin d’un phénomène mineur et j’ai découvert à cette époque une communauté à part entière. Je trouvais que faire découvrir cette communauté avait largement sa place dans "Cas d’école". Le but de l’émission est aussi de pouvoir faire découvrir aux parents le monde de leurs ados, de créer des ponts entre générations. Parfois, le monde des parents et celui des ados sont être très hermétiques l’un à l’autre. C’est bien de pouvoir casser ça.
Quelle est ton opinion à propos des reportages réalisés à maintes reprises par certaines chaînes de télévision qui se sont manifestement efforcées de montrer Counter-Strike comme responsable d’une certaine violence et d’un isolement nuisible à la vie sociale de ses pratiquants ? Cette généralisation et ce côté négatif récurrent qui a été uniquement montré lors des précédents reportages t’apparaissent-ils aujourd’hui comme les stigmates créés par la télévision qui ne s’est pas intéressée au côté "sport électronique" de la discipline ?
Qu’un ado qui passe 5, 6 heures ou plus devant son PC à jouer à CS ou à d’autres jeux est, quoi qu’on puisse dire de CS et du sport électronique, inquiétant. Et que les parents s’en inquiètent me paraît plutôt sain. À ce titre, il me parait largement légitime que les médias relaient ces comportements et s’interrogent.
En revanche, je suis beaucoup plus sceptique sur la responsabilité du jeu en lui-même. Une pratique à haute dose d’un jeu vidéo n’améliore sans doute pas le mal-être d’un ado, il l’aggrave même peut-être, mais je n’imagine pas qu’il puisse en être la cause première. Et le rôle des médias est en effet de poser les questions dans le bon sens, de ne pas prendre l’effet pour la cause.
Je continue de penser néanmoins que le "côté négatif" du jeu n’est pas une pure création médiatique. Il suffit de se rendre dans des salles de jeu en réseau pour évaluer l’ampleur de la dimension addictive du jeu. Elle est loin d’être négligeable.
Après avoir vu se dérouler un match sous tes yeux et regardé des vidéos de l’Electronic Sports World Cup 2004, considères-tu Counter-Strike comme une discipline rattachée au sport électronique ? Parviens-tu d’ailleurs mieux à te définir cette notion de sport électronique qui peut paraître abstraite quand on voit les pratiquants assis derrières leurs ordinateurs ?
L’organisation d’une équipe de CS a en effet tout des équipes de sport de haut niveau : coach, entraînement, hygiène de vie, discipline, esprit d’équipe, mental... tout est pensé, rationalisé, débriefé... C’est très sérieux !
Le mot "sport" fait sourire les néophytes comme moi, mais au même titre que les échecs ou le billard, considérés eux aussi comme des sports. Mais si on ne garde que la partie compétition, ça se tient...
Quel était ton point de vue sur les pratiquants de sport électronique avant la réalisation de ce reportage ? Celui-ci a t-il évolué aujourd’hui ?
Je n’avais pas vraiment d’avis sur les pratiquants du sport électronique avant d’en avoir rencontrés. J’avais simplement envie de saisir leur monde, de recueillir leur avis sur le jeu, la communauté... mais aussi sur ses limites et ses dangers...
J’ai découvert que le jeu et la compétition apporte à beaucoup une forme de socialisation certes inhabituelle et assez virtuelle au début, mais finalement bien réelle. La compétition poussent certainement les joueurs à des rencontres très enrichissantes
.
Merci de m’avoir accordé un peu de ton temps libre pour répondre à ces questions.
Voici par ailleurs mon point de vue sur ce reportage.
Je souhaitais, en acceptant d’être le protagoniste de ce reportage, apporter une image nouvelle au grand public sur les jeux vidéo et ainsi réfuter ce qui avait été uniquement montré jusqu’à présent à la télévision. Certes ce type de cas existe sûrement, mais il concerne une minorité de personnes à partir desquelles les médias ont généralisé à l’ensemble des pratiquants de jeux vidéo. C’est pourquoi, nous étions parvenus à un commun accord explicitant qu’il ne s’agissait pas là de faire un énième reportage comme ceux de TF1 ou de France2, visant à montrer la facette peu connue de Counter-Strike et des jeux vidéo aux télé-spéctateurs. Pour ma part, j’ai beaucoup appris avec cette expérience comme par exemple le fait qu’on puisse enregistrer trois heures de reportage pour qu’au final cinq minutes seulement soient gardées. Il est évident que de nombreux aspects de la discipline ont été de ce fait négligés, cependant ce reportage était destiné à un public de parents et n’était en aucun cas voué à la promotion du sport électronique en France.
Je remercie donc toute l’équipe de reportage qui a réalisé ce document, qui je l’espère aura changé la vision de certaines personnes sur les jeux vidéo.
Cependant, je souhaitais présenter mes excuses aux lecteurs pour la parution tardive de cette news, cependant l’article est prêt depuis maintenant deux semaines mais j’ai longtemps attendu la réception du reportage au format numérique. Puisque le sport électronique cherche à se faire connaître et reconnaître par les médias, il était nécessaire de passer par les voies légales plutôt que de se contenter de diffuser un reportage pirate encodé à partir d’un enregistrement personnel, pirate parce que dans le cadre d’une diffusion sur internet, le statut de cette enregistrement serait passé illégal. L’envoi du DVD dépendait donc du service juridique de France5, et de tels délais sont visiblement une chose courante lorsqu’on s’adresse aux médias d’une importance certaine. A moins, qu’ils ne traitent pas les sites d’e-sport de la même manière que les grands quotidiens.
» Télécharger le reportage [6min09]
» Trailer du reportage [2min40] (Stream)
A l’image des vrais télé-réalités où tout est manipulé (l’Ile de la tentation en tête), TF1 s’est spécialisé ces dernières années aux fausses télé-réalités consistant à faire croire aux télé-spectateurs qu’il s’agit de reportages totalement banals alors qu’en fait le fond du reportage est déjà réglé d’avance. En effet, ce reportage mettait en scène un joueur de Counter-Strike prénommé Cédric qui d’après la tournure de ce reportage était en échec scolaire et sociale puisqu’il ne travaillait pas en cours et choisissait le jeu plutôt que sa copine, et qui par ailleurs ne touchait pas à son assiette avant le changement de map lorsque sa mère lui apportait pour ne pas louper un frag. A l’âge de 20 ans, Cédric, élève de terminale qui ne sortait pas de sa chambre où les volets étaient fermés de jour comme de nuit, était en addiction face à Counter-Strike auquel il jouait cinquante heures par semaine, à tel point que sa santé était devenue précaire. De plus, l’introduction au reportage présentée par Thomas Hugues et Laurence Ferrari nous montrait les joueurs de Counter-Strike comme "des adolescents dont l’univers se résume à un écran d’ordinateur, et qui se transforment chaque soir en soldats qui combattent des ennemies partout dans le monde via internet, qui comme lui passent leurs nuits à jouer et se coupent du monde". D’ailleurs "comme Cédric, 300 000 français consacrent plus de vingt heures par semaine aux jeux vidéo, une addiction dont il faut se désintoxiquer. Les hôpitaux et les psychologues spécialisés traitent de plus en plus de cas."
Au final on a un tissu de contre vérité saupoudrée d’ une méconnaissance profonde de la problématique du jeu vidéo en France. Dans le meilleur des cas nous avons un reportage inutile et dans le pire des cas une manipulation d’un jeune homme qui regrette amèrement d’avoir fait confiance à TF1, puisqu’il fut ensuite pris pour cible par les autres joueurs qui ne manquèrent pas de le rabaisser et même de sortir une parodie musicale sur l’air de Le Frunkp (Alphonse Brown), réalisée par Nomalz et PoRCo de NetG Radio (paroles). Manipulation d’autant plus nocive qu’elle caricature grossièrement l’ensemble du secteur du jeu vidéo au moment même où des démarches sont effectuées auprès du gouvernement et des médias pour qu’on aide ce secteur à la croisée des domaines artistiques et industriels.
Souvenez-vous maintenant en Mai 2003, un reportage intitulé "Comment faire face à un enfant sous influence ?" était diffusé sur France2 dans le cadre de l’émission Ca se discute, il mettait en scène un enfant de treize ans et demi qui passait quinze heures par jour sur Counter-Strike au détriment de ses études. Dans le reportage on voyait ce dernier, prénommé Driss, insulter sa mère et sa grand-mère, sécher les cours pour se rendre en cybercafé pour jouer. Sa grand-mère témoignait en expliquant que la situation était devenue infernale, et que Driss ne mangeait parfois pas, se douchait qu’une fois par semaine, et était en pleine déscolarisation.
Bref un reportage qui n’a pas été pris à la rigolade comme le premier dont une parodie musicale avait été réalisée, puisque dans celui-ci l’image donnée sur les jeux vidéo à travers Driss n’est plus caricaturale mais préjudiciable, puisque certaines personnes qui ont visionné le reportage, ont ensuite fait l’amalgame entre ce cas isolé exagéré, et la communauté des pratiquants de jeux vidéo.
Outrée par cette image négative sur Counter-Strike qui avait été donnée au public par le biais de cette émission, diffusée à une grande heure d’audience, une grande partie de la communauté des joueurs s’était mise à la recherche de ce joueur. Après l’avoir retrouvé, il fut interviewé par une radio-web sur laquelle il expliqua qu’il avait fait tout cela juste pour passer à la télévision.. ne se soucient pas de l’image qu’il allait donner au public de Counter-Strike et des jeux vidéo en général. Ce second reportage diffusée sur une chaîne publique encrait ainsi l’image négative associée aux jeux vidéos dans l’esprit des parents crédules de ce type d’émission.
Aujourd’hui, c’est France5 qui a tenu à réaliser un reportage sur les jeux vidéo et plus particulièrement sur Counter-Strike dans le cadre de Cas d’école. Cette émission à vocation éducative est diffusée tous les samedi à 10h10, et donne la parole aux parents, adolescents, spécialistes, écrivains, jeunes garçons ou filles qui débattent sur des thèmes choisis comme Amours, sexualité, scolarité, sports, et études, dans l’objectif d’apporter une réponse aux parents trop souvent désemparés devant les aléas de la vie. Ce reportage met en scène, Stéphane, élève de terminale S, qui concilie les études avec un rythme d’entraînement qui peut paraître élevé pour les personnes qui ne connaissent pas bien le sport électronique à savoir trois à quatre heures par jour au maximum. Intitulé "Jeux vidéo : les ados sous influence ?", on ne peut s’empêcher de repenser tout de suite au reportage "Comment faire face à un enfant sous influence ?" diffusé sur France2 dans le cadre de l’émission Ca se discute, cependant il n’en est rien.
Ce reportage, à l’instar des deux précédents réalisés par les chaînes TF1 et France2, montre davantage l’aspect sport électronique du jeu que celui du joueur isolé qui ne fait que du free for all (ffa) dans son coin, ne voyant pas les heures défilées derrière son écran. C’est dans l’objectif d’essayer de changer l’image préconçue des gens sur Counter-Strike et plus en général sur les jeux vidéo, de montrer la facette professionnelle du jeu qui lui confère le statut de sport électronique, suscitant un engouement en constante évolution des joueurs mais aussi des sociétés qui investissent dans les équipes en temps que sponsors, que l’équipe de France5, composée de Camille Juza (Journaliste), Quentin Lepoutre (Caméraman) et de Hélène Convain (Technicien du son) a retrouvé Stéphane à la sortie du lycée.
Désireux d’en savoir plus sur les raisons qui ont poussé la journaliste Camille Juza à réaliser ce reportage ainsi, je me suis entrenu rapidement avec elle.
*aAa* : Peux-tu te présenter pour nos lecteurs ?
Camille : J’ai 28 ans, je suis journaliste pour l’émission Cas d’école, un magazine de société sur les ados et les jeunes, diffusé sur France 5... et... je ne suis pas une joueuse de jeux vidéo.
Tu exerces le métier de journaliste depuis trois années, qu’est ce qui t’a attiré et aujourd’hui te plaît dans cette profession ?
Ce qui m’intéresse dans le magazine Cas d’école, c’est de pouvoir éclairer parents et ados sur certaines situations qu’ils vivent, de manière à ce qu’ils les comprennent mieux et les abordent en ayant les bonnes questions entre les mains.
Ce qui me plaît beaucoup dans le quotidien de ce métier, ce sont les rencontres parfois insolites qu’il procure et l’ouverture à des mondes que je ne connais pas toujours, comme par exemple, l’insoupçonnable univers du sport électronique.
Tu as généralement peu de temps pour réaliser les reportages qu’on te confie, du moins pas suffisamment pour réellement connaître les personnes que tu interview. N’as-tu pas déjà ressenti l’envie de rester plus longtemps sur un tournage afin de mieux connaître certains ? Ces relations qui restent malgré tout incomplètes ne reflètent-elles pas un côté frustrant que peut avoir le métier que tu exerces ?
C’est vrai que du point de vue de la rencontre, c’est souvent trop court. D’autant que nos portraits sont toujours très ciblés et abordent un aspect parmi d’autres de la vie des ados : évidemment, il y en a beaucoup d’autres...
La multitude de reportages que tu as pu réaliser jusqu’ici a t-elle fait évoluer le regard que tu portes sur le monde ?
Oui
As-tu des conseils à donner aux personnes qui souhaiteraient éventuellement devenir journaliste tout comme toi ? Y’a t-il une voie spécifique à emprunter pour exercer ce métier ?
Je n’ai aucun conseil à donner de ce point de vue ! J’ai l’impression que la première qualité d’un journaliste est la curiosité. Les journalistes ont des parcours très différents. Certains font des études universitaires, d’autres des écoles de journalisme, d’autres encore se forment sur le "tas", sans avoir fait aucune étude. Évidemment, les écoles ouvrent quelques portes, mais il ne faudrait pas renoncer à ce métier sous prétexte de ne pas avoir pris la "bonne voie".
Tu viens de réaliser un reportage sur "Jeux vidéo : les ados sous influence ?" dans lequel tu montres qu’un joueur peut allier sa passion et ses études. Comment as-tu été amenée à réaliser ce reportage ?
"Cas d’école" voulait aborder le thème important des ados et les écrans. (télé, jeux) On m’a demandé de réfléchir à un reportage sur les jeux vidéo. Je trouvais intéressant de montrer l’univers du sport électronique, un versant peu connu du jeu vidéo. Ce n’est pas tant montrer qu’on peut allier études et jeu qui m’intéressait, mais plutôt qu’il s’agissait là d’un véritable phénomène, d’une communauté soudée par la même passion, les mêmes codes.
As-tu rencontré des difficultés pour prendre contact et discuter avec des pratiquants de sport électronique ? As-tu eu le sentiment d’être tombée face à une communauté renfermée sur elle-même et refusant de s’ouvrir aux médias pour s’exprimer sur leur passion ?
J’ai eu beaucoup de mal à trouver des joueurs. J’ai d’abord tenté de rencontrer des gens qui jouent à haut niveau, mais pas forcément des champions. Plusieurs étaient d’accord pour des témoignages anonymes mais se méfiaient beaucoup d’une médiatisation. J’ai donc contacté Ligarena pour être mise en contact avec de grandes teams. Là encore, j’ai essuyé plusieurs refus. Même les grands joueurs sont frileux quand on leur parle de télé. Tous craignaient une déformation de leur propos et que le reportage ne renvoie une image de "nerds" malsains scotchés à leur PC !
Le jeu fait peur aux parents - parfois à juste titre - et les médias ont largement relayé cette image d’un jeu dangereux responsable de déscolarisation et de désocialisation. Comme toute communauté qui se sent agressée, celle des jeux vidéos est un peu échaudée et il est un peu compliqué de gagner la confiance des joueurs pour organiser un reportage.
La conception d’un reportage demande une somme importante de travail, mal connue des téléspectateurs. Quelles sont les différentes étapes entre le moment où on t’informe du sujet et la diffusion à la télévision du reportage que tu as réalisé ?
- définir un angle au sujet que l’on traite : quelle idée veut-on défendre, que veut-on monter, quelles questions doit-on poser ?
- comme nous faisons des portraits, il faut ensuite trouver un ado qui correspond à la problématique soulevée et qui ait envie de témoigner de son expérience : c’est une phase qui peut être parfois assez longue, nous interviewons plusieurs ados et leur entourage.
- la préparation pratique du tournage : imaginer les différents moments - séquences - qui constitueront le reportage,
trouver un jour qui convienne à tout le monde, demander des autorisations de tournage dans les différents lieux où l’on doit tourner...
- le tournage, avec une équipe constitué d’un chef opérateur et d’un ingénieur du son
- le dérushage (regarder, écouter et prendre en note tout ce qu’on a tourné)
- le montage avec un chef monteur
- le mixage, réalisé par un mixeur. Il mixe tous les sons du reportage.
Pourquoi avoir voulu montrer l’autre côté du jeu, inconnu du grand public, plutôt que de t’être contentée de remontrer la mauvaise facette du jeu qui touche une minorité de joueurs comme l’ont stigmatisé les médias auparavant ?
J’ai assisté un peu par hasard à la dernière Lan Arena, à la Villette à Paris, il y a plus de deux ans maintenant. J’avais été sidérée par l’ampleur de l’événement, le côté pro de l’organisation, le nombre impressionnant de spectateurs. On était loin d’un phénomène mineur et j’ai découvert à cette époque une communauté à part entière. Je trouvais que faire découvrir cette communauté avait largement sa place dans "Cas d’école". Le but de l’émission est aussi de pouvoir faire découvrir aux parents le monde de leurs ados, de créer des ponts entre générations. Parfois, le monde des parents et celui des ados sont être très hermétiques l’un à l’autre. C’est bien de pouvoir casser ça.
Quelle est ton opinion à propos des reportages réalisés à maintes reprises par certaines chaînes de télévision qui se sont manifestement efforcées de montrer Counter-Strike comme responsable d’une certaine violence et d’un isolement nuisible à la vie sociale de ses pratiquants ? Cette généralisation et ce côté négatif récurrent qui a été uniquement montré lors des précédents reportages t’apparaissent-ils aujourd’hui comme les stigmates créés par la télévision qui ne s’est pas intéressée au côté "sport électronique" de la discipline ?
Qu’un ado qui passe 5, 6 heures ou plus devant son PC à jouer à CS ou à d’autres jeux est, quoi qu’on puisse dire de CS et du sport électronique, inquiétant. Et que les parents s’en inquiètent me paraît plutôt sain. À ce titre, il me parait largement légitime que les médias relaient ces comportements et s’interrogent.
En revanche, je suis beaucoup plus sceptique sur la responsabilité du jeu en lui-même. Une pratique à haute dose d’un jeu vidéo n’améliore sans doute pas le mal-être d’un ado, il l’aggrave même peut-être, mais je n’imagine pas qu’il puisse en être la cause première. Et le rôle des médias est en effet de poser les questions dans le bon sens, de ne pas prendre l’effet pour la cause.
Je continue de penser néanmoins que le "côté négatif" du jeu n’est pas une pure création médiatique. Il suffit de se rendre dans des salles de jeu en réseau pour évaluer l’ampleur de la dimension addictive du jeu. Elle est loin d’être négligeable.
Après avoir vu se dérouler un match sous tes yeux et regardé des vidéos de l’Electronic Sports World Cup 2004, considères-tu Counter-Strike comme une discipline rattachée au sport électronique ? Parviens-tu d’ailleurs mieux à te définir cette notion de sport électronique qui peut paraître abstraite quand on voit les pratiquants assis derrières leurs ordinateurs ?
L’organisation d’une équipe de CS a en effet tout des équipes de sport de haut niveau : coach, entraînement, hygiène de vie, discipline, esprit d’équipe, mental... tout est pensé, rationalisé, débriefé... C’est très sérieux !
Le mot "sport" fait sourire les néophytes comme moi, mais au même titre que les échecs ou le billard, considérés eux aussi comme des sports. Mais si on ne garde que la partie compétition, ça se tient...
Quel était ton point de vue sur les pratiquants de sport électronique avant la réalisation de ce reportage ? Celui-ci a t-il évolué aujourd’hui ?
Je n’avais pas vraiment d’avis sur les pratiquants du sport électronique avant d’en avoir rencontrés. J’avais simplement envie de saisir leur monde, de recueillir leur avis sur le jeu, la communauté... mais aussi sur ses limites et ses dangers...
J’ai découvert que le jeu et la compétition apporte à beaucoup une forme de socialisation certes inhabituelle et assez virtuelle au début, mais finalement bien réelle. La compétition poussent certainement les joueurs à des rencontres très enrichissantes
.
Merci de m’avoir accordé un peu de ton temps libre pour répondre à ces questions.
Voici par ailleurs mon point de vue sur ce reportage.
Je souhaitais, en acceptant d’être le protagoniste de ce reportage, apporter une image nouvelle au grand public sur les jeux vidéo et ainsi réfuter ce qui avait été uniquement montré jusqu’à présent à la télévision. Certes ce type de cas existe sûrement, mais il concerne une minorité de personnes à partir desquelles les médias ont généralisé à l’ensemble des pratiquants de jeux vidéo. C’est pourquoi, nous étions parvenus à un commun accord explicitant qu’il ne s’agissait pas là de faire un énième reportage comme ceux de TF1 ou de France2, visant à montrer la facette peu connue de Counter-Strike et des jeux vidéo aux télé-spéctateurs. Pour ma part, j’ai beaucoup appris avec cette expérience comme par exemple le fait qu’on puisse enregistrer trois heures de reportage pour qu’au final cinq minutes seulement soient gardées. Il est évident que de nombreux aspects de la discipline ont été de ce fait négligés, cependant ce reportage était destiné à un public de parents et n’était en aucun cas voué à la promotion du sport électronique en France.
Je remercie donc toute l’équipe de reportage qui a réalisé ce document, qui je l’espère aura changé la vision de certaines personnes sur les jeux vidéo.
Cependant, je souhaitais présenter mes excuses aux lecteurs pour la parution tardive de cette news, cependant l’article est prêt depuis maintenant deux semaines mais j’ai longtemps attendu la réception du reportage au format numérique. Puisque le sport électronique cherche à se faire connaître et reconnaître par les médias, il était nécessaire de passer par les voies légales plutôt que de se contenter de diffuser un reportage pirate encodé à partir d’un enregistrement personnel, pirate parce que dans le cadre d’une diffusion sur internet, le statut de cette enregistrement serait passé illégal. L’envoi du DVD dépendait donc du service juridique de France5, et de tels délais sont visiblement une chose courante lorsqu’on s’adresse aux médias d’une importance certaine. A moins, qu’ils ne traitent pas les sites d’e-sport de la même manière que les grands quotidiens.
» Télécharger le reportage [6min09]
» Trailer du reportage [2min40] (Stream)
Modifié le 17/04/2019 à 12:49
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enfin quoi qu’il en soit, ça aurait pu être un très bon reportage, mais y a CS dedans....
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Comment Edited by Fa`reS- on 16.12.04 20:58:36
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Quoiqu’il en soit, je trouve l’article fort interessant et bien réalisé.
Modifié le 17/04/2019 à 12:49
En tt cas GG tres interessant