Dans l’émission TrayTalk animée par Trayton, Saken est revenu en détail sur son parcours, ses années à la Karmine Corp, ses erreurs passées, et sa situation actuelle. Sans filtre, il évoque sa mise sur le banc, la reprise de la soloQ, et son envie de revenir à la compétition.
H2. Saken : une trajectoire faite de hauts, de creux, et d’une envie intacte
Dans le paysage de la scène française de League of Legends, peu de joueurs ont suscité autant d’attentes, de jugements et de débats que Saken. Midlaner historique de la Karmine Corp, double champion des EU Masters, il n’a pourtant jamais été un grand communicant. Pas de stream, pas d’interview fleuve, pas de storytelling contrôlé. Longtemps, il a laissé les autres parler pour lui. Dans l’émission TrayTalk animée par Trayton, il a accepté de briser cette habitude. Une très longue discussion franche, sans langue de bois, où il revient sur ses débuts, sa réputation passée, son passage chez Vitality.Bee, son ascension avec la KC, sa mise sur le banc au printemps 2024, et surtout : cette étrange période où il ne joue plus, n’a plus d’équipe, mais recommence à vouloir y croire.
Un joueur façonné par la soloQ et les LANs
Saken commence League of Legends en saison 2, alors qu’il est encore au collège. Il n’a pas encore 14 ans, joue en Silver, puis grimpe vite. Très vite. Il passe Platine, puis Diamant 3 dès la saison suivante. À l’époque, il n’a aucun repère compétitif : il joue pour le jeu, et le jeu le fascine. « J’étais accro à League, vraiment. Je me couchais tard, je jouais tout le temps. » Il passe son bac S, entame un DUT Réseaux & Télécoms, sans conviction. L’école ne l’intéresse pas, il le dit clairement : « Je savais pas ce que je foutais là. »
C’est via la soloQ qu’il rencontre Marex et Targamas. Ensemble, ils commencent à jouer les tournois ESL. Ils gagnent vite. Il se souvient très précisément d’une victoire locale à Lyon : « Je gagne un tournoi et le MVP, c’est moi. Domingo et Twix me remettent un PC. » C’est la première fois qu’il se sent vraiment reconnu. Très vite, il enchaîne les LANs. Il parle notamment de la Lyon e-Sport et de l’Alon Sport, où il affronte des équipes plus expérimentées comme GamersOrigin. « Y’avait ma famille dans les gradins, j’étais en stress de fou. Dans ma tête, c’était les Worlds. »
Ce qu’il ne dit pas encore, c’est que cette ascension s’accompagne d’un comportement instable. Trayton le lui rappelle frontalement : à l’époque, Saken a la réputation d’être toxique, parfois impossible à gérer. Il ne nie rien. « Peut-être que j’étais pas cool à avoir en midlaner, mais j’ai beaucoup évolué depuis. » Il raconte une anecdote marquante : « Une fois j’ai cassé un verre. J’ai une cicatrice sur la main. Je m’en veux encore. » Ce n’est pas de l’auto-flagellation, mais un constat : il tilte, il s’en veut, il veut bien faire — trop bien parfois.
Vitality.Bee : la descente dans le vide
En 2019, il rejoint Vitality.Bee, l’équipe académique de Team Vitality. Pour la première fois, il entre dans une structure professionnelle, s’installe à Paris, en gaming house. Le bilan compétitif est positif : l’équipe se qualifie aux EU Masters. Mais personnellement, il s’effondre. « J’étais trop content de rejoindre Vita, mais au final… c’était un vide. Un vide absolu. » Il n’a plus envie, ne se reconnaît pas. Il parle de sa vie comme d’un cycle vide : se lever, jouer, recommencer. « J’étais un zombie. »
Il reconnaît aussi une faute dans sa gestion humaine des équipes : « Je faisais pas attention à mon jungler. Je voulais juste qu’il me serve. » Il dit avoir toujours été dans une logique de performance brute, de sélection. Il voulait le meilleur jungle, pas forcément un bon partenaire. « J’ai pas pris soin des junglers avec qui j’ai joué. Je regrette. »
La Karmine, puis la chute
En fin d’année 2020, Targamas le contacte. Il lui propose de rejoindre la nouvelle structure Karmine Corp. L’idée le séduit immédiatement. Il accepte sans hésiter. En 2021, l’équipe est composée de Cinkrof, Targamas, xMatty, Adam, et lui. Ils remportent deux EU Masters. L’alchimie est parfaite. Saken parle d’un groupe de cinq joueurs « qui voulaient tous se venger ». Il précise : « On venait tous d’échecs. Targa était sur le banc, Adam on disait qu’il avait la game sens d’un plot, xMatty était pas côté, Cinkrof revenait d’un bench. »
Ce contexte crée un esprit de revanche, une intensité collective rare. « C’était pas que du jeu, c’était émotionnel. » Il affirme que c’est « la meilleure équipe » avec laquelle il ait joué. L’année 2021 reste un sommet. Mais dès 2022, la dynamique se fissure. Il sent qu’il est moins fort, moins lui-même. « Y’a un truc qui allait pas. » Il joue, mais sans la même intensité. En 2023, le niveau global de l’équipe décline. En 2024, après un début d’année difficile, il est mis sur le banc. Il comprend la décision. « J’étais plus bon. [...] J’avais plus envie. Je zappais les scrims. »
Une pause salvatrice et une volonté de retour
Sa mise à l’écart le plonge dans une période de doute. Il ne joue plus. Il ne regarde pas les matchs. Il ne suit rien. Il ne s’intéresse pas à la scène. Il dit avoir « tout arrêté », comme une rupture nette. « J’avais pas la force de rejouer. » Mais avec le temps, il revient doucement à la soloQ. Il reprend à son rythme, sans objectif. Et quelque chose revient : l’envie. Le plaisir de jouer. Le goût de la compétition. « J’ai recommencé à aimer le jeu. [...] Je veux rejouer. Je veux re-être pro. » À ce stade, il n’a aucune offre, aucune piste. « J’ai pas de plan. Je veux juste être bon. Et si je suis bon, peut-être que des trucs arriveront. »
Saken se dit aujourd’hui prêt à rejouer, mais différemment. Il veut d’abord retrouver son niveau. Redevenir fort. Être fier de son niveau en ranked. Il refuse de forcer une opportunité. Il attend. Il grind. Il regarde. « Je veux me sentir fort. Je veux que ça reparte de là. » Il regrette aussi de ne jamais avoir travaillé son image. Il n’a jamais stream, rarement communiqué. Il n’a jamais raconté son histoire. « J’ai rien dit de toute ma carrière. J’ai jamais pris la parole. [...] J’ai laissé les gens décider de ce que je suis. » Il le dit sans rancœur, mais avec lucidité. Aujourd’hui, il veut simplement jouer. Sans image à défendre. Sans communauté à entretenir. « Je veux jouer pour moi. Pas pour les autres. Pour retrouver ce que j’aimais. »