Performances, promiscuité et économies en Asie

 

Après avoir parlé de ce qui se fait par chez nous, direction La Mecque des RTS, l'eldorado pour tout joueur qui se respecte, le seul et unique paradis sur Terre afin de devenir une véritable vedette sur les jeux vidéo. Ces différentes affirmations sont pour certaines surfaites mais demeurent tout de même dans l'inconscient de pas mal de pros en Occident. La Corée du Sud et plus généralement l'Asie sont tout simplement les endroits où il faut être si l'on souhaite vivre de sa passion, passer à la télévision régulièrement, obtenir des aides de l’État et surtout ne pas être vu comme un extra terrestre de la société. Dernier point et pas des moindres, c'est très certainement dans cet autre continent que l'avenir tout entier de notre planète va se décider, alors autant être là où tout se passe plutôt que l'inverse vous ne trouvez pas ?

 

 

Quelques français ont déjà pu se rendre en Corée ou encore en Chine afin de devenir de véritables pros sur StarCraft ou bien WarCraft III. On pense bien entendu aux deux superstars tricolores que sont Yoan "ToD" Merlo ainsi que Bertrand "ElkY" Grospellier. Depuis de l'eau à coulé sous les ponts et la nouvelle génération qui arrive n'a qu'une seule et unique motivation : faire mieux que ces icônes. La mission s'annonce ardue mais pas impossible tant le phénomène des « gaming houses » a permis aux échanges Occident/Asie de se multiplier ces derniers temps.

 

Il faudra toutefois s'habituer à un style totalement différent de celui que l'on peut connaitre en France ou même en Europe. L'entraînement en Corée et en Chine est sans commune mesure avec ce qu'il peut être en Occident. Les moyens déployés par les clubs sont conséquents, les ponctions faites au cash prize remporté également (parfois plus de 50% reviennent au club) et les conditions de vie sont loin d'être aussi paradisiaques que dans la petite maison en bois de Dario "TLO" Wünsch. Mais les objectifs sont clairement différents. On ne part pas ou ne joue pas en Asie à haut niveau pour être dans le top, on est là pour être le top. Cette différence peut paraître infime mais elle est pourtant capitale, c'est elle qui conditionne et oblige la communauté asiatique à se surpasser totalement, à passer des heures énormes afin d’assimiler le jeu adverse et de travailler les contres adéquats. Car l'une des particularités du jeu coréen ou chinois c'est de connaître ses adversaires à l'avance et donc de s'entraîner principalement sur le style de jeu de ces derniers. Là encore, on pourrait penser que c'est un détail minime qui ne correspond pas avec ce que l'on connaît chez nous mais c'est pourtant bel et bien une manière de s'entraîner et un fonctionnement qui tranche totalement avec le reste du globe. Seuls quelques tournois proposent en Occident de connaître ses concurrents et donc de se préparer à les jouer, mais c'est tellement peu en comparaison à la masse existante. Nous sommes tellement loin de posséder l'expérience asiatique à ce niveau là qu'on ne peut clairement pas se mettre à la même échelle qu'eux.

 

Cette manière différente d'entamer les compétitions, le style de vie et la culture locale ont donc permis la mise en place de camps d'entraînement qui tranchent pas mal avec ce dont nous parlions dans la page précédente. La vie en Asie est moins chère qu'en Occident, c'est un fait, mais il faut aussi garder à l'esprit que les salaires sont également bien moins importants que ceux qui sont nécessaires pour vivre de sa passion en France. Nous avons choisi d'illustrer cela par deux exemples là encore qui généralisent la situation mais permettent au moins de se faire une idée du fossé qui nous sépare.

 

 

Deux académies se rencontrent donc, celle des grandes entreprises qui possèdent une sucursale eSport telles que WeMade FOX, et celle où se sont les initiatives personnelles couplées à l'aide de sponsors qui permettent à des clans d'exister (exemple Slayers dirigé par Lim "BoxeR" Yo-Hwan). Dans le fond même si les moyens financiers sont différents, les méthodes d'entraînement restent les mêmes. On regroupe des joueurs dans un espace plutôt restreint -ce qui correspond au style de vie asiatique- et ces derniers doivent donc s'entraîner à un rythme d'environ 10h par jour, voire plus de 12h en période de rush. Contrairement ce qui se fait en Europe ou en Amérique, les trophées ne sont pas dans la « gaming house » pour créer une certaine émulation, ils sont conservés par les vainqueurs à leur domicile familial comme une fierté de leur réussite sociale. De plus, on limite au maximum les frais annexes et il n'y a pas de place pour une piscine comme chez FXOpen ou bien un jardin comme en Allemagne, là c'est clairement un lieu de travail permanent où seule la performance est réclamée. L'unique secteur où l'équipe et les joueurs se lâchent, c'est dans le matériel de jeu car ils ont besoin d'avoir ce qui se fait de mieux afin d'optimiser au maximum leurs capacités. Les différentes vidéos présentent également ces personnages de l'ombre que sont les coachs. Ces derniers sont sous-estimés en Occident tandis qu'ils jouent un rôle capital en Asie. Sans coach pas de résultats, c'est une équation présente dans la tête de tout « pro-gamer » asiatique ou expatrié. Inutile de préciser qu'actuellement c'est ce modèle atypique qui fait rêver et permet aux joueurs de ces pays d'avoir un niveau de jeu difficile à comparer avec celui d'un européen par exemple. Toutefois aujourd'hui il est impossible de mettre en place ce système ailleurs car, tout simplement, il requiert des sources financières et un encadrement solides mais aussi et surtout totalement dédiés à la seule performance de sa section de jeu.