Amiens, courant 2000. Comme dans toutes les villes de France, les salles réseaux fleurissent et toute une génération de collégiens/lycéens s’y presse pour découvrir les joies du massacre en multijoueurs. Parmi eux, un ado de 15 piges fait ses premiers pas sur les bétas de Counter-Strike sous le pseudo Goku. Il ne l’imagine certainement pas alors, mais il deviendra champion du monde de CS quelques années plus tard, avec un autre nickname : MaT.
Chez 2o, la progression continue avec cette formation aux abords du top10 français. Mais surtout, il y fait la connaissance d’un autre futur crack : Jonathan « JoN1oP » Labreuille, avec qui le courant passe immédiatement. Le sniper rejoindra Bizounours puis aAa à l’été 2003. Mais MaT ne perd pas la liaison : « Comme j'ai toujours gardé le contact avec lui et Emkill, quand ils se sont retrouvés chez aAa, j'étais souvent le 6ème non-officiel pour dépanner ».
Et forcément, ce qui devait arriver arriva. Lors de la Coupe de France 2004, aAa se crashe lamentablement en poule et c’est l’heure du nettoyage de printemps dans la structure. Exit Hourdeau et PoM, retour du célèbre Kabal et arrivée de l’inconnu MaT. Puis finalement, kyo se retire également. JoN1oP rappelle Michael « HaRts » Zanatta à la rescousse pour la GameGune.
Plongée (réussie) dans le grand bain
Quatre ans après avoir achetée sa première AK47, le CPL Qualifier espagnol sera le tournoi inaugural pour MaT sous un grand tag. Ce sera un succès : aAa termine troisième derrière Gamers.nu et DSky. Cette compétition l’impose tout de suite comme un élément sur qui on peut compter. HaRts ne dit pas autre chose : « On s'est tout de suite bien entendu. Il a également réalisé une très bonne GameGune pour son premier vrai tournoi international en tant que joueur. » Les deux hommes réaliseront un autre gros tournoi ensemble, les WCG France 2004. Mais les goodgame sont trop forts à l’époque et les aAa doivent se contenter de la seconde place.
HaRts partira pour des études de médecine, mais il n’oubliera pas les qualités de MaT… « Un joueur très fort sur des poses fixes, et principalement sur les BP. Capable de jouer à toutes les poses sans aucun souci. Un monstre à l'AK47, je ne calcule plus le nombre de 1 balle qui ont fait gagner des rounds. Un contrôle de son aim impressionnant. Un gros sang froid dans les situations de 1vsX. Un joueur toujours motivé pendant les matchs mais également pendant les entrainements. » En bref, MaT a déjà tapé dans l’œil de celui qui est déjà à ce moment un des meilleurs joueurs de France. Une faiblesse quand même ? « Les flashs, ca n'a jamais été son truc (Rires). »
Au rayon des mauvais souvenirs figurent les deux Coupes de France disputées sous ce tag. En 2005, JoN1oP file à l’anglaise chez Bz deux semaines avant le tournoi. Déjà condamnés, les aAa termineront quand même top8 avec un Maarek sorti de sa retraite, qui alignera pratiquement un teamkill par map. L’année d’après, dim2k, dr4z et Issam ont rejoint les éternels MaT et ScariuM. La compétition tournera à la mauvaise plaisanterie : sorti la veille, dim2k dort sur son clavier alors que dr4z et Issam ont fait une nuit blanche à mater 24. Conséquence : élimination en poule par intensity et Execute. Ce sera son dernier tournoi avec un teeshirt aAa.
Malgré ces contre-performances, MaT s’est imposé dans l’Hexagone comme un des joueurs les plus réguliers. Toujours présents dans les *aAa* French Ranking, il était le pilier sur lequel pouvait se reposer la structure au gré des changements de joueurs. Cependant, il traînait à l’époque une réputation de joueur qui craquait dans les matchs décisifs. Mais était-ce lui ou un problème collectif ? « Chez aAa, ce n'était pas une équipe mais une somme d'individualités qui cohabitaient ensemble. Il n'avait pas forcément choisit ses coéquipiers, et prendre cinq bons joueurs ne suffit pas à faire une bonne équipe », répond R!Go, qui a évolué à ses côtés dans la formation aux trois voyelles.
« Bon Matoo, on remonte une équipe sérieuse l'année prochaine ? »
L’été 2006 sera décisif pour la suite de sa carrière. HaRts veut faire son comeback, et il sait avec qui. « Lorsque je reviens, je veux remonter à tout prix une équipe de haut niveau. Le premier joueur à qui je pense, c'est MaT. Je lui fais part de mes projets lors la Coupe de France 2006 pendant qu'on récupère les badges : "Bon Matoo, on remonte une équipe sérieuse l'année prochaine ?" » Banco. Trois autres recrues arrivent vite : R!Go d’Hostile, ioRek d’intensity et mSx de shock.fx. La meilleure équipe française de tous les temps vient d’être formée, mais personne ne le sait encore. Surtout pas aAa, qui rejette la proposition et préfère les anciens Webone.
Ce sera donc emuLate. La mayonnaise prend instantanément et ce cinq plie pratiquement tout le monde en pracc pendant l’été. Première confirmation avec la victoire lors du tournoi qualificatif pour les IEM Saison 1 devant toute la scène française. Les emL enfoncent le clou aux WCG France en se payant leurs deux gros rivaux, aAa et goodgame. Succès prévisible ? Pas pour MaT en tout cas. « A la création, on ne pouvait pas se douter qu'un mois après nous allions gagner les WCG France et rapidement progresser. Même si, tant qu'il y a HaRts, tout est possible, tout est réalisable (les concernés comprendront). »
Infiltration dans le top5 mondial
La première saison emuLate se résume comme cela : intraitables et invincibles en France, en phase d’apprentissage en international. Les WCG 2006, les SEC 2007 et l’ESWC 2007 servent de rôdage, avec des classements de plus en plus haut et quelques victoires de prestige, sur NoA notamment. La GameGune 2007 est le tournoi où les Français vont enfin casser la baraque avec une excellente troisième place. Personne n’a oublié la petite leçon infligée aux fnatic sur nuke.
Les WCG 2007 à Seattle seront l’Everest des emL. Lors d’un tournoi pollué par l’interdiction du duck-jump et où les deux favoris fnatic et PGS coulent d’entrée, les Français sont étincelants, bien au dessus de tout le monde. En finale, les NoA ne savent plus quoi faire et s’inclinent en deux maps sèches. Si cet événement a consacré mSx comme l’un des meilleurs joueurs du monde, MaT n’était pas bien loin. D’ailleurs, il avait également été nominé pour le titre de « rookie de l’année », remporté par son coéquipier.
Et MaT tenait une autre fonction, plus discrète que ses triples headshots. « Peu connaissent son rôle très important dans la stabilité d'une équipe. S’il avait eu ce métier, il aurait eu le rôle d'assistante sociale (Rires). Il a beaucoup travaillé pour l'équipe afin de résoudre les problèmes internes qu'on a pu avoir au cours des années », révèle HaRts. Comme quoi, la stabilité, ça se travaille.
emuLate confirme son titre mondial avec une 3e place à la DreamHack Winter et une autre aux SEC 2008. Un deuxième titre de Champion de France en poche et c’est l’ESWC 2008 à San José. Et le fameux quart de finale contre PGS.MYM. Domination, l’odeur de la demi-finale et puis une pause malencontreuse qui provoque un grand n’importe quoi aboutissant à la défaite. Pour MaT, la pilule n’est qu’à moitié passée. « On se sentait bien après dust2 où on a su conclure notre domination du premier side, chose qui nous faisait souvent défaut dans certains tournois. Après c'est plus l'admin qui a vraiment tout fait, involontairement je l'espère, pour nous déstabiliser... On a une sanction, on ne sait pas laquelle et quand on veut pause pour en parler et la connaitre il nous force à jouer… L'influence du nom et de la structure MYM reste pour moi un élément important de cette sanction. C'est un avis qui n'engage que moi. »
Le début de la fin
Après deux saisons chez aAa et trois chez emL, le rifler entame à 24 ans sa sixième saison au plus haut niveau avec oXmoze. Une année à batailler au sommet avec BURNING!, puis FairFrag en fin de saison. Au final, une nouvelle Gamers-Assembly à la ceinture (la 3e de suite) et trois tournois internationaux dont un sympathique top6 aux EM Europe. Après un 3e ESWC moyen où MaT n’a pas été à son meilleur niveau, les rumeurs de retraite commençaient à se faire de plus en plus insistantes.
De toute façon, MaT gardera un pied dans le milieu, même s’il confie que ses espoirs ont été un peu déçus : « Pendant un laps de temps j'ai cru que l'esport pouvait percer en France en rêveur que je suis, mais je n'y crois plus, j'ai un travail depuis avril que je reprendrai en septembre quelques mois. » Comme tous les joueurs du top français, MaT a été rattrapé par le fait qu’on ne peut pas vivre de CS en France, et donc s’y consacrer à temps plein passé le temps des études. Alors ça y est, terminé. Un comeback ? « Pour avoir refuser de jouer avec mes équipiers et amis que j'apprécie énormément, c'est qu'il est temps de tourner la page.» Resteront deux titres de champion de France, deux titres WCG.fr, une tripotée de LAN françaises, dix-huit participations à des tournois internationaux et quelques milliers de headshots...
A R!Go de conclure, résumant le sentiment général : « Je pense que tous le monde nous a envié MaT, que ça soit les joueurs ou les structures, jamais d'embrouille avec les coéquipiers même si il a son caractère, il sait dire les choses sans se fâcher. Le coéquipier modèle. »
Palmarès
*aAa*
emuLate
oXmoze
Mojawi