Des marginaux aux imbéciles, l’Esport d’aujourd’hui.

 

Eswc 2006 Paris Bercy

 

 

 

(Afin d’être publié sur aAa sachez que les propos qui vont suivre ont subi une auto-censure et qu’il ne s’agira là que de ma pensée édulcorée afin d’éviter toute indignation de la doxa,  à noter également qu’il s’agit de mon opinion propre et qu’elle n’engage en rien le reste de l’équipe aAa)


L’Esport, à mon sens, est un milieu de marginaux, de  gens passionnés pour un jeu-vidéo au point de vivre dans le déni de toute réalité économique et sociale, dans l’unique but d’exceller, d’atteindre un niveau de perfection jamais égalé afin d’être le meilleur de sa discipline et battre tous les autres joueurs. Peu importe les origines que vous avez, que vous soyez beau ou laid, pauvre ou riche, peu importe votre genre ou votre orientation sexuelle, vos études ou quoi que ce soit d’autres, l’important  c’est la compétition, la seule composante que tout le monde retiendra c’est votre niveau de jeu et c’est de là dont vous tirez le respect de vos pairs.

 

 

NOSTALGIE

 

 

Comment ne pas s’extasier devant le niveau démentiel des joueurs de Quake, jeu qui provoque chez moi une motion sickness, j’étais pourtant dans le public de l’eswc2007 des étoiles dans les yeux en regardant Cooler contre Av3k, comment ne pas être ahuri devant la précision de la micro-gestion sur Warcraft III d’un Moon ou les performances d’un Créolophus, Broodwar et ses coréens jouant dans une sphère dépassant notre compréhension, quand l’utopie du foreigner réside dans l’espoir de prendre une map dans un bo3, ou encore cette finale PGS-NOA  Cs 1.6 rendant hystériques plusieurs milliers de personnes dans le public.

 

J’ai eu et je continue à avoir un sentiment partagé vis-à-vis de l’E-sport, misanthrope notable j’ai toujours apprécié le fait de rentrer dans ce micro-cosmos, oublier le reste et me confronter à des joueurs, m’exulter devant le niveau d’autres hardcore- gamers ; cependant, dans un souci de conformisme et dans le besoin de masquer ma vraie nature j’ai toujours ressenti  une profonde honte à ce qu’on m’assimile à ce milieu.

 

 

LA TRANSFORMATION DE L’ESPORT

 

 

La généralisation de l’accès à l’internet haut-débit, de l’acquisition de matériel informatique dernier cri dans les foyers et surtout la simplification des jeux en réseau par les éditeurs de jeux-vidéos ont ouvert l’E-sport au grand public, attirant ainsi les annonceurs, résultant en l’injection massive d’argent, en comparaison des financements d’auparavant, dans un milieu encore balbutiant.
Sus à l’élitisme exacerbé, place à l’ère des casuals, des noobs, ce grand public, vaste par sa quantité, piètre par sa qualité, attiré à grand renfort de fps à la manette, de micro-gestion d’ héros cartoonesques ultra sexualisés, et ne parlons pas de combat de tank nous frôlons déjà assez le ridicule.

 

Félicitation, l’Esport s’agrandit, s’étend dans les méandres de la médiocrité vidéo-ludique, fini la compétition des plus forts parmi les plus forts, bonjour la compétition des moins faibles parmi les faibles. Que dire du public, auparavant gamers regardant des gamers, maintenant branquignols regardant des guignols, mais ce que ce public recherche, ce n’est pas seulement  voir des ersatz de gamers, ce qu’ils veulent, c’est également des entertainers, ce qu’on appelle les commentateurs. Oui, cette masse de spectateurs amorphes aime à être réveiller par les cris et les analyses inintelligibles de nos chers commentateurs, surtout n’allons pas dans l’excès, pour garder en émoi les neurones bovines du public ne faisons pas dans la complexité, les « MOUALLEZ » ou autre « Ma caille, ça bourrine sec entre les deux joueurs » suffiront.

 

Qu’importe le niveau de jeu, composante primordiale de l’esport d’autrefois, seul  la fame et l’argent comptent dorénavant. Quel bonheur pour tous ces arrivistes, ces gens qui vivent dans le seul espoir d’être connu ou de toucher quelques euros, par n’importe quels moyens. Plus besoin d’être bon dans ce milieu pour avoir ses fans, il suffit de faire l’idiot, oui, le meilleur moyen d’attirer les gens à vous est qu’ils se reconnaissent en vous, en l’occurrence, pour un public imbécile, le meilleur moyen reste encore de faire l’imbécile, c’est par ce biais là que vous aurez le plus de monde. Des boblegob, zerator, anoss (qui pour le coup n’a pas besoin de faire le simplet) et pleins d’autres ont fait leur renommée en faisant les guignols, où est le public mature, le public passionné demandeur de contenu de qualité ? Probablement étouffé sous le poids des demeurés qui jadis abreuvaient leur besoin de pauvreté intellectuelle en regardant des émissions poubelles à la télévision.

 

 

LES DERIVES

 

 

L’E-sport d’aujourd’hui, c’est votre nombre de likes sur facebook, votre nombre de followers sur twitter, le nombre de viewers sur votre stream, et pour ça, tous les moyens sont bons, et être bon aux jeux-vidéos n’est qu’une gageure. Un joli visage et un décolleté ? Vous aurez autant de poids économique qu’un joueur jouant 8 heures par jour dans le but de percer sur le plan international. Être idiot et parler bruyamment ? La carrière de commentateur est ouverte à vous, avec probablement plus de succès en persévérant que le petit joueur timide et talentueux d’à côté.

 

Comment s’étonner alors de l’apparition d’arrivistes bien plus pernicieux, comment ne pas féliciter chaleureusement ces gens ayant eu autant de flair, avoir trouvé dans ce milieu chaotique où pas mal d’argent est en jeu leur nouveau secteur d’activité. Comment ne pas sourire face à ceux qui se proclament webtv numéro 1 en France en usant de procédés fallacieux pour augmenter leur nombre de vues. Comment ne pas apprécier l’ingéniosité permanente de nos entertainers phares trouvant toujours de nouveaux moyens pour se faire de l’argent grâce à leur fanbase. Voyons donc l’actualité des MMC d’il y a quelques mois et tout le flou qui les entoure aujourd’hui, pas faute d’avoir mis en garde des abus qui allaient être fait, on trouve encore des gens satisfaits par le résultat, considérant qu’il est à la hauteur des sommes versées, que de méprisantes naïvetés.

 

Nous y voilà donc, d’un milieu de parias, de marginaux, portant en leur cœur un amour irraisonné des jeux-vidéos où le beau jeu était élevé au rang de religion à un milieu de magouilleurs, menteurs et voleurs, où le coup-bas est la règle d’or, puisant dans la sottise et l’ignorance de la majorité qui peuple dorénavant ce secteur.

 

 

UNE FORME DE DEGOUT

 

 

J’ai envie de dire que vous n’avez que ce que vous méritez, mais de toute façon il semblerait que peu de gens se plaignent. Le modèle économique de l’E-sport se crée, qu’on pourra nommer « la traite des bovidés aveuglés par l’émergence de leur intérêt pour les jeux-vidéos », et au même moment la beauté de la compétition en prend un coup. Je rêve que tous ces acteurs forts de l’E-sport agissent en faveur de l’inversement de ce tropisme vers la médiocrité, aussi bien dans le gameplay de nos jeux en réseau  que dans le contenu qui se crée autour mais je doute que cela soit à l’agenda du jour.
Qui sait, peut-être verrons-nous un sursaut d’orgueil du public finalement lassé d’être considéré avec hypocrisie et fourberie ?

 

A titre personnel, j’alliais des sentiments de honte et de respect pour l’Esport, dorénavant c’est d’avantage du mépris et de la curiosité face à la lente dégradation de ce qui n’était autrefois que de la compétition de jeux-vidéos à haut niveau.

L’Esport avait pour vocation de devenir du sport, avec des disciplines demandant des qualités aux niveaux mécaniques et intellectuels, et c’est la compétition qui révélait les meilleurs joueurs dans ces domaines, maintenant, le simple divertissement a pris le pas sur l’idéologie sportive, on ne retrouve que des jeux simplifiés et des spectateurs ne demandant que du show débilisant.

 

Cet article s’adresse donc à tous les compétiteurs, dans ce milieu pour le plaisir du beau jeu, qui comme moi sont écœurés devant la tournure que prend l’Esport et dont le plus grand souhait réside dans le fait que l’on reparle d’Esport au travers de compétitions de haut-niveau et non de salles remplies à l’aide d’handicapés mentaux qu’on aura acheminés là par autobus depuis leurs centres spécialisés. Luttons ! Luttons pour un retour du beau jeu !

Aux regards de ma douce utopie et nostalgie, je vous salue, Eeel.

 

 

(@Eeelsc2 sur twitter !)