Les MOBA sont de plus en plus populaires, à tel point que toutes les grandes entreprises s'y mettent. De Valve avec Dota 2, à Blizzard et son Blizzard's DotA, les titres sont légion. Malgré cela, la communauté semble avoir fait son choix puisque nous sommes aujourd'hui plus de 32 millions à jouer à League of Legends, ce qui est en fait le roi des MOBA. Mais deux ans et demi après sa sortie, le bébé de Riot a beaucoup changé. Ce dossier, en plusieurs parties, sera donc consacré à son évolution.

 

 

Dans cette première partie, nous nous pencherons sur la naissance de Riot Games et sur le développement de son jeu : League of Legends.

 

Au commencement était DotA :

 

En 2003, un certain "Eul" publiait une carte multijoueur pour Warcraft III : Reign of Chaos nommée "Defense of the Ancients". Ce scénario oppose deux équipes de cinq joueurs basées dans deux camps opposés dans deux coins de la carte. Chaque camp est défendu par des tours et par des unités, appelées "creeps", qui gardent les routes, nommées "lanes", reliant les bases des deux équipes. L'équipe gagnante est celle qui détruit le camp adverse et son Ancient, bâtiment principal, en premier. Pour ce faire, chaque joueur choisit un héros parmi des dizaines disponibles. Chacun des héros à des caractéristiques différentes, la victoire dépend donc aussi bien du niveau des joueurs que de la synergie des héros sélectionnés.

 

"Eul" ne travaillera pas plus dessus et pourtant cette modification du jeu deviendra extrêmement populaire et de nouveaux contenus seront ajoutés par des fans : héros, objets, variantes de gameplay... La plupart des joueurs vont commencer à se regrouper autour d'une seule et même version : DotA Allstars, développé dès 2004 par Steeve "Guinsoo" Feak. Cette version inclut de nombreux héros originaux, le principe des recettes d'objets ainsi que Roshan, boss tuable uniquement en groupe et offrant un objet rare. La grande différence est que cette version tirera parti de l'addon Warcraft III : Frozen Thrones et que du contenu sera régulièrement ajouté, notamment des héros et des objets offrant aux joueurs de nouvelles possibilités à chaque mise à jour. Cependant, le fait qu'il s'agisse d'une modification pour Warcraft III et non un jeu à part entière pose problème : impossibilité de toucher au code original du jeu et surtout il est très compliqué de gérer les "leavers" ou les "feeders" par le réseau propriétaire de Blizzard : Battle.net. Les leavers sont les joueurs qui quittent une partie en cours, laissant leurs coéquipiers finir la partie en sous-nombre, et les feeders ceux qui s'amusent à offrir la vie de leur héros et donc de l'or à l'équipe adverse. Diverses solutions seront misent en place afin de différencier les bons joueurs des leavers ou feeders, mais il s'agit de solutions externes au jeu qui nécessite l'installation de programmes tiers comme Wc3Banlist.

 

 

DotA Allstars.

 

Une idée qui germe :

 

Pendant ce temps, en 2005, Marc Merrill et Brandon Beck sortent diplômés de l'Université de Californie du Sud qui est considérée comme l'une des meilleures des Etats-Unis. Les deux amis et colocataires d'un appartement à Los Angles sont passionnés par les jeux en ligne depuis le collège : "Nous avions deux bureaux côte à côte gavés de périphériques de gaming", raconte Brandon Beck en 2011. "Le top était les jeux online basés sur les batailles en équipes". Après de nombreuses discussions avec deux autres étudiants de l'université, les deux amis finissent par partager une vision du jeu vidéo : il ne faut pas vendre un jeu, mais proposer un service. C'est-à-dire qu'au lieu de vendre un jeu boîte dans une boutique traditionnelle et passer à un nouveau projet, Merrill et Beck veulent proposer aux joueurs un jeu dépendant des infrastructures propres du développeur (serveurs). Cela permettrait ainsi de garder le contrôle sur l'expérience des joueurs en proposant régulièrement des mises à jour et du contenu additionnel qui feraient en sorte de rendre le jeu infini. La différence avec un MMORPG ? Le jeu en question devra être gratuit, afin d'attirer le plus de joueurs possible, et ne sera pas basé sur un monde persistant. Bonne nouvelle, Merrill et Beck tous les deux fans de DotA comptent réutiliser le principe de ce jeu.

 

 

Brandon Beck et Marc Merrill (alias Tryndamere). Crédit : Riot Games.

 

La création de Riot Games :

 

Marc Merrill, Président actuel de Riot, raconte en Janvier 2009 que le projet League of Legends a commencé à naître fin 2005 lorsqu'une partie très active de la communauté DotA s'est mise à penser que le concept de cette map était "tellement fun et innovant qu'il représentait la naissance d'un nouveau genre qui méritait son propre jeu avec des fonctionnalités améliorées et des services plus nombreux." Un an plus tard, en septembre 2006, Merrill et Beck ouvrent leur premier bureau à Santa Monica en Californie et baptise leur entreprise Riot Games. Afin de mener à bien le développement de leur premier jeu, les deux compères, recrutent directement dans la communauté des développeurs de DotA en embauchant notamment Steve "Guinsoo" Feak, créateur de DotA Allstars dont le développement a été repris par IceFrog en 2005, et Steve "Pendragon" Mescon, fondateur du site référence DotA-Allstars.com. Le but est clair, créer un DotA-like tout en intégrant l'idée qu'ils s'étaient faite du jeu vidéo en ligne idéal. Le travail pouvait alors commencer...

 

 

Le siège de Riot en Californie fin 2009. Crédit : mmoculture.com.

 

Le développement :

 

Après son installation à Santa Monica, Riot Games commence à démarcher les investisseurs et obtient un million de dollars comme capital d'amorçage ce qui lui permet de commencer à travailler sur League of Legends. Pour cela, la firme américaine vise haut et recrute des anciens employés de Blizzard, dont Tom Caldwell ayant travaillé sur l'équilibrage de Warcraft III : Frozen Throne et en tant que designer sur World of Warcraft. L'équipe restera composée d'environ une quarantaine de personnes durant la phase de développement.

 

Entre 2007 et 2008, Riot se concentre sur l'élaboration de son jeu et communique peu. Toujours est-il que c'est durant cette période que des choix importants sont faits : le jeu sera basé sur le modèle du "freemium", l'essentiel du jeu est gratuit, mais des contenus payants vendus peu cher par Riot permettent d'améliorer l'expérience du joueur ; influence asiatique puisque c'est le système qui marche le mieux là-bas. Inspiré de la map de Warcraft III : DotA, League of Legends en prend les mécaniques tout en ajoutant son style, plus rapide et plus orienté sur les teamfights. Les sorts d'invocateur et les runes sont aussi un plus que LoL est seul à proposer. Ces idées originales permettent à LoL de s'écarter un peu de DotA et de son rival : Heroes of Newerth prévu pour 2010.

Riot tient également à ce que son jeu soit facile à apprendre, mais difficile à maîtriser, format idéal pour l'e-sport et ses revenus conséquents. A noter que les choix concernant les personnages sont faits par l'équipe entière afin d'être le plus créatif possible : seuls les personnages approuvés par l'équipe seront conservés.

 

Les choses se profilent bien et le 10 juin 2008, Riot Games reçoit un nouveau fond de sept millions de dollars de Benchmark Capital en tant que capital d'amorçage. Tout cela nous conduit à début 2009, le développement est bien avancé et Riot Games sort de sa grotte pour annoncer au monde du jeu vidéo l'arrivée prochaine de son bébé : League of Legends : Clash of Fate.

 

 

Le mur de développement fin 2009 sur lequel on peut déjà apercevoir Lee Sin. Crédit : mmoculture.com.

 

L'amorçage :

 

En Février 2009, League of Legends entre en phase alpha. Le travail d'équilibrage et de gros changements seront réalisés en sept semaines. Entre autres : certains personnages prendront leurs noms définitifs comme Ashe qui s'appelait auparavant Bowmaster, Alistar qui s'appelait simplement Minautor, Twisted Fate dont l'ancien nom était Cardmaster et Kayle, anciennement Judiciator. Concernant le gameplay, le deny, fait de pouvoir tuer ses propres sbires, est retiré dès la deuxième semaine de test. Certains objets sont supprimés comme l"Ancienne montre de poche" qui coutait 1500po et avait le même effet actif que le sort d'invocateur "Téléportation" en plus de donner 5 de vitesse de déplacement. Le "Sac de thé" vous permettait de rendre 400 points de vie et 200 points de mana à votre héros après avoir tué un champion ennemi et le "Zèle et Brillance" faisait se combiner les deux objets que nous connaissons avec un bonus. Enfin, le sort "Rappel" nécessitait l'utilisation d'une "Pilule Bleue" achetable uniquement dans la boutique de la base. Globalement, une vingtaine d'objet est retirée durant cette période, ils étaient très proches de certains objets de DotA.

 

Après cette période de test encourageante, Riot Games se met à la communication et choisit GOA, filiale de Orange, comme éditeur européen. Des membres de l'équipe donnent des interviews et se déplacent lors des événements consacrés aux jeux vidéos. Lors d'une interview datant du 24 février 2009, Marc Merrill annonce : "Nous avons bien avancé sur la version Alpha et sommes très proches de lancer la bêta. Nous avons hâte de laisser les joueurs essayer le jeu.". La firme américaine réalise son plus gros coup en Juin à l'E3 2009 de Los Angeles où League of Legends est élu meilleur jeu de stratégie du salon. Ils y ont présenté leur jeu dans une vidéo et ont laissé la presse tester une version bêta du jeu. Les retours presse sont bons mais certains joueurs critiquent le moteur graphique, la rigidité des animations et l'impossibilité de deny. Les animations paraissent effectivement plus rigides sur la première vidéo de gameplay sortie en Août 2009.

 

 

C'est tout pour cette première partie qui nous à mené du règne de DotA au développement de League of Legends. Dans la seconde partie de ce dossier : la bêta, la Twisted Treeline (forêt torturée), des changements de HUD et surtout, la mise en place de la saison 1 !