arw arbora un sourire hideux, porteur de sombres intentions – « Je t’emmène ramasser des pâquerettes ma douce…ou sucer leurs racines, je sais plus trop » et s’élança en poussant son cri de guerre « Dabouuuuuuuuuu !!! Saaaaaaang et triiiiipes !!!… ».

 

Alors que les premiers coups allaient être échangés, les deux combattants abaissèrent leurs armes, stoppés net dans leur attaque. La druidesse avait surgi entre eux à la vitesse du félin, résolument décidée à s’interposer et à empêcher un probable désastre.

 

Lessien, le regard triste mais ferme, se retourna vers Darwinfugu – « Non, je ne peux pas te laisser faire ça. Les choses ne doivent pas prendre cette tournure ».

Puis s’adressant à la paladine « Rangez votre arme, s’il vous plaît, et laissez moi vous expliquer ».

 

Après quelques instants de méfiance réciproque, les deux duellistes firent disparaître leurs armes. Darw s’éloigna quelque peu du groupe, les oreilles en arrière, aux aguets du moindre mouvement. Malgré la blondeur de sa chevelure, la paladine de Tyr évalua assez justement la situation. De bonne grâce, elle écouta Lessien lui apprendre qu’ils étaient tous deux des agents du S.I-7 en mission. Par conséquent, ils bénéficiaient d’une protection juridique et devaient être traités comme des membres officiant pour le gouvernement d’Hurlevent. Pour appuyer ses dires, Lessien présenta sa carte officielle et se porta garante pour le sieur Darwinfugu.

Tout semblait en ordre.

 

Se massant énergiquement la caboche pour en chasser douleur et bourdonnements, le paladin nain revenu depuis peu de sa stupeur, n’en crut pas ses oreilles qu’il avait courtes, sales et poilues.

 

Haitar – « Lui un agent du S.I-7 ?!? Vous vous foutez de ma goule ? Euj’ l’ai vu traîner dans les rades les pûû krrades d’Austrivage. Po possible ! Nous a même foutu des coups de pieds au cul parke kon a eu eul’ malheur d’lui d’mander une [Bière de Sombrelune]…

 

Darw – « Ah, c’était donc vous…Dans ce cas, dérober serait plus juste… » rectifia le voleur.

 

Haitar grommela en nain dans sa barbe, visiblement énervé et outré de l’issue que prenait cette rencontre : – « En tauleuu, tu f’rrras moins ‘eul mariole, ‘spèce de conno des montagnes d’engeance dégénérée de trogg lépreux et boursouflé d’elfe eud merde…».

 

Darw – « Pov nazgul en tong…vais t’en foutre moi, ouais…un coup à te déchausser les dents et te péter la mâchoire. Tu pisseras tellement le raisiné par la gueule qu’on croira qu’t’es une fontaine à picrate…Saccarot de palouf !… ».

Pour ponctuer cette superbe tirade, le Darw tira du plus profond de ses entrailles, un immonde glaviot, qu’il cracha aux pieds du paladin.

 

Argantael, éberluée, coupa court à une nouvelle dispute s’annonçant à l’horizon – « Très bien en votre qualité d’agent en service, nous ne pouvons rien faire actuellement contre vous ». Se tournant vers Lessien, elle poursuivit : « Cependant, les actes inqualifiables dont nous avons été témoins de la part de l’agent « la Chopine » ne peuvent rester impunis. Cela ne pourrait être ! Voici donc ce que je vous propose :

 

Nous vous accompagnerons jusqu’à votre destination afin de surveiller les agissements du sieur Darwinfugu.

(pendant ce temps dans la tête d’Argantael : « parce qu’on a rien d’autre à foutre de toute façon »).


Nous nous joindrons à vous pour parcourir les sombres tunnels de la Montagne Noire afin que la lumière divine puisse repousser le mal séculaire qui y demeure.

(«  et que les coffres des orcs, des nains et des dragons viennent nous remplir les poches de pognon »).


Une fois votre mission terminée, l’agent « la Chopine » devra se mettre à notre disposition pour être jugé équitablement sous le chef d’inculpation suivant : « Agression envers la personne de fonctionnaires assermentés et sacrés. »

(« et parce que j’aime pas ta tronche de nèfle »).

 

Lessien – « Bien. Qu’il en soit ainsi. »

 

Darw, à part lui – « Tu peux toujours te brosser la couenne, la suceuse d’hosties…on verra tantôt si tu peux me foutre le grappin dessus, poufiasse… »

 

Argantael, dressant l’oreille – « Comment ? »

 

Darw – « J’crois pas qu’on m’laisse le choix. Il en sera donc fait selon vos désirs, votrrrre magnificience ».

 

La paladine ne releva pas, déjà occupée à remonter à cheval. Quelques instants plus tard, tous reprirent la route, les uns sur leurs chevaux, les autres en se servant de deux énormes appendices plus communément appelés des « panards ». Très pratique pour les longues randonnées.

 

Le voyage fut ponctué de quelques insultes volant de çi, de là entre Haitar et Darw…Ils avaient une réputation à tenir. Les nains n’aimaient pas les elfes, les elfes n’aimaient pas les nains. Et ce, depuis la nuit des temps. C’était la tradition. Certaines étaient belles et bonnes, remémorant la grandeur des temps anciens ; d’autres particulièrement bêtes et connes comme celle que nous venons de mentionner. Mais on les gardait parce que soi-disant : « C’est la tradition…».

Quoi qu’il en soit, cela mit un peu d’animation pendant le voyage surtout lorsqu’ils traversèrent les mornes territoires volcaniques et quasi désertiques des Steppes Ardentes.

 

Les dissensions reprirent bien sûr, notamment quand notre petit groupe croisa la route d’un colporteur au teint rubicond pour ne pas dire rougeaud. Si son nez avait été un légume, il aurait été assurément un superbe chou-fleur dopé au lisier de porc. Lorsque celui-ci, ayant vite fait de jauger la clientèle à qui il avait à faire, leur proposa quelques bonbonnes de [Gnôle qui rend aveugle], Darw et Haitar s’y jetèrent dessus sans crier gare. Des coups bas, des insultes fleuries, des casseroles, des tomates et des bouts de gomme volèrent. Mais elles firent bientôt place à une douce hébétude car les deux zigues avaient un peu trop forcé sur la bibine. Le colporteur n’avait pas menti…cette eau de vie était forte, trop forte.

 

Paladin comme voleur furent sous le coup d’une cécité temporaire qui marqua le dégel des relations et le début de papotages incessants entre druidesse et paladine. Tout y passa : de la nouvelle mode de la guêpière à Hurlevent, au tricot de surcot en mailles croisées pour finir sur le dernier concours de rots à la taverne des Tonnebière de Kharanos. Des trucs de gentes damoiselles comme il faut. Elles avaient enfin la paix et comptaient bien en profiter pour tailler la bavette. Pour la première fois, un calme royal entre les deux mâles du groupe s’était établi du fait de l’arrêt de leurs chamailleries de gnoll prépubère. Mais plus important, fini de jouer à celui qui a la plus grande…Je parle ici, bien entendu… d’intelligence. Puisque comme nous l’avons vu plus haut…les deux protagonistes ont un langage châtié et de la plus haute tenue.

Si bien qu’à force d’avoir tous les deux, les yeux rougis et larmoyants, brûlant de milles chardons ardents, soumis à la « torture » d’une conversation féminine, ils se sentirent unis dans une même galère (enfin un peu,…faut pas déconner non plus, ça reste un nain, l’ôt zouave !).

 

Leur progression fut lente et leur repas frugal basé essentiellement sur les restes d’araignées de lave qu’ils chassaient en progressant : [Gratin d’intestins d’arachnide], [Soupe de fiel à la lave et ses mouillettes de pattes croustillantes], [Yeux d’araignée sur son lit de Fleur de feu], bref des trucs pas franchement folichons pour les estomacs délicats. Des jours, quelques semaines même passèrent…des collines, des monticules mais rien ressemblant de près ou de loin à une véritable montagne.

 

Ce jour cependant arriva. Ils avaient presque recouvré la vue lorsque dans le lointain se découpèrent les premiers sombres contreforts du massif rocheux entourant le pic de la Montagne Noire. Ils progressèrent et débouchèrent au niveau d’une voie pavée d’un métal couleur d’obsidienne semblant absorber toute lumière. Un métal que seuls d’antiques forgerons nains savaient travailler et dont le secret avait été perdu depuis des temps immémoriaux.

Enfin, ils foulaient du pied le berceau des nains Sombrefer. Les deux paladins mirent pied à terre et rendirent grâce à la lumière, la druidesse à la déesse elfe Elune, le rogue à ses pieds qui l’avaient supportés jusque-là.

Ensemble, ils levèrent les yeux au ciel…

 

Deux visages monumentaux de nain Sombrefer  les toisaient de toute leur hauteur. Les gigantesques portes de la Montagne Noire s’ouvraient devant eux…

 

 

A la s'maine prochaine pour le chapitre 5 de ces aventures alambiquées !