Pomf&Thud, une chance pour l’eSport ?


 « Salut à tous, c’est Pomf et Thud »

L’article était quasiment prêt depuis quelques jours, mais la proximité de l’événement d’hier soir, O’Gaming 2, m’a donné envie de patienter un peu et de le modifier. N’étant pas un fan de P&T à la base, je trouve leur percée au sein du trop immobile monde du sport électronique impressionnante, me demandant même aujourd’hui si P&T n’est pas une aubaine pour l’eSport.


Un projet dans la longue durée



 
C’est la base, mais dans le petit monde du sport électronique, c’est déjà quelque chose de très rare, P&T dure dans le temps ! Alors que la plupart des « projets », car c’est le mot qui est employé à tort et à travers, durent quelques semaines tout au plus, Pomf et Thud ont publié presque 400 vidéos, entre interviews, tutos et bien sûr parties commentées.

 P&T, une approche particulière du shoutcasting SC2


Pomf et Thud sont désormais bien ancrés dans le petit univers du shoutcasting, et que l’on aime ou que l’on déteste, ils sont aujourd’hui les numéros 1 dans le domaine. Non, ce ne sont peut-être pas les meilleurs analystes de Starcraft II, mais il est aujourd’hui désolant de voir le nombre de critiques à leur encontre, eux qui ont décidé de faire du commentaire « généraliste » pour toucher une cible plus importante. Cependant, ils ont un petit quelque chose que nombre de shoutcasters n’ont pas sur le net. Un mak0z par exemple, très brillant dans ses analyses et ses explications sur tous les moves d’une partie n’est que très peu intéressant à écouter dans ses diverses VOD, la faute à une voix monocorde et au peu de rythme donné à ses explications. Car oui, là où P&T plaisent, c’est dans l’occupation de cet « espace son », cette complémentarité entre les deux m8s qui rend leurs VODs rythmées. Est-ce intéressant de s’exciter pour un Nydus ? Peut-être, peut-être pas, mais les envolées de P&T lors des Nydus ou lors du GG final est devenue, en plus d’un moyen de rythmer les vidéos, leur signature !Mon but ici n’est pas de prendre parti pour tel ou tel shoutcaster ou webTV sur Internet (je n’ai absolument rien contre mak0z par exemple, dont j’apprécie les vidéos), mais simplement de comprendre ce qui fait que P&T a aujourd’hui acquis une audience qui est bien supérieure à tout ce qui se fait ailleurs. Il ne faut pas oublier que SC2 est aujourd’hui LE jeu phare du sport électronique, et donc que la communauté qui suit le jeu, de près ou de loin, est très hétérogène en terme de niveau ; et faire du commentaire généraliste est certainement le meilleur moyen de toucher le maximum de gens. Pour ceux qui se contentent de simples critiques sur les commentaires de P&T, réclamant plus d’analyse et de profondeur, je leur donnerai l’exemple du fastfps : quand on veut faire de l’élitiste, on se coupe d’une partie de la communauté, toujours plus importante… (cela fera l’objet d’un prochain article, intitulé « L’élitisme, paradoxe eSportif ? »)


O’GAMING 2, l’essai transformé



Amateurs ou pas, P&T ont réalisé hier soir une grande première (sans oublier O’Gaming première édition, mais c’était là une autre échelle) qui est une incontestable réussite, à en croire les commentaires qui ont été laissés un peu partout sur Internet depuis hier soir. Alors certes, tout n’était pas parfait, on a senti parfois un peu de « freestyle » dans l’organisation, avec un Thud un petit peu perdu et en retrait par rapport à Pomf, quelques soucis de son sur le stream, et deux trois autres bricoles, mais quasiment rien en comparaison du plaisir qu’a apporté cette soirée à ceux qui l’ont suivi, que ce soit pour les 1500 chanceux du Bataclan, ou pour les quelques milliers de personnes qui étaient sur le stream.

Il faut revenir sur le choix de cette salle, qui est d’après moi quelque chose d’important, et de symbolique. Pour la première fois, si l’on excepte bien sûr l’ESWC au Louvre en 2005, un événement eSportif est associé à un haut lieu du spectacle parisien et français, ce qui renforce au fond la crédibilité du sport électronique (et il y en a bien besoin) qui se veut être un « sport-spectacle » dans un futur plus ou moins proche.

Les joueurs qui ont pu venir participer à cet O’Gaming étaient très bons, d’une part sur SF4 et KOF13 où il semble qu’il faille remercier la structure de Ken Bogard et de Frionel, ainsi que sur SC2 avec Thorzain et HasuObs, rameutés en France sur une initiative de Razer, sponsor commun à P&T et mousesports. Du très bon travail !

Ce qui était marquant au cours de la soirée, c’était surtout l’ambiance ! The best audience i’ve ever seen disait HasuObs après sa partie gagnée contre SarenS, pourtant la langue de bois ne semble pas de mise dans le sport électronique chez les joueurs. Effectivement, il y avait un petit grain de folie dans ce public, surchauffé par un Pomf complètement à fond dans un rôle de dynamiseur/dynamiteur. C’était une ambiance de plateau TV made in KeSPA, en version +. Enfin, comment terminer de parler de cet événement sans parler de celui qui se transforme au fil des semaines de joueur atypique de la scène Fr à celle de mascotte, à savoir MoMaN. Relativement à l’aise dans son rôle de technicien de surface dans le trailer de l’événement, il a mis le feu hier soir dans son arrivée sur scène, puis dans son BO3 remporté face à Thorzain.


L’affirmation d’une « identité culturelle », celle du gamer



Pour une fois dans ce genre d’événement avec des matchs en LAN, bien loin des Finales EPS, il n’y avait pas d’opposition faite entre les jeux. En règle générale dans ces événements, CSeurs et CSSeurs se crachent dessus, pendant que les Quakeurs ch*ent sur la face des CS(S)eurs et que les joueurs de RTS se contentent de jouer (ouais…ils n’y a pas de concurrence sur les RTS^^), globalement, telle est la cohabitation entre les différentes communautés. Mais hier soir, on a senti tout simplement un public « gamer » venu se réunir pour partager des bières et du jeu vidéo. La réussite de cette association bar+jeu vidéo n’est pas due au hasard, pas besoin de rappeler les recherches qui ont été menées depuis des décennies sur « l’aspect socialisant » du bar et de « l’environnement-bar », donc l’associer à un groupe de personnes qui partage une même passion, c’était une réussite quasi-assurée. Plutôt pas mal pour des gamers, toujours dépeints comme des ermites associals non ?

Si j’ai parlé dans le sous-titre de cette partie d’une identité culturelle qui est celle du gamer, ce n’est pas un hasard. Dans une sorte d’imaginaire collectif, les gens qui jouent aux jeux vidéos sont catalogués « geeks », mais sont-ils vraiment des geeks, cette catégorie d’individus qui sont gentiment caricaturés dans les articles de copinedegeek.com ? Je ne pense pas. Il y a me semble-t-il aujourd’hui une dissociation à faire entre les geeks et les gamers. Il y a bien des similitudes entre ces deux catégories (de l’attirance vers l’informatique à IRC), mais aussi des différences essentielles (Où sont les gamers sous Linux ?^^). Bref, je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet qui sera là-encore le sujet d’un article déjà en cours de préparation (« Le gamer, geek 2.0 ? »).

Hier soir, il y avait une foule de gamers, habillés pour certains avec des fringues de gamers (dont, pour certains, des tshirts aux couleurs de leurs équipes, et ce même si c’est pour des équipes inconnues), de la musique qui parle aux gamers, etc… Mention spéciale d’ailleurs à Mr Vert qui à en l’espace de quelques chansons complètement été adopté par le public !
Et comme un symbole, l’une des surprises de la soirée était Kyan Khojandi, alias « Bref » himself, lui qui dans l’épisode « Bref, j’ai traîné sur Internet » dépeint avec humour une génération de jeunes actuelle, vivant avec Internet, autour d’un axe « Facebook / Youporn / Jeux Vidéos », thèmes repris d’ailleurs dans la chanson de Mr Vert, « Geek mon gars ». Comme quoi, parfois, la caricature n’est pas si éloignée que ça de la réalité.

-P&T et l’eSport ?


En guise de conclusion revenons donc à la question initiale : « Pomf et Thud, une chance pour l’eSport ? »
Clairement, la personnalité et le travail réalisé depuis plus d’un an par les deux frangins les a d’ores et déjà propulsés comme incontournables au sein de l’eSport français. Il faut rappeler, pour tous ceux qui veulent (comme moi, je dois l’avouer) voir un jour l’eSport reconnu comme un vrai sport, qu’il y a dans le développement d’un sport trois grandes phases successives : démocratisation, développement et professionnalisation. Or, n’oublions pas que pour le sport électronique, on ne peut toujours pas parler d’une vraie démocratisation de la discipline, trop de gens assimilant encore ceci avec le jeu vidéo et ses dérives « Delaruesques ».

Mais Pomf et Thud avec leurs vidéos touchent un public bien plus large que les communautés eSport habituelles : on en parle partout, depuis les forums de JeuxVideos.com à Youtube. En servant de lien entre joueurs pros et grand public, ils balayent toute la « sphère » des gens qui s’intéressent aux jeux vidéos, ce qui me semble en soi très important, et novateur. De plus, créer de toute pièce un spectacle, « par les joueurs, avec des joueurs, pour les joueurs » dans un lieu comme le Bataclan peut permettre de montrer aux gens qui sont en dehors de cette fameuse sphère que le jeu vidéo s’ouvre à tout le monde, et que ce n’est pas qu’une histoire d’ados. Et c’est pour cette raison que j’encourage P&T, si jamais ils lisent cet article, à renouveler ce type d’événement, en envoyant des invitations à divers médias d’information. C’est par ce type de manœuvres que l’eSport pourra éventuellement un jour avoir une vraie reconnaissance extérieure, et rien que pour ça, il faut je pense soutenir P&T.
 
Bref, ils ont fait le Bataclan, et c’est le GG, un gros GG ! :)