Comme lors du dernier blog, le texte qui suit n\'a pas pour vocation de convaincre qui que ce soit, ni de distribuer les bons et les mauvais points. Il n\'est qu\'une démarche de partage d\'une réflexion qui n\'a pour l\'instant aboutit à aucune certitude.

Si vous avez lu l\'édition 2 de « l\'envers du décor », vous êtes déjà sensibilisés à plusieurs problématiques que l\'on va lister ici sans être exhaustif :

- Quel est la place du joueur dans le développement d\'une écurie esportive ?

- Le rôle du staff « manageant » (joli barbarisme) est il toujours de pousser ces jeunes vers plus de temps de jeu pour plus de résultats ?

- La considération d\'une structure pour son joueur se mesure-t-elle auvolume de petits billets passés discrètement sous la table en gage d\'indemnisation ?

- Les progamers existent-ils vraiment ?

Assis autour d\'une table à 5 ou 6, nul doute que l\'on pourrait couvrir des pages entières des questionnements que suscite le « développement de l\'eSport ». Il n\'est d\'ailleurs pas hors sujet de se demander si le véritable gros problème de ce milieu, c\'est qu\'il est assez rare que des gens s\'assoient autour d\'une table pour y réfléchir (quand cela arrive, c\'est beaucoup plus souvent pour parler « business » qu\' « humain »).

L\'un des sujets qui anime le plus souvent l\'actualité est la relation entre le joueur et sa structure. Recrutements, exclusions, départs, négociations, autant de petits événements qui font les choux gras des e-journaux eSportifs. C\'est assez nouveau en France mais plus vraiment dans d\'autres pays : la tendance est à la contractualisation de la relation joueur/structure.

S\'ils prennent pourtant des formes diverses, on peut en gros identifier deux types de contrats :

- Le contrat de travail

- Le contrat de sponsoring

Le contrat de travail, de loin le moins en vogue. Il poserait certainement les bases des relations les plus saines (puisque réglementées) entre la structure et le joueur. Cependant, ce contrat a un pré-requis et non des moindres : son cout. Il y a fort a parier qu\'il sera la règle lorsque le milieu sera mature, mais en attendant les structures ne sont pas légions à pouvoir se l\'offrir.

Le choix des équipes (car on imagine mal le joueur « imposer » ce contrat à sa structure) se porte donc régulièrement sur le contrat de sponsoring. Sorte de solution miracle à l\'instabilité, les écuries en tout genre s\'enorgueillissent du grand pas en avant que symbolise ce bout de papier. On fait « comme dans le vrai sport », le joueur devient homme-sandwich; il porte haut l\'étendard de sa structure-sponsor.

Ces contrats de sponsoring posent pourtant quelques problèmes moraux de taille (aaaaah, la morale !). L\'actualité proche a prouvé qu\'une structure voulant se séparer d\'un joueur contractualisé n\'est pas très embêtée pour le faire, par contre un joueur voulant partir doit souvent faire racheter son contrat. Ce seul point pourrait suffire à générer quelques discussions visant à négocier ces termes unilatéraux. Mais l\'un des gros avantages de l\'eSport, c\'est que les joueurs sont jeunes, inexpérimentés, malléables et influençables : du pain béni pour un staff mal intentionné sous des airs débonnaires.

Ils pensent être obligé de signer, car pensent être en position de faiblesse. Pourtant n\'importe quel contrat peut être négocié, si le joueur s\'engage il n\'y aucune raison que l\'engagement soit unilatéral. Il paraitrait normal que la structure s\'engage à un nombre minimum de déplacements, à une indemnisation du joueur en cas de non respect d\'un close ou d\'exclusion du joueur.

Le contrat de travail sera un progrès pour l\'eSport, c\'est une certitude. 

Le contrat de sponsoring, dans son usage actuel, n\'en est probablement pas un.

Il n\'est qu\'un palliatif douteux, proposé par des structures anxieuses et inquiètes pour leur investissement financier. Il est un signe de faiblesse de projet, de faiblesse de réflexion et de faiblesse de pédagogie envers les joueurs. Le manque de confiance en sa valeur et sa capacité à tenir ses engagements amène l\'envie de sécuriser ses relations. Mais il y a peut être plus inquiétant.

Quand un club intègre un nouveau joueur, on dit qu\'il le recrute (terme qui pourrait d\'ailleurs être également utilisé pour un contrat de travail). Le joueur devient partie intégrante de l\'équipe, il est « dans » la structure et profite de ses soins, de ses moyens, dans le but de faire progresser l\'image et la (les?) valeur(s) de ses nouvelles couleurs.

Il va pourtant falloir revoir les terminologies usitées. Lorsqu\'un skieur est sponsorisé par Rossignol, on ne dit certainement pas qu\'il est « recruté par Rossignol ». Lorsqu\'une structure fait signer un contrat de sponsoring, la relation d\'intégration n\'existe pas. La structure devient « trademark », le joueur un panneau publicitaire. Il reste extérieur à la structure et n\'est pas intégré aux objectifs du projet : il devient un simple « moyen ».

L\'épanouissement du joueur ou son développement n\'est donc plus au cœur du projet. La structure devient  une espèce d\'entité déviante et focalisée sur ses intérêts, sa survie, son profit (au profit de qui ? Bonne question, il y a toujours un humain qui profite au bout de la chaine).

Le joueur devient un outil à peine plus important qu\'un site internet ou une campagne publicitaire. Il ne retirera aucun bénéfice du développement de son sponsor puisqu\'il en est extérieur, s\'il est gentil, peut être aura-t-il le droit de ramasser les miettes sur le tapis.

Inutile de vous dire que malgré ses défauts, le contrat de sponsoring se développe à grande vitesse. Faute de mieux ? Peut être. Parce qu\'il arrange bien les structures ? Voyons, ne soyez si suspicieux.

Trêve de rhétorique, passons aux quart d\'heure amusant. Vous connaissez tous les émissions du genre de l\'ile de la tentation. Il y a une poignée d\'année, les candidats de ces émissions ont attaqué en justice les productions de ces émissions pour demander une requalification de leur statut de candidat en statut de salarié.

La justice (française) a donné raison au attaquants. Les candidats « travaillaient » bien pour l\'émission, et voici l\'extrait justifiant cette décision :

Elle a jugé : \"...qu\'ayant constaté que les participants avaient l\'obligation de prendre part aux différentes activités et réunions, qu\'ils devaient suivre les règles du programme définies unilatéralement par le producteur, qu\'ils étaient orientés dans l\'analyse de leur conduite, que certaines scènes étaient répétées pour valoriser desmoments essentiels, que les heures de réveil et de sommeil étaient fixées par la production, que le règlement leur imposait une disponibilité permanente, avec interdiction de sortir du site et de communiquer avec l\'extérieur, et stipulait que toute infraction aux obligations contractuelles pourrait être sanctionnée par le renvoi, la cour d\'appel, qui, répondant aux conclusions, a caractérisé l\'existence d\'une prestation de travail exécutée sous la subordination de la société G..., et ayant pour objet la production d\'une \" série télévisée \", prestation consistant pour les participants, pendant un temps et dans un lieu sans rapport avec le déroulement habituel de leur vie personnelle, à prendre part à des activités imposées et à exprimer des réactions attendues, ce qui la distingue du seul enregistrement de leur vie quotidienne, et qui a souverainement retenu que le versement de la somme de 1 525 euros avait pour cause le travail exécuté, a pu en déduire, ...que les participants étaient liés par un contrat de travail à la société de production...\"

Rien à voir avec les contrats de l\'eSport ? Peut être. 

Cependant, on sait désormais que l\'on peut appeler « travail » le fait de siroter du punch sur une ile paradisiaque en compagnie de babes peu farouches.

Il serait amusant d\'avoir quelques-uns de ces contrats de sponsoring en main, pour savoir si un juriste zélé ne pourrait pas requalifier la somme des obligations du joueur en travail dissimulé.