Laure Valée dite "Bulii" s'est arrêtée au micro de The Shotcaller pour parler de son parcours, de ses objectifs et de son expérience avec Riot Games. Elle qui a vécu de l'intérieur la transition des LCS EU au LEC a également livré quelques informations sur les projets en cours et le cap pris par la ligue européenne. La rédaction vous propose de découvrir son interview : 

 

Si on revient sur ta trajectoire, je t’avais interviewée l’année dernière après la première semaine du Spring Split 2018, alors que tu venais de rejoindre l’équipe. Maintenant que la ligue est devenue le LEC, que tu t’es installée comme l’intervieweuse principale d’après-game, tu te sens comme à la maison ?

C’est mieux, mais comme tu le sais, ce n’est pas toujours facile, puisque je ne vis pas à Berlin mais à Paris. Je dois faire des allers-retours chaque semaine, j’arrive le jeudi et je repars le dimanche. L’équipe fait de son mieux pour me faire me sentir comme chez-moi, ils sont exceptionnels, mais ça demande un peu de temps parce que je suis timide. Mais il y a du progrès, je suis plus confiante et je pense que ça se voit. D'une manière générale, j’aime l’équipe et le LEC.

 

J’ai aussi vu que tu t'es rapprochée des joueurs, tu fais des trucs avec eux sur Instagram, des stories, tu parles avec Rekkles après les parties…

Oui, c’est quelque chose que je veux développer ! Tu sais comment sont les interviews d’après-match, les joueurs ne se livrent pas trop. Ce que j’ai fait avec Rekkles, comme lui demander des conseils pour la botlane, je veux le faire avec tous les joueurs. Par exemple sur un nouveau patch, si Rek’Sai devient totalement OP dans la jungle, peut-être que je ramènerai Kold pour lui demander le meilleur build ou des conseils. Les gens ont aimé avec Rekkles donc je vais continuer.

 

Ça aide quand c’est Rekkles !

Oui, ça aide notamment pour l’atteindre parce que j’ai une bonne relation avec l’organisation Fnatic. Comme je suis là depuis un an et que je connais mieux les joueurs, ils me font plus confiance et me donnent plus d’interviews.

 

Sur tous les sujets ?

C’est difficile, à chaque fois que tu poses une question sur le jeu, ils ne veulent pas répondre à cause des adversaires et des enjeux… Il faut en général se concentrer sur l’histoire narrative. J’aime beaucoup les interviews d’après-match mais faire des interviews comme toi me manque ! Le cadre est beaucoup plus détendu et les joueurs ont eu le temps de décompresser après la partie. Je pense qu’un cadre où on est assis, 30 minutes après le match, est meilleur. On verra si je peux développer plus de contenu dans ce sens et je sais que Riot me soutient dans mes initiatives. Par exemple, il y a deux semaines, j’ai montré des replays parce que c’est ce que je fais en France pour pousser la dimension analytique, et Riot a apprécié cette partie.

 

C’est vrai que beaucoup de commentaires sur Internet ont souligné que le LEC a bien réussi à développer son côté divertissement, mais que du côté analyse, il en manquait un peu… C’est peut-être une opportunité parfaite pour toi.

Je vais essayer et j’ai des personnes incroyables pour m’aider. Froskurinn, qui est là cette année, voudrait que j’en fasse plus de ce côté et elle m’aide, Deficio n’est plus là mais il continue de m’aider. J’ai aussi une bonne relation avec PapaSmithy… Toutes ces personnes reconnaissent le fait que je puisse parler du jeu, c’est vraiment soulageant.

 

Est-ce que tu as d’autres buts personnels dans ton travail ?

La stabilité. Cette année a été dure pour moi sur le plan personnel. Pour être honnête, la haine sur les réseaux sociaux n’a pas aidé. J’avais des problèmes l’année passée, je ne pouvais pas dormir les jours d’émission, j’ai dû consulter un psy parce qu’il y avait trop de choses dans ma tête. Mais maintenant, j’arrive enfin au point où je n’y fais plus trop attention, parce que je sais que ça affecte ma performance sur scène. C’est mon but cette année, ne pas faire attention au négatif et me concentrer sur le positif. Un interviewer sera meilleur s’il se sent à l’aise. Aujourd’hui, c’est ce dont j’ai besoin.

 

Oui, je peux confirmer d’expérience personnelle que c’est important de se sentir à l’aise. Il y a des interviews où tu te dis « sortez-moi de là ! »

Notre but, c’est de montrer le meilleur des joueurs, notre performance ne vient qu’ensuite. Parfois, ils ne te donnent pas grand-chose et tu te dis : « Je fais ça pour toi ! Aide-moi ! ». Ça peut prendre un peu de temps, mais une fois qu’ils te font confiance, c’est plus facile.

 

Laure Valée sur le plateau du LEC / Crédits photo Riot Games

 

Si tu dois faire une rétrospective de l’année dernière, es-tu satisfaite de ta première année sur la grande scène ?

Pas du tout, je dois être honnête. J’ai regardé récemment les VODs de mes premières semaines et je me suis demandé comment ils avaient pu me laisser monter sur scène comme ça. Je ne dis pas ça parce que je me considère comme parfaite aujourd’hui, ce n’est pas le cas, mais je suis consciente des progrès que j’ai faits. L’année dernière, je n’étais pas prête. Dieu merci, ils m’ont fait confiance et je me suis améliorée depuis. Mais je ne suis vraiment pas satisfaite de mon année précédente.

 

Je crois que c’est Richard Branson, le CEO de Virgin, qui disait que lorsque la vie te présente une opportunité pour laquelle tu n’es pas prête, il faut quand même la prendre et la faire marcher comme tu peux.

Oui, c’est la devise qui m’a portée jusqu’ici. En 2015, Zaboutine, devenu aujourd’hui l’entraîneur principal d’OpTic, était un caster en France. Pendant l’été, ils n’avaient plus assez de casters et il venu me chercher pour que je le fasse… J’étais terrifiée. Mais je voulais travailler dans l’esport et c’était peut-être ma seule chance d’entrer dans l’industrie. C’est ce qui m'a permis d’aller aussi loin. C’était une expérience horrible, je suis une casteuse terrible, mais je suis heureuse de l’avoir fait.

 

Pour parler de l’équipe de production, est-ce que tu trouves que le LEC a fait l’effort de ne pas seulement développer l’identité des joueurs mais aussi celle des casters, des analystes et des interviewers ?

Oui, totalement ! Comme certains le savent, je suis en free-lance et je ne suis pas une « rioteuse ». Le type de contrat est différent mais ils me traitent comme ils traiteraient n’importe qui. Ils essayent de nous mettre en avant sur les réseaux sociaux, de développer notre image. J’ai eu des discussions avec Trevor qui m’a conseillé. Le LEC est un engagement sur le long terme avec les équipes mais je pense que c’est aussi peut-être un engagement sur le long terme avec les bons éléments. Comme Sjokz est devenue free-lance et que Deficio est parti, je dirais qu’ils essayent vraiment d’apporter du liant autour de l’équipe.

 

Est-ce que tu penses que pour les parties avec le desk, il devrait y avoir plus d’analyse, de highlights sur les parties ?

Je pense qu’on en fait assez. Il y a ce meme sur Internet qui dit que l’Europe, c’est seulement du fun et pas de l'analyse. Mais je ne suis pas d’accord. On a des passages uniques d’analyses, comme le Telestrator ou celui que j’essaye de développer. Après, un truc que j’aimerais bien ajouter, ça serait d’interviewer les perdants… Je défends ça depuis longtemps et c’est enfin dans l’air. On essaye de ressembler au sport et pourrais-tu imaginer une équipe de football perdre et ne pas se rendre en zone mixte ? Je ne sais pas pourquoi on ne le fait pas dans l’esport et je pense qu’on devrait le faire. C’est intéressant d’avoir la perspective des joueurs quand ils gagnent, mais je pense qu’avoir leur opinion quand ils perdent serait encore plus riche ! Je pense que l’organisation ou les équipes pourraient former leurs joueurs à répondre aussi après une défaite, parce que pour l’instant, ce n’est pas le cas. Ça révèlerait un autre côté des joueurs et c’est ce que le public veut : en savoir plus, se sentir plus proche…

 

C’est vrai que si on interroge une équipe qui a gagné très proprement, elle peut juste répondre qu’elle a appliqué son plan de jeu et fin de l’histoire… Mais l’équipe adverse avait aussi un plan de jeu !

Je pense que les joueurs ne sont pas formés à répondre dans ces circonstances. Ils sont très jeunes et émotionnels. Je comprends pourquoi les structures veulent les protéger. Mais lles auront une meilleure image s’ils sont capables de répondre dans ces situations.

 

Ou on pourrait au moins avoir les coaches… Je suis sûr que Yamato serait partant ! Mais c’est peut-être une exception…

Comme les joueurs ne sont pas prêts, je pense que les coaches prendront leur partie. Yamato parle super bien et sait faire de bons discours, il pourrait même leur apprendre comment faire ! Si les joueurs font confiance à l’interviewer, il n’y a aucun problème. J’espère donc qu’on pourra en avoir bientôt cette année.