Fabien Allègre n'est pas tendre à l'égard de Riot Games et l'écosystème sur League of Legends.

 

Fabien Allègre, responsable et coordinateur du PSG eSports, a répondu à quelques questions du magazine d'actualité hebdomadaire français, Le Point. Il revient sur l'année 2017 et sur les débuts de la structure sur League of Legends et parle des projets pour 2018. En voici un extrait :

 

Quel est votre bilan de l'année 2017 ?

Nous avons beaucoup appris. Vous savez, cette discipline est en perpétuel mouvement. Les évolutions se font entre les joueurs, la communauté et les éditeurs des jeux. Nous devons donc nous adapter à chaque fois. En termes de résultats, nous n'avons pas à nous plaindre. Notre représentant Lucas « DaXe » Cuillerier a été champion du monde sur Fifa et quelques trophées ont été gagnés. Notre jeune équipe Rocket League, qui a commencé en septembre dernier, débute plutôt bien et engrange de bonnes audiences (entre 35 000 et 40 000 spectateurs en moyenne). Par contre, nous n'avons pas atteint notre ambition de qualification sur League of Legends. Notre décision de faire une pause sur ce jeu en octobre 2017 est aussi un signal par rapport à ce que nous avons appris. Si on veut professionnaliser l'e-sport et qu'une entité ou une marque sportive souhaite s'investir sérieusement, il faut que du côté de l'éditeur nous ayons de vraies réponses. Aujourd'hui, la stabilité, l'organisation, la répartition des droits, bref tout l'écosystème manque parfois de lisibilité.

 

En quoi la relation avec Riot Games, l'éditeur de League of Legends, pouvait être compliquée ?

Ce n'est pas la relation qui est compliquée avec l'éditeur. Je vais vous donner un exemple. À partir du moment où vous assistez à une inflation importante des salaires et que vous n'avez pas accès à des informations claires sur ce que vous devez toucher sur la répartition des droits de diffusion pour une compétition, il devient alors difficile de constituer un budget fiable pensé en fonction des potentiels revenus engrangés. Vous savez, un budget pour une équipe comme le PSG sur League of Legends gravite autour d'un million d'euros et sans avoir les tops joueurs européens ou mondiaux. Ce qui nous a aussi séduits dans l'e-sport, c'est sa similitude avec l'écosystème du sport. C'est la même colonne vertébrale. Vous avez les droits de diffusion, le sponsoring, le ticketing et le merchandising. Si, à chaque levier, vous n'avez pas une vraie visibilité sur ce que vous pouvez générer, vous vous rendez compte que vos recettes reposent uniquement sur votre capacité à développer du sponsoring. Les grands tournois de League of Legends que vous voyez avec des dizaines de milliers de personnes, eh bien quand c'est l'éditeur qui organise la compétition, vous ne cochez ni la case ticketing ni la case droits télé. Il vous reste donc le sponsoring et encore faut-il être assez solide pour pouvoir faire des partenariats à plusieurs millions d'euros. Je ne voudrais pas paraître négatif, mais les éditeurs doivent prendre conscience de l'importance d'accompagner les équipes. On ne remet pas en question la puissance de cette discipline. Cependant, il nous faut plus de stabilité.

 

 

Malgré ses problématiques économiques, auriez-vous continué votre activité sur ce jeu si votre équipe avait eu des meilleurs résultats ?

Non, la décision de se mettre entre parenthèses de League of Legends n'a pas été prise à la suite de notre échec de qualification pour les Challenger Series ou par manque des résultats. Nous avons fait ce choix principalement à cause de l'environnement que je viens de décrire. Si je mets un million d'euros de budget sur la table, il me paraît logique que je gagne quelque chose avec les recettes. Si ce n'est pas possible, je peux toujours équilibrer mes revenus avec les sponsors, mais je ne pourrais pas financer le développement des autres équipes ou joueurs. Je ne peux donc pas me lancer dans Rocket League et aller demain sur Arena of Valor ou Clash Royale, car j'ai un jeu qui me prend tout mon budget. 

 

Quels sont vos objectifs pour 2018 ?

Nous souhaitons être à la hauteur du projet que nous défendons depuis 2011 et participer à notre niveau au rayonnement du PSG sur d'autres territoires que le foot. On espère que l'e-sport prendra toute sa place dans notre marque pour aller séduire encore plus de fans. Nous voulons évidemment remporter des compétitions et nous lancer sur de nouveaux jeux. Nous réfléchissons à aller vers d'autres secteurs, le marché du mobile est très intéressant et facile d'accès pour le grand public. Pourquoi pas inverser la relation avec les éditeurs, on peut être également un levier pour eux même s'ils sont loin d'être des petites start-up. Nous pouvons aussi véhiculer un projet et faire des choses ensemble. 2018 sera différent, nous espérons être économiquement viables. La troisième année devrait être l'année où nous devrions faire des bénéfices.