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Passé entre 2003 et 2004 chez *aAa*, Michael "HaRts" Zanatta est encore aujourd’hui l’un des joueurs français les plus titrés sur le FPS de Valve. Vainqueur d’un major sur CS 1.6 avec EmuLate et d’un ESWC sur CS:GO avec Clan-Mystik, l’ex-joueur maintenant âgé 32 ans a accepté de répondre à nos questions.

 

*aAa* CBZ : Salut HaRts, tout d’abord comment vas-tu ? Ta présence sur les événements esports a bien diminué ces derniers temps, pourrais-tu nous en dire plus sur ta situation actuelle ?

 HaRts : Hello Team-aAa, ça va très bien :) C’est toujours un plaisir de répondre à une interview pour *aAa* étant donné que c’est la première grosse structure en France à m’avoir fait confiance en nous recrutant de Bizounours. C’est aussi avec cette équipe que j’ai remporté mon premier gros titre français avec les WCG.FR 2003, donc j’ai toujours un attachement particulier à cette équipe. 

Concernant ma disponibilité, oui elle a grandement été impactée depuis avril 2014 quand j'ai commencé à travailler pour Ubisoft. C’est aussi à ce moment-là où les teams ont commencé à encore plus se professionnaliser et à demander de plus en plus de temps. Et à cette époque-là, j’avais besoin d’un break au niveau de la compétition, donc cela tombait bien. 

 

J’ai tenté de faire un retour avec Millenium début 2016 avec Jer, Sixer, Foxyo et Fisher, ça ne s’est pas trop mal passé avec notamment une victoire lors de la Gamers Assembly 2016 avec finalement peu de temps de préparation et avec des joueurs qui reprenaient la compétition sur CS:GO et sans être full time, mais la gestion entre boulot et compétition était extrêmement compliquée pour ma part, avec un emploi du temps trop lourd (9h30-18H30 à Ubisoft et 19h-00h/1h avec Millenium 5jours/7). Tout cela me laissait très peu de temps pour travailler les stratégies et m’améliorer dans mon skill individuel (sans parler de ma vie perso), alors que mes 4 autres teammates avaient de leurs côtés tout quitté pour se mettre full time, donc tout cela a créé un décalage petit à petit dans l’équipe ce qui est tout à fait normal. À ce moment-là, j’ai longuement hésité à quitter Ubisoft pour me mettre à plein temps, mais finalement cela ne s’est pas fait.

 

Aujourd’hui, cela reste toujours un regret pour ma part de n’avoir jamais vraiment eu la possibilité de me consacrer à 100% dans Counter-Strike, car tout le long de ma carrière, j’avais soit les études, soit le travail à m’occuper en même temps ce qui ne m’a jamais laissé le temps de faire tout ce que j’aurais voulu faire, et potentiellement d’atteindre peut être un meilleur niveau. 

Et maintenant, en termes d’activité sur la scène esport, je cast de temps en temps pour l’ESL et Ogaming/1pv principalement quand il y a un manque du côté des commentateurs. 

 

La sérénité du leader

 

Pour ceux qui ne te connaissent pas ou très peu, pourrais-tu rapidement nous résumer ta carrière ? Même si nous savons qu’elle a été riche en titres et en rebondissements, peux-tu me donner trois adjectifs, pour, à tes yeux, la décrire ?

1999 : je tombe amoureux de CounterStrike en Cyber Café.

2000 : je fais ma première Gamers Assembly et c’est à cette époque-là que je découvre qu’il y a des compétitions de jeux vidéo et que CounterStrike est super stratégique, qu’il se joue en 5v5 et qu’il ne suffit pas de courir n’importe où en 8v8 en CyberCafé :D Et là je me dis que ce jeu est incroyable et que je veux en voir beaucoup plus.

2000-2003 : j’enchaine les lans françaises avec de plus en plus de victoires sur les lans « régionales »

2003 : premier gros titre français lors des WCG.fr 2003 avec *aAa* face à GoodGame suivi du premier tournoi inter pour ma part avec une défaite en quarts lors des mondiaux face à la meilleure équipe américaine Team 3D en Corée du Sud. Et c’était incroyable de te dire que tu traversais le monde entier pour aller faire un tournoi de cette ampleur. 

2004, été : premier podium sur une lan internationale avec *aAa* lors de l’Euskal avec MaT, Kabal, JoN1oP et Emkill.

2004, fin : début de mes études de médecine, je dois faire un break du côté de CS pour me consacrer pleinement à celles-ci.

2005, été : pendant mes vacances de médecine, je fais l’ACON 5 avec Bizounours, on arrive avec peu de préparation à remporter les qualifications françaises, puis on arrive à atteindre la seconde place du tournoi international à la surprise générale, ce qui me fait remporter mon premier gros cashprize lors d’un tournoi (10,000 dollars).

2005, rentrée : le retour à ma deuxième année de médecine, donc nouveau break sur CS. 

2006, été : fin des études de médecine, je veux reprendre Counter-Strike à fond, et on crée Emulate avec MaT dans l’idée  de faire la meilleure équipe française possible. 

2006-2009 : époque Emulate, une période unique avec l’équipe la plus pro avec lequel j’ai pu jouer, couronnée de nombreux succès dont notamment les WCG 2007 à Seattle qui a été le premier tournoi majeur remporté par une équipe française sur Counter-Strike. 

2010-2011 : époque FairFrag/Millenium, avec Drizzer, Iorek, Cosmo et Diodel,  une équipe de vrais potes, des résultats dans l’ensemble assez bons, mais avec quand même de gros regrets, car cette équipe avait pour ma part de quoi viser bien plus haut au niveau international. 

2011, été – 2012 : fin de CS1.6, formation de la « dreamteam française » suite à une victoire en Nation CUP avec Sixer, Majer, Drizzer et Diodel qui nous a convaincus à former une vraie équipe, mais tout cela s’est fait trop tardivement. 

2013, Gamers Assembly sur CS:GO : CS:GO devient de mieux en mieux, et j’ai l’idée de vouloir refaire une équipe compétitive dessus, je vais donc à la Gamers Assembly sans avoir trop joué afin de voir et potentiellement recruter des joueurs avec un fort potentiel. C’est le début de Clan Mystik avec Drizzer, Iorek, Kioshima et Kqly.

2013, fin : après 7 mois intensifs à s’entrainer, on devient champion du monde avec Apex, Kqly, Kio et Iorek pour notre première sortie internationale à la surprise générale en remportant l’ESWC. 

2014, avril : arrivé à Ubisoft, le travail m’empêche de pouvoir continuer à m’entrainer comme je le voudrais avec l’équipe, je m’écarte de la team. 

2016, mars : retour avec Millenium lors de la Gamers Assembly qui restera mon dernier tournoi gagné sur CS. Et qui me permet aussi de remporter ma 4e édition après celle de 2008 et 2009 avec Emulate, et celle de 2014 avec Clan-Mystik.

 

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 HaRts et la victoire : une belle histoire d'amour

 

Pour les 3 points qui pourraient me concerner :

Vision de jeu

Par le style de jeu que j’ai voulu apporter dans mes équipes :

- Un jeu agressif en ct en prenant des prises de zones permettant de défendre les bombes sites ou certaines zones de la map en surnombre, toujours dans l’idée d’anticiper l’attaque des terros et de ne pas jouer de façon passive. 

- Et en attaque, un jeu très lent demandant de contrôler de nombreuses zones de la map dans le but de repousser un maximum la défense. J’ai beaucoup axé mon jeu sur le contrôle de map principalement plutôt que de me concentrer sur des stratégies bien définies, mettant plus en avant l’adaptation durant les rounds. 

 

Professionnalisme

Je me suis toujours donné à fond dans tous les tournois que j’ai faits, j’ai préparé toujours au mieux possible les matchs. À l’époque, j’étais un des premiers joueurs, je pense, à autant regarder les matchs et démos de mes adversaires, je me baladais même en tournoi avec mon PC portable pour regarder des démos entre les matchs, et à l’époque, ça mettait énormément de pressions sur mes adversaires qui voyaient que je faisais ça.

Ça reste un exemple de professionnalisme, mais à l’époque pas grande monde le faisait. 

 

Calme/Sérénité

J’ai toujours insisté à cela dans mes équipes afin que l’on soit le plus concentré possible dans les matchs. Ça peut paraitre simple, mais à l’époque, la plupart des équipes criaient entre chaque round, et il me semblait que parfois, ça pouvait te jouer des tours, que tu perdais du temps dans le freezetime pour parler des prochains rounds, et donc que ce n’était pas super productif. 

 

Tu es connu pour ton sens du lig sur 1.6 mais aussi sur CS:GO ou tu as gardé un style qui t’es propre et qui t’a apporté de nombreux succès, au-delà d’apporter ta vision du jeu en tant que caster, y-a-t-il une chance de te voir un jour en tant que coach/analyste d’une équipe ? Ce rôle te plairait ?

Oui clairement c’est un rôle qui me plairait. J’ai eu la chance de pouvoir le faire pendant 1 mois avec les LDLC White, mais en termes de disponibilité, ce n’était  pas optimal avec mon travail à côté, donc on n’a pas plus continué. Après j’ai beaucoup de choses encore à apprendre dans ce rôle évidemment, mais c’est quelque chose dont je sais que je pourrais clairement beaucoup apporter.

Après je n’ai pas eu de propositions concrètes qui m’auraient permis de m’y consacrer pleinement, même si j’ai eu quelques discussions il y a quelques mois à ce sujet. 

 

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 Gagner un major : le rêve de toute une vie pour un joueur CS

 

Comme tu as pu le voir, l’équipe *aAa* by Invictus est de retour sur le devant de la scène CS:GO, toi qui es également passé par là, quel est ton meilleur souvenir sous les couleurs de la triple voyelle ? Comment était l’ambiance à cette époque et quel regard portes-tu sur ce retour ?

Oui ça fait super plaisir pour *aAa* de les revoir sur Counter-Strike, cela fait un moment que je me demandais pourquoi *aAa* n’arrivait pas à revenir sur la scène, car c’est clairement un TAG mythique qui mérite d’être au top sur la scène française. En plus, avec une équipe comme celle-là qui est en train de gravir les échelons les uns après les autres, qui fait preuve de sérieux et qui semble être très professionnelle, cela fait clairement plaisir de voir. Et c’est clairement dommage que le subtop français ne s’inspire pas plus de cette équipe, car c’est clairement un modèle de réussite. De plus, avec l’apport d’Ozstrik3r, c’est une très bonne chose qui devrait leur faire passer un cap supplémentaire. Et à ce rythme-là, cela ne serait pas étonnant de les voir monter de plus en plus haut.

Ce côté extrêmement professionnel que je mentionne fait clairement parti de l’ADN de *aAa*, car à l’époque, une équipe avec des joueurs comme Maarek, Hourdeau, Emkill représentaient parfaitement ce côté pro. Et c’est d’autant plus cool de voir que la nouvelle équipe *aAa* by Invictus semble aller dans cette voie. 

 

Concernant mes meilleurs souvenirs avec *aAa*, le premier restera déjà celui de rejoindre une équipe mythique et très professionnelle et d’avoir pour la première fois une structure qui te soutient dans tes déplacements, hôtels, etc. Ensuite, il y a le premier gros titre français avec les WCG 2003, c’était juste incroyable de remporter cette compétition qui en plus nous qualifiait pour les Worlds en Corée. C’est la première fois que *aAa* effectuait autant de changements dans leur équipe CS, et on avait été super fiers de leur donner ce titre.

Et enfin l’Euskal 2004, premier podium international avec *aAa*, avec une équipe avec une superbe ambiance, et j’ai vraiment eu beaucoup de regrets d’avoir dû les lâcher à cause de mes études de médecine.

 

Tu as vécu l’esport en 2001 en tant que joueur sous le tag « Bizounours » mais tu l’as aussi connu en 2016/2017 avec des équipes telles que Millenium et Vexed. Quels sont pour toi les plus gros changements qui ont eu lieu entre ces deux époques ? Te doutais-tu qu’un jour l’esport devienne aussi important ?

Oui, j’ai toujours su que ça allait monter de plus en plus, par contre je ne savais pas combien de temps ça allait mettre. Ce qui a changé, c’est finalement les moyens qui ont énormément augmenté depuis qu’on est capable d’en faire de véritable show pour les joueurs et le public. Sinon ça reste toujours la même passion en beaucoup plus professionnelle. 

 


HaRts contre ZYKON lors de la GameGune 2007

 

Penses-tu un jour revenir en tant que joueur ? As-tu déjà été approché par diverses structures pour différents projets ? Après avoir vécu l’adrénaline de certains tournois, l’esport ne te manque-t-il pas ?

Si bien sûr cela me manque énormément, et les gens qui me côtoient savent à quel point la compétition est quelque chose qui fait partie de moi, et que j’ai toujours cette envie de gagner dans les projets que je fais. Revenir en tant que joueur me parait compliqué, mais revenir en tant que coach oui, c’est clairement dans mes cordes. J’ai été approché il y a quelques mois dans ce rôle, mais finalement le choix s’est porté sur une autre personne. 

 

Pour terminer, j’aimerais avoir ton avis de spécialiste en la matière afin de juger le niveau mondial et le jeu en lui-même. As-tu une équipe favorite parmi le top mondial ? Un joueur favori ? Apprécies-tu le jeu de Valve tel qu’il est actuellement ?

Le niveau mondial est incroyable, mais je pense qu’il est encore capable d’augmenter, car les nouveaux joueurs commenceront de plus en plus tôt au plus jeune âge, et forcement, deviendront biens plus forts (un peu comme Zywoo par exemple). Et s’il y avait des clubs esports avec des gens pour les former dès le plus jeune âge (un peu comme un club de foot avec des entraineurs pour les jeunes), on serait capable encore d’élever encore plus le niveau de jeu. Cela viendra peut-être bientôt, qui sait.

Donc pour ma part, l’esport a encore de très belles choses à montrer en matière de performance, car quand on regarde une compétition, une des premières choses que tout le monde aime voir, c’est voir des joueurs capables de réaliser des choses hors du commun.

 

Mon équipe favorite, c’est probablement les Virtus Pro car j’admire leur stabilité et leur capacité à être capable de faire des résultats là où on les attend le moins, même quand ils sont ultras critiqués. Et puis il y a de vraies légendes de CS avec Neo et Taz qui sont là depuis très très longtemps et qui arrivent encore à performer aujourd’hui, ça force le respect. D’ailleurs, la première fois que je les aient affrontés, c’était lors de l’Euskal 2004 avec *aAa* et on les avait massacrés sur Nuke :)

 

Mon joueur préféré actuellement est probablement Fallen, c’est pour moi le joueur le plus complet de la scène, il a été capable de monter une équipe au top niveau et surtout être capable de le rester alors qu’ils ne sont partis de rien. C’est l’un des meilleurs snipers du monde, ce qui est très atypique quand on est leader ingame, et il impose une aura et un vrai professionnalisme dans son équipe. De plus, ça a l’air d’être quelqu’un qui garde la tête sur les épaules et d’être quelqu’un de très sympathique !

 

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De gauche à droite : IoReK, MAJ3R, SIXER, Diodel, HaRts & Ozstrik3r

 

Et concernant CS:GO, oui je trouve toujours le jeu génial. Il est pour moi clairement toujours la référence des jeux compétitifs pour de nombreuses raisons :

- C’est le jeu qui laisse probablement le plus la possibilité d’exprimer son talent individuel, et tu peux quasiment être sûr qu’à chaque match, tu vas voir des actions incroyables qui vont te faire rêver et te faire lever de ton canapé :)

- D’un point de vue stratégique, il est tout aussi monstrueux, il offre un panel de stratégie très variée et il est potentiellement infini avec l’ajout de maps. Il est également super lisible comparé à des jeux comme Overwatch par exemple qui sont beaucoup plus brouillon en compréhension et lecture de jeu pour le spectateur. 

- Le rythme du jeu est extrêmement bien pensé d’un point de vue joueur et surtout spectateur, enchainant parfaitement les phases d’actions avec les phases de blanc/temporisation/freezetime qui permettent de parler des rounds précédents ou des actions marquantes, et de souffler pour le spectateur.  Quand le roundtime était à 3min il  y a quelques années, c’était un peu plus « chiant » de regarder du CS car il y avait trop de phases où il ne se passait rien. 

- Ses règles de jeu pour gagner : j’ai l’impression qu’à CS, tout peut arriver et un match n’est jamais fini, car pour gagner, il faut arriver à 16 points. Et grâce à ça, on a pu voir des matchs incroyables avec des remontées de fou, et qui créent des moments mémorables pour les joueurs et les spectateurs. Sur League of Legend par exemple, ya des games qui sont gagnées à 15-20min, mais tu es obligé d’attendre 10-15 min de plus  alors que tu sais qui a déjà gagné, et de ce côté-là, je trouve que ce n’est pas ce qui ya de mieux pour le spectateur. La même chose au football par exemple quand une équipe gagne 4-0 alors qu’il reste 10 min, le match perd un peu en intérêt, car tu connais déjà le résultat (bon après cet exemple ne marche pas pour le Barca-PSG de la saison dernière ;))

- Son économie : le fait qu’une équipe est parfois moins bien équipée qu’une autre est incroyable en termes de dramaturgie. Grâce à ça, cela donne un côté héroïque à certains rounds. Voir un joueur être capable de renverser une équipe alors qu’il n’avait qu’un gun et qu’il a été capable de renverser une équipe full équipée, c’est toujours magique. 

- Les clutchs : c’est une partie qui fait la beauté de CS, de savoir que parfois, tout repose sur 1 ou 2 joueurs et qu’ils doivent faire la différence, ça donne des actions mythiques. 

- L’attaque/Défense : le fait qu’il y a 2 sides totalement différents, attaque et défense, ça renforce la diversité dans les matchs et les stratégies possibles (la plupart des gros sports/esport games sont souvent symétriques, Foot,LoL, Basket, Rugby, Tennis, etc.).

- Son plus gros défaut : il est victime de son succès, et aujourd’hui CS:GO propose trop de contenu pour ce qui est des matchs de haut niveau. Le jeu est quand même assez solide pour soutenir autant de contenu et proposer assez de diversité pour que cela marche quand même, mais j’ai quand même des regrets par rapport à il y a quelques années où il y avait moins de matchs internationaux et donc forcément, tu gagnais en hype sur certains matchs, car ça n’arrivait pas toutes les semaines.