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Fabien Allègre, "brand diversification director" du Paris-Saint-Germain eSports, revient sur l'aventure esportive de la structure.

 

C'est le 5 octobre dernier que la nouvelle est tombée. L'aventure League of Legends s'arrête pour le PSG. Après un an d'échecs, l'emblématique club parisien a décidé de jeter l'éponge en ce qui concerne le MOBA de Riot Games. Mais il n'en a pas fini avec l'esport. Nos confrères de thescoreesports sont allés à la rencontre de Fabien Allègre, brand diversification director du PSG, qui revient sur l'aventure LoL et sur la stratégie esportive du PSG à l'avenir.

 

À quel moment est-ce que le PSG a commencé à douter de League Of Legends en Europe ?
Il ne s'agit pas vraiment d'un doute concernant la scène européenne, mais c'est juste que... Tout d'abord, la fin de l'aventure League of Legends ne signifie pas la fin de l'esport pour le PSG. J'insiste là-dessus parce que j'ai entendu et lu beaucoup de choses à ce sujet sur Twitter, et ce n'est vraiment pas notre idée.

Nous allons continuer à mener notre stratégie. L'objectif est toujours le même. Nous voulons vraiment nous investir dans l’esport, qui fait maintenant partie de notre projet. Mais le fait est que s’agissant du modèle économique, on ne trouve dans le monde aucune entreprise capable ne serait-ce que d’envisager de participer... parce qu’on arrive en parlant directement de pertes financières notamment quand on s’approche de League of Legends, où les salaires ont beaucoup augmenté.

Pour moi, nous ne sommes pas dans un environnement stable et le fait que Riot souhaite s'orienter vers les scènes locales française, anglaise, allemande... C'est un peu contradictoire. Même si rien n'est officiel de leur côté, nous en avons discuté, et ils veulent passer d'une compétition complètement européenne à une compétition européenne et locale, mais en insistant sur le coté local. Et en ce qui me concerne, la stratégie du PSG depuis le début en ce qui concerne l'esport a une dimension très internationale.

L'objectif était bien évidemment de développer la marque... De devenir une des dix franchises les plus importantes dans le sport. Et évidemment de faire du PSG une marque globale, et pour y arriver, nous avons besoin d'augmenter nos investissements. J'y crois vraiment.

Donc ce n'est pas pour ça que nous arrêtons, et nous ne fermons certainement pas la porte à Riot. C'est simplement parce que nous ne le sentons pas à cet instant précis. Evidemment, League of Legends est toujours un jeu étonnant avec beaucoup de joueurs à travers le monde. Mais à cet instant, avec le manque de visibilité pour les nouvelles organisations en ce qui concerne le partage des revenus, on doit faire un choix. Aujourd'hui, je ne peux pas me présenter devant ma direction et dire "Bon, on va perdre de l'argent avec le PSG eSports à cause de tout ce que vous savez à propos des salaires des joueurs et du manque de visibilité sur le partage des revenus."

 


Comme tu l'as dit, le PSG est arrivé sur LoL en s'attendant à perdre de l'argent dès le départ. Est-ce que les dépenses liées à League of Legends ont finalement été plus élevées que prévu ?
Nous avons fait les choses d'une bonne manière pour aborder les Challenger Series, mais même à ce niveau de compétition, le budget était plutôt élevé, et c'est sûr que si tu veux être compétitif sur la scène européenne et viser les compétitions mondiales, le budget est bien plus élevé. Pas plus élevé que ce à quoi nous nous attendions, mais il y a un équilibre à respecter, et les résultats ne sont pas là.

Donc même si on parle de sponsoring, le merchandising en fait partie, mais ce n'est pas si important, et le partage des droits n'est pas très clair. Il n'y a aucun engagement de la part de Riot. On ne demande pas de minimum garanti, mais au moins de pouvoir déterminer une ligne directrice et un budget avec ce qu'ils nous donneront pour pouvoir équilibrer un peu les dépenses et les salaires.

Et juste pour donner un autre exemple s'ils ne veulent plus d'un modèle européen. Nous savons que dans des pays comme l'Allemagne, les coûts des salaires sont plus faibles qu'en France. Le fait que Riot veuille se diriger vers une compétition plus locale signifie pour nous que nous allons devoir payer 25 ou 30% plus cher en taxes et autres, juste pour ça.
 

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Quelle a été la réponse de Riot à votre décision de partir ?
Je pense que nous l'avons fait de la bonne façon, parce que dès qu'ils nous ont parlé de la nouvelle organisation et de la compétition locale, je leur ai dit que ce n'était pas vraiment compatible avec notre stratégie.

Je ne dis pas qu'on leur a laissé le temps de comprendre quelle serait notre position finale, mais je pense qu'ils comprennent un peu. Et le fait est qu'il n'y a rien du tout aujourd'hui. À l'heure actuelle, il n'y a aucune annonce officielle de leur part concernant la nouvelle organisation. Et c'est une bonne chose pour moi parce que ça signifie qu'ils comprennent notre situation. Pas seulement celle du PSG, mais aussi celle des autres. Et peut-être que nous aurons d'autres conversations pour que ça se passe mieux et rassurer les entreprises comme nous, qui ont investi beaucoup de temps et d'argent. Nous prenons le risque et à la fin, nous avons également besoin de l'éditeur. C'est vraiment un élément clé pour moi. Même si le jeu est énorme et très populaire, qui paye le salaire des joueurs à la fin ? Qui paye toute l'organisation ? Qui paye pour la gaming house ? C'est nous.


Dans le football, tu as une ligue française, tu as l'UEFA et si tu as de bonnes performances, tu as une part des revenus, mais les règles sont vraiment très claires. Et ce n'est pas le cas pour LoL, donc peut-être que ça les aiderait pour permettre à leur jeu de devenir de plus en plus gros et plus attractif pour les sociétés qui veulent s'y investir.

 


En quoi le fait de travailler avec des développeurs de jeux vidéo est différent des organisateurs de ligues traditionnelles ?
Il y a une énorme différence pour moi. Tu ne parles pas qu’avec une seule organisation, mais avec beaucoup d'organisations en fonction du jeu dont il s'agit. Il n'y a pas qu'une seule vraie organisation.

Imaginons que, par exemple, tu veuilles comparer Overwatch et Paladins. C'est le même style de jeu, mais alors qu'Overwatch pense à te demander de payer une taxe de franchise qui va te demander un investissement dans ce sens, l'éditeur de Paladins est prêt à aider une entreprise qui pourrait donner plus de visibilité à leur jeu. Donc c'est une approche différente. Et la manière dont nous nous commençons à réfléchir maintenant et notre organisation sont complètement différentes pour DotA 2. La clé est de bien comprendre qu'au bout du compte, le club, l'entreprise qui investit, ne le fait pas pour développer le jeu, mais pour profiter de sa visibilité.

La plus grosse différence est donc que tu ne parles pas qu'avec une seule organisation, mais avec beaucoup d'éditeurs.


Comment c'était de travailler avec YellOwStar ?
J'ai apprécié ce gars dès le début, et peu importe ce qu'il s'est passé pendant la saison, ce fut aussi un gros changement pour lui. Il est très professionnel, mais c'est la loi du sport. À la fin, c'est toujours du sport, et les résultats n'étaient pas là, donc nous avons décidé de quitter League of Legends alors que Bora voulait continuer sur ce jeu. Nous n'avons donc pas eu d'autre possibilité.


Mais ce fut une bonne expérience, à la fois pour lui et pour nous. Les deux parties ont été satisfaites de l'expérience, même si les résultats sportifs n'ont pas été atteints. Mais c'est un fait que nous n'avons pas atteint nos objectifs de l'année.

 

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Le PSG a-t-il prévu d'aller vers d'autres disciplines esportives majeures ? CS:GO ou Dota 2 par exemple ?
Il est évident que nous ne fermons pas la porte à Riot, et que nous voulons continuer dans notre stratégie. Notre objectif est de faire partie du monde de l'esport. Donc nous recherchons évidemment de nouveaux jeux, mais pas pour l'instant. Évidemment il y a des jeux plus petits, mais à l'heure actuelle, nous avons 5 joueurs sur FIFA et une équipe sur Rocket League. Nous continuerons à annoncer de nouveaux jeux, mais je ne peux pas dire lesquels à l'heure actuelle et ça se passera peut-être différemment. Pour l'instant je ne sais pas.


Qu'avez-vous appris de votre période sur League of Legends ?
Lorsque tu as 7 ou 8 personnes qui vivent ensemble, sous le même toit 7 jours sur 7, 24 heures sur 24... Tu apprends énormément de cette expérience et de la manière dont fonctionne le monde de l'esport. Tu as les joueurs, les coachs, et à côté tu as toutes les autres activités que gère le club. C'est exactement le même genre d'organisation et d'émotions que tu retrouves dans le foot ou dans d'autres sports. C'est exactement pareil.

Nous avons également appris qu'il fallait être très attentif à l'aspect financier, au respect l'équilibre. Quand tu viens des USA par exemple, tu as beaucoup plus d'argent à dépenser dans l'esport qu'en France et en Europe. Peut-être que nous sommes un peu en retard par rapport aux États-Unis sur cet aspect mais peut-être qu'à l'heure actuelle, nous ne pouvons pas non plus avoir le même genre d'organisation.

Même sur l'aspect commercial, quand je vais sur le marché et que je cherche des sponsors, je ne parle évidemment pas de marques liées au domaine de l'esport, mais des autres, je n'ai jamais vu d'intérêt aussi important dans l'esport que dans les autres sports, parce qu'il n'y a pas grand monde qui sait comment marche l'esport, et de quoi il s'agit réellement. Donc de ce point de vue, c'est intéressant de faire comprendre aux gens les différents jeux, les types d'éditeurs que tu peux atteindre, et quels engagements tu peux entretenir avec ces gens-là.

C'était un bon entrainement pour la première année ! (rires)


Qu'est-ce qu'il faudrait pour que le PSG revienne sur League of Legends ?
Pour commencer, nous voulons simplement un environnement stable. Établir avec eux une vision claire de la nouvelle organisation et du partage des revenus. C'est tout.