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Après avoir envisagé une introduction en bourse en 2014 aux États-Unis, la société Razer a finalement choisi Hong Kong pour son entrée dans la cour des grands en octobre. Elle cherche à lever environ 400 millions de dollars et pourrait être valorisée entre 3 et 5 milliards de dollars. Dans ses plans révélés au gendarme boursier hongkongais, Razer révèle également préparer le lancement d'un téléphone à la fin de l'année.

 

Les prospectus sont une mine d'or d'informations sur les sociétés privées puisque du jour au lendemain, de très nombreuses informations autrefois confidentielles deviennent publiques. On y dénote très souvent des anecdotes ou des relations commerciales qu'on ignorait. On y entrevoit également les principaux actionnaires ou même les traits d'humour des banquiers qui ont passé des nuits entières à leur rédaction ou à leur relecture.

 

C'est Crédit Suisse et UBS qui se sont attelées à la documentation de l'offre de Razer, afin de nous offrir un peu de transparence sur près de 350 pages. Voici ce que nous avons retenu de la présentation de cette société enregistrée aux Îles Cayman.

 

Quelques chiffres

 

Son fondateur, le singapourien Tan Min-Liang détient encore 41% de Razer par l'intermédiaire d'un Trust. Son compatriote et principal bailleur de fonds, le magnat Lim Kaling détient lui environ 25%. Malgré de nombreuses levées de fonds, ils ont su garder le contrôle de l'entreprise, assurant quand même des profits rondelets aux autres investisseurs. Par exemple, ceux qui sont entrés dans le tour de table de 2007 devraient enregistrer un profit supérieur à 5000 % dans l'hypothèse la plus optimiste.

 

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Tan Min-Liang (à gauche) lors du lancement du RazerStore à Hong Kong

 

 

Il y a 700 personnes qui travaillent chez Razer, la moitié des ventes s'effectuent en Amérique, un quart en Europe et un dixième respectivement en Chine et dans le reste de l'Asie. En 2016, un tiers des ventes revenait au Razer Blade dont il s'est écoulé 50 000 exemplaires, le reste pouvant être attribué aux différents périphériques de jeu.

 

Une société qui perd de l'argent

 

Les bilans et les comptes de résultat de ces trois dernières années sont sans doute l'information la plus intéressante de ce prospectus. On y apprend que malgré une année 2016 marquée par une hausse des ventes de 25% (passant de 320 à 390 millions de dollars), l'exercice s'est soldé par une perte de près de 60 millions de dollars.

 

La marge brute (ventes - coûts de fabrication) est de 30%, ce qui ne parait pas ridicule par rapport aux 40% que parvient à dégager Apple. En revanche, les coûts de marketing, de recherche et développement et les dépenses administratives (entre 50 et 70 millions chaque) font plonger la société dans le rouge.

 

Ces pertes ne sont pas alarmantes pour autant, la société souhaitant accélérer sa croissance après une année de stagnation en 2015. Les investissements, avec notamment l'ouverture du sixième RazerStore à Hong Kong et le lancement du Blade peuvent expliquer cette hausse des coûts opérationnels.

 

Sur le fil du rasoir

 

Niveau transparence, ce prospectus fait la part belle aux litiges relatifs aux brevets et aux marques déposées par Razer. L'entreprise a par exemple dû payer la bagatelle de cinq millions de dollars en 2015 pour mettre fin à des poursuites légales. En effet, ce phénomène est un risque inhérent qui touche toutes les sociétés du secteur des nouvelles technologies. Sans être l'élément qui fasse basculer les comptes dans le rouge, il ressort que cette problématique pollue les lancements de produits de la marque verte.

 

On découvre à la page 37 l'existence d'un litige de longue date entre Razer et la société Razor USA LLC, qui fabrique principalement des trottinettes et des chaussures roulantes. En 2015, Razer a accepté la signature d'un accord afin de pouvoir mettre fin au conflit et d'utiliser sans crainte sa marque éponyme à l'exception des jouets, véhicules, télévisions, tablettes et téléphones. Cet accord a impliqué le versement du somme d'argent non divulguée à Razor USA.

 

Le 25 juin dernier, un nouvel accord a étendu ce droit aux téléphones et tablettes, afin d'ouvrir la voie à l'entrée prochaine de Razer sur ce type d'appareils. Une nouvelle fois, des royalties seront payées à Razor USA sur une durée de quinze ans, en fonction du nombre d'unités vendues.

 

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On apprend également l'existence d'un autre litige avec un tiers non-identifié en Europe (Autriche, Bénélux, France, Allemagne et Royaume-Uni) qui empêchait Razer d'y commercialiser des ordinateurs de bureau et portables portant sa marque jusqu'en 2016. Il s'est également soldé par un accord de royalties dans lequel Razer s'engage à rémunérer cette société mystère en contrepartie de l'autorisation de vente du Razer Blade.

 

Grâce à sa taille relativement importante, la marque devrait pouvoir échapper au climat très tendu sur les petites capitalisations boursières hongkongaises où semblent régner les manipulations et les fraudes. Le "road show" institutionnel visant à convaincre les investisseurs commencera prochainement. Nul doute que des informations supplémentaires sur ce mystérieux appareil mobile seront rendues publiques au fur et à mesure.